Jenny Hval est une chanteuse norvégienne. Dans son dernier album, elle consacre une chanson au sang que son personnage trouve sur son lit, en se réveillant un matin.

“Cette chanson sensuelle dénonce la honte qui entoure les règles”, écrit The Fader. “L’effluve des menstrues n’est plus le révélateur d’un tabou millénaire mais une expérience à laquelle le public peut s’identifier.” Interrogée par le magazine, la chanteuse s’étonne que le sang menstruel, “sans doute le sang le plus puissant de l’univers”, soit toujours “dépouillé de son pouvoir”.

Déconstruire la stigmatisation

Ces derniers 18 mois, observe le magazine, nombre d’artistes, d’activistes, de politiques et d’entrepreneurs ont adopté des positions radicales pour déconstruire la stigmatisation qui touche les règles. Depuis des décennies, seules les féministes portaient ce combat. “Aujourd’hui, cette lutte ne concerne plus uniquement les marges”. Et d’évoquer, entre autres, l’illustration montrant l’insertion d’un tampon dans un clip de Mitski réalisé par l’illustratrice Faye Orlove.

“J’aime confronter les garçons au côté un peu ‘dégueulasse’ des règles, parce que, pour moi, l’idée que les filles ont peur du sang et de la violence est un cliché. Est-ce que vous avez conscience de la quantité de sang à laquelle nous sommes confrontées très régulièrement ?” interroge Faye Orlove. 

L’activisme radical fait réagir les médias

Le magazine américain cite aussi les propos de l’activiste Kiran Gandhi, qui a fait parler d’elle en août 2015, lorsqu’elle a couru le marathon de Londres en laissant son sang menstruel s’écouler librement. Elle analyse :

La plupart des évolutions n’ont pas lieu tant que l’on n’oblige pas la société à remettre en question ses normes et les problèmes qu’elles posent.”

Pour elle, l’activisme radical fait réagir les médias, lance des discussions et donne naissance à des débats sur Facebook.

C’est ce qui s’est produit à l’automne 2015, reprend The Fader, “quand la marque Thinx, qui vend des sous-vêtements empêchant toute fuite pendant les règles, a créé une campagne de pub qui associait des photos dignes de n’importe quel magazine féminin avec le slogan suivant : ‘Des sous-vêtements pour les femmes qui ont leurs règles’.” 

​“Dans un premier temps, la MTA [société des transports en commun new-yorkais] avait refusé les publicités (personne n’avait jamais écrit le mot ‘règles’ dans le métro avant ça). Donc Thinx est allé voir les médias. La réaction médiatique a contraint la MTA à revoir sa position”, raconte The Fader.

Autre résultat concret de cet activisme : la suppression de la taxe fédérale sur les produits hygiéniques féminins (tampons, serviettes, coupes menstruelles) au Canada, en 2015.

The Fader en tire la conclusion suivante : “Plus on parle des règles, moins nous nous sentons honteuses. Moins nous sentons honteuses, plus nous sommes puissantes.” Et d’ajouter avec impertinence : “Le plus cool, c’est qu’en se libérant de ce poids, on ne s’attaque pas seulement à un tabou ; on fait aussi un beau doigt d’honneur au système patriarcal tout en jetant les bases d’un avenir différent.”