Attentat : l'Europe peut-elle résister à la panique ?

Des rumeurs qui courent, des agressions prises pour des attentats, des annonces anxiogènes, sur le continent, l'anxiété peut à tout moment virer à la panique.

(avec AFP)

Les soldats munis d'armes de guerre dans les rues de nos villes. L'opération Sentinelle est censée rassurer la population.
Les soldats munis d'armes de guerre dans les rues de nos villes. L'opération Sentinelle est censée rassurer la population. © AFP

Temps de lecture : 4 min

Dans une station balnéaire espagnole, à Platja d'Aro (Nord-Est), une "flashmob" (performance éphémère) prévue par cinq jeunes Allemandes, avec cris et course en bord de mer, a récemment été prise pour un attentat par les vacanciers paniqués. Bilan : onze personnes soignées pour contusions et tachycardie. Vendredi soir, c'est la tour Eiffel qui a été évacuée, de crainte d'un colis suspect selon la direction de la Tour, quand la préfecture évoque la panique infondée d'un employé lors d'un exercice de sécurité. Et c'est sans parler de ce journaliste d'origine marocaine, expulsé d'une église où il venait simplement constater pour les besoins de son reportage l'atmosphère de recueillement...

Le point du soir

Tous les soirs à partir de 18h

Recevez l’information analysée et décryptée par la rédaction du Point.

Votre adresse email n'est pas valide

Veuillez renseigner votre adresse email

Merci !
Votre inscription a bien été prise en compte avec l'adresse email :

Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte

En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité.

La peur des attentats rend l'Europe fébrile. Désormais, la moindre agression fait craindre une nouvelle attaque djihadiste, comme la semaine dernière à Londres, où un Norvégien d'origine somalienne a tué une femme et blessé 5 personnes. L'acte d'un déséquilibré, sur une place qui, en juillet 2005, avait été frappée par deux des quatre attentats simultanés revendiqués par Al-Qaïda.

Des craintes alimentées par les annonces des autorités

Face à "cette époque d'inquiétude", le pire "est cette impression qu'il nous faut souffrir deux fois : non seulement de cette peur (...) mais aussi du désarroi de se trouver pris dans un cycle infernal que rien ne semble pouvoir arrêter", résumaient récemment dans une tribune publiée par le quotidien français Libération un écrivain et un philosophe, Édouard Louis et Geoffroy de Lagasnerie.

LIRE aussi notre interview Michel Onfray : "Quiconque dit ne pas avoir peur est un menteur"

Les craintes d'attaque terroriste en Europe sont alimentées par les mises en garde des autorités à leurs citoyens. Londres a récemment mis en garde contre l'éventualité d'un attentat au Royaume-Uni tandis que l'Autriche annonçait jeudi avoir reçu par mail des "menaces terroristes" visant la police. En France, le Premier ministre Manuel Valls prédit à satiété "de nouvelles attaques et de nouveaux innocents tués" après une série d'attaques sanglantes depuis plus d'un an et demi. En parallèle, des événements festifs sont annulés préventivement face à la difficulté de sécuriser suffisamment les rassemblements. Dernier en date : la grande braderie de Lille.

Arrestations

L'impression d'une épée de Damoclès planant au-dessus de l'Europe se nourrit aussi de l'annonce d'arrestations de suspects prêts à passer à l'acte. Fin juillet, la Belgique a ainsi inculpé un homme de tentative d'assassinat terroriste. Ce pays, frappé le 22 mars par deux attaques djihadistes contre l'aéroport et le métro (32 morts), maintient un niveau d'alerte au niveau 3 (menace "possible et vraisemblable") sur une échelle de 4. Les autorités en France, où le régime exceptionnel d'état d'urgence est en vigueur depuis les attentats du 13 novembre (130 morts), annoncent régulièrement perquisitions et interpellations dans le cadre de dossiers antiterroristes. D'autres arrestations ont lieu pour vérification, comme vendredi à Paris, où un Afghan a été interpellé. I

Il avait été signalé par une ressortissante britannique qui disait avoir été informée par sa famille résidant en Afghanistan. La femme avait contacté les gendarmes français. Mardi, l'alerte avait été donnée et la photo du suspect diffusée auprès des forces de police. Arrêté vendredi dans le 18e arrondissement et placé en garde à vue à la brigade criminelle de Paris, il a été relâché samedi en fin de matinée "en l'absence de charge venant corroborer ce signalement", a indiqué la source judiciaire.

 

"Une psychose qui nourrit les médias"

 

Huit jours après l'attentat au camion sur la promenade des Anglais à Nice, qui a fait 85 morts le 14 juillet, la fusillade dans un centre commercial de Munich (Allemagne) le 22 juillet (9 morts) a donné une saisissante illustration de la fébrilité ambiante. Sans attendre de connaître la nature de la tuerie, l'ombre de l'État islamique a aussitôt surgi, en particulier sur les réseaux sociaux, poussant la police allemande à demander de ne pas propager de rumeurs. Après enquête, l'auteur de la fusillade, un Germano-Iranien de 18 ans, était animé par des idées d'extrême droite racistes, obsédé par les jeux vidéo violents et les tueries de masse, en particulier celle commise il y a cinq ans par le Norvégien Anders Behring Breivik.

LIRE aussi Tuerie de Munich : un jeune qui voulait tuer des jeunes

Dès la moindre agression à l'arme blanche connue, les chaînes d'information en continu bouleversent leurs programmes pour suivre en direct les interventions des forces de l'ordre et des secours comme s'il s'agissait d'un nouvel attentat. En France, l'agression au couteau d'une femme et ses trois filles en vacances dans les Alpes, commise le 19 juillet par un Marocain, a ainsi été traitée par plusieurs médias comme un possible acte djihadiste. L'agresseur, qui a dit souffrir de troubles mentaux, reprochait en fait au père et mari des victimes de s'être gratté l'entrejambe devant sa femme...

Pour Christian Delporte, spécialiste français de l'histoire des médias, "ce ne sont pas les médias qui nourrissent la psychose, c'est au contraire cette psychose qui nourrit les médias. Les responsables politiques ont une plus grande responsabilité que les médias, car ils devraient appeler au calme". Selon cet expert, les médias jouent plutôt un rôle de "canalisateur" des peurs : "On est chacun derrière son poste de télé, le fait d'en parler grâce aux médias, dans une forme de communion, apaise." Maigre consolation...

À ne pas manquer

Ce service est réservé aux abonnés. S’identifier
Vous ne pouvez plus réagir aux articles suite à la soumission de contributions ne répondant pas à la charte de modération du Point.

0 / 2000

Voir les conditions d'utilisation
Lire la charte de modération

Commentaires (49)

  • enolane

    Et c'est exactement leur but : créer une atmosphère de psychose en montrant qu'ils sont là, qu'ils sont actifs, et que personne n'est à l'abri. J'ai déjà entendu des gens comparer cette situation à l'Occupation, où il fallait aussi se méfier de tout le monde sans avoir d'autre préoccupation que de manger et rester en vie. Et qui affirmaient qu'il valait mieux vivre comme dans un pays vaincu, humilié, occupé et privé de tout pouvoir (ce qu'était la France de 1940) que dans un pays où on arrête les gens selon leurs intentions. Tout va bien, la France est prête à se soumettre...

  • restif

    L'anxiété naît de la passivité. On la dépasse par l'action. La peur est surmontée quand elle fait place à la colère. Les appels au sang-froid sont sans effet et même contre-productifs, comme les "replis stratégiques" des armées en déroute.

  • AdLib

    @toulhars : merci : -)
    @Grisonnant : comme vous, je pense urgent de remettre à l'honneur l'histoire à l'école : elle enseigne que la guerre a toujours fait partie de l'humanité et que tous nos pays, pratiquement, se sont construits et transformés à coups de guerres, de révolutions, de violences et de morts – mais aussi de courage et de convictions.

    L'histoire à l'école, si elle apprenait les guerres et malheurs du passé aux élèves, en respectant la chronologie, permettrait aux élèves de ne pas rester démunis devant la violence d'aujourd'hui : je pense que, pour découvrir la violence du monde, c'est une chose que de l'aborder en regardant les armées de la France et de l'Autriche en découdre sur une gravure d'époque et en s'"imaginant" la bataille, et une autre que de voir sur l'ordinateur des vidéos de bourreaux djihadistes ou d'entendre que des jeunes de leur âge viennent de se faire massacrer dans leur salle de classe, quand on ne leur y parle que du "vivre-ensemble" et de "Touche pas à mon pote".

    Les jeunes d'aujourd'hui sont baignés sans aucune distanciation dans une violence humaine inouïe à laquelle ils apprennent à s'habituer, surtout quand on se fait fort de les y confronter jusque dans l'école, qui, hélas, n'est plus un "sanctuaire" : j'ai trouvé pour ma part cruelle cette "minute de silence" imposée après Charlie à des petits, et redoutablement contre-productive, quand on a dû en punir certains, pour paroles déplacées du genre "C'est bien fait pour eux", ou quand on a trouvé bon de demander à des gamins de 8 ans "ce qu'ils en pensaient" : "C'est pas bien de tuer pour des dessins"...

    Pour moi, enseigner l'histoire permettait une mise à distance de cette violence, autorisant les élèves à se sentir protégés jusqu'à ce qu'ils mûrissent et acclimatent l'idée que celle-ci a toujours fait partie du monde et pourrait faire partie de leur vie.
    Aujourd'hui, dans un monde "de paix", pourtant, c'est le contraire : ils y sont confrontés quotidiennement !