La production de jus d’orange s’écroule au plus bas depuis 1990
Le Brésil, 1 er producteur mondial, devrait connaître sa pire récolte depuis plus de 20 ans.Les cours ont bondi de 50 % depuis mars. Ils sont au plus haut depuis quatre ans.
Par Muryel Jacque
C’est la faute du « dragon jaune ». A force de sévir, cette très grave maladie des agrumes qui dévaste les orangers des grands pays producteurs de la planète depuis plus de dix ans devrait faire chuter la production mondiale de jus d’orange au plus bas depuis 1990.
Au Brésil, d’où proviennent plus de la moitié des fruits utilisés pour fabriquer les jus consommés à travers le monde, la situation est particulièrement critique. La production d’oranges risque d’être la plus faible depuis plus de vingt ans, d’après les estimations du département américain de l’Agriculture (USDA). Car, outre la maladie des agrumes, des températures supérieures à la normale ont affecté les cultures. En conséquence, la production de jus d’orange brésilien (essentiellement du jus d’orange concentré congelé) devrait chuter de 11 %. Or, le Brésil est de loin le premier fournisseur de la planète, avec trois quarts des exportations à lui seul.
La Floride, deuxième région productrice du globe, se débat également contre la bactérie tueuse d’orangers qui se transmet par des pucerons. Mais il n’existe pas de remède réel, et sur la péninsule américaine la récolte sera probablement la pire jamais réalisée depuis... 1964, a prédit l’USDA. De quoi faire chuter la production de jus d’orange concentré congelé de 13 %. Le « dragon jaune » aurait déjà fait perdre 7,8 milliards de dollars au secteur depuis 2006, selon des données de l’Université de Floride citées par Bloomberg.
A New York, les prévisions de l’USDA ont bousculé les opérateurs de marché, propulsant fin juillet les cours du jus d’orange concentré congelé à leur plus haut niveau depuis quatre ans. Depuis mars, leur progression atteint 50 % et les analystes spécialistes ne les voient pas s’arrêter là. Chez Rabobank, on pense que la livre va prochainement tutoyer les 2 dollars, un prix inégalé depuis janvier 2012.
Pourtant, jusqu’au printemps dernier, les craintes d’éventuelles pénurie de jus d’orange dans les supermarchés de l’Union européenne ou de l’Amérique du nord - les deux grandes régions consommatrices - n’effleuraient guère les investisseurs. Ils étaient davantage focalisés sur l’amollissement progressif de la demande mondiale ces dernières années. Depuis le début du siècle, les jus de fruits - riches en sucre - ont en effet moins la cote. Ils sont concurrencés par d’autres produits. Ils souffrent aussi de la désacralisation du petit déjeuner, en particulier en Occident, liée aux nouvelles habitudes alimentaires comme le snacking.
Mais les pertes de production au niveau mondial sont telles aujourd’hui que depuis deux ans l’offre ne suffit plus à répondre à cette demande pourtant déclinante. Conséquence, les stocks de jus d’orange de la planète devraient encore baisser en 2016, pour la quatrième année d’affilée, et se retrouver à leur plus bas niveau depuis neuf ans. Avec, à l’horizon, des coûts plus élevés pour les fabricants de jus d’orange.
La diminution des surfaces plantées au Brésil pourrait ne pas arranger les choses. Bloomberg rapporte que face à cette maladie qui décime leurs arbres, certains producteurs dans ce pays où l’orange pousse depuis le 16ème siècle, abandonnent désormais les orangers pour planter du soja, du maïs ou du tournesol.
Muryel Jacque