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Analyse

Syrie : comment les rebelles ont brisé le siège d'Alep

Le régime de Bachar al-Assad tentait, dimanche, d'éviter l'encerclement total des quartiers qu'il contrôle dans la deuxième ville du pays, où il a subi un grave revers la veille.
par Hala Kodmani
publié le 7 août 2016 à 18h47

Les quelque 300 000 habitants pris au piège dans la partie est d’Alep, contrôlée par les opposants au régime, peuvent souffler. Un premier convoi de nourriture est entré dimanche matin dans les quartiers assiégés depuis près d’un mois par les troupes de Bachar al-Assad. Il a emprunté la route ouverte la veille par les forces rebelles dans le sud-ouest de la ville, venant de la province voisine d’Idlib.

En prenant le contrôle de trois positions militaires, dont deux académies, dans le secteur de Ramoussa samedi, des groupes armés ont opéré la jonction avec d’autres enfermés à l’intérieur d’Alep, brisant ainsi le siège. Il a fallu une semaine et une offensive de grande envergure, lancée par plusieurs formations qui combattent le régime, pour atteindre l’objectif. Une force évaluée entre 6 000 et 9 000 hommes au total, dominée par l’Armée de la conquête, regroupant notamment des salafistes d’Ahrar al-Sham et le Front Fateh al-Cham (ex-Front al-Nusra, ayant renoncé à son rattachement à Al-Qaeda), qui a ouvert un front étendu sur une dizaine de kilomètres.

Armes abandonnées

Les premières avancées avaient été contrées en début de semaine dernière par les bombardements des aviations syrienne et russe. Mais celles-ci ne pouvant couvrir toute la largeur du front, les incursions des rebelles ont fini par aboutir. Pour mener à bien leur opération, les assaillants ont lancé plusieurs voitures piégées et des kamikazes contre le mur d'enceinte des écoles militaires de Ramoussa, et ont ainsi pu pénétrer dans le lieu, selon le site prorégime Al-Masdar News. Les troupes d'Al-Assad ont laissé derrière eux des armes, des munitions et du matériel dont se sont emparés les rebelles.

Cette ouverture par le sud-ouest de la partie d’Alep contrôlée par l’opposition a l’avantage de créer une continuité territoriale avec la vaste région d’Idlib tenue par les rebelles. Ceux-là n’ont pas cherché à reprendre la route dite du «Castello» au nord qui, pendant plus d’un an, était la seule artère reliant Alep à la Turquie. C’est en prenant cette voie étroite le 7 juillet que les forces prorégime avaient réussi à encercler l’Est d’Alep, privant la ville de tout approvisionnement. L’autre avantage de la connexion sud, c’est qu’il n’y a pas d’interférence de forces tierces sur le terrain comme les Kurdes ou surtout celles de l’Etat islamique, présentes au nord d’Alep.

Russie et Hezbollah

L’ironie, c’est que la route du Castello devient désormais vitale pour relier les forces prorégime aux quartiers ouest d’Alep sous contrôle gouvernemental. Si les rebelles parviennent à menacer cette voie, ils pourraient encercler à leur tour l’autre moitié de la ville où vivent plus d’un million d’habitants. Les assiégeurs assiégés ? On n’en est pas encore là : le plus difficile pour les rebelles est de pouvoir garder le contrôle du terrain conquis. Car même si ses troupes ont essuyé un dur revers sur le terrain, le régime peut encore compter sur l’aviation russe et ses alliés du Hezbollah, ainsi que sur des milices iraniennes au sol pour mener une contre-offensive.

Au-delà de la bataille militaire, c’est aussi l’avenir des négociations politiques entre le régime et l’opposition syrienne qui se joue à Alep. Cette victoire de la rébellion, brisant le siège des quartiers qu’elle contrôle, a des conséquences sur le rapport de forces en prévision des pourparlers qui doivent reprendre à Genève. Diplomates et politiques attendaient le résultat de la bataille pour fixer la date, selon la convenance de la partie victorieuse. Le régime avait justement annoncé son accord pour retourner en Suisse, pour les négociations, un jour après avoir encerclé Alep. Aujourd’hui, c’est désormais l’opposition qui se trouve en position avantageuse pour avancer son agenda.

Vivre au jour le jour

Quant aux civils, principales victimes de ces batailles militaires ou politiques, ils ont appris à vivre au jour le jour et se contentent d'un répit. «La semaine dernière, je me demandais comment j'allais survivre et comment je pourrais quitter la ville, mais maintenant, le moral est bien meilleur», raconte à l'AFP Ahmad Adna, 46 ans, d'Al-Kallassé dans le sud d'Alep. Hier, c'était au tour des habitants des quartiers progouvernementaux de commencer à stocker de la nourriture.

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