Judo: le miracle Kelmendi

© Louis Witter
Majlinda Kelmendi sur un tatami.

La jeune kosovare Majlinda Kelmendi est une judokate avertie qui a déjà récolté bon nombre de médailles dans son sport. Rencontre avec cette star locale qui a offert à son pays le dimanche 7 août 2016 sa première médaille d'or aux Jeux olympiques de Rio de Janeiro.

Il est 10 heures du matin, la chaleur du mois de juin tombe déjà sur Peja, ancienne ville industrielle de l’ouest du Kosovo. Nichée au pied de la montagne Rugova, l’école de judo s’éveille. A l’intérieur, sa ceinture noire à la taille, les cheveux relevés en chignon, Majlinda Kelmendi susurre un bonjour teinté de timidité. Cette retenue contraste avec la taille de ses biceps. Peut-être jauge-t-elle simplement son interlocutrice. Son regard, lui, ne s’encombre d’aucune pudeur et se plante franchement dans le nôtre. La jeune femme repart vaquer à ses étirements. Il y a quelques mois, elle s’est blessée aux ligaments croisés et elle arrive au terme de sa convalescence. Du haut de ses 24 ans – et de ses 52 kilos – elle est la double championne du monde de judo. Depuis deux ans, elle n’a perdu aucun combat. Au Kosovo, c’est une star, la star.

Autour d’elle, une dizaine d’autres athlètes s’activent. Certains se propulsent à toute vitesse contre un mur de tatamis, avant de s’élancer vers les haltères. Majlinda Kelmendi vient de finir son échauffement. Elle se relève, agrippe le kimono d’un partenaire et enchaîne les mouvements d’attaque. Elle lance frénétiquement des coups d’épaule contre celle de son adversaire. Assis en retrait, Driton Kuka rythme du regard cette chorégraphie martiale. A 44 ans, cet ancien champion yougoslave entraîne – dans le sillage de Kelmendi – une armée de judokas prêts à hisser au sommet des podiums l’étendard kosovar. En 1999, lorsque l’école a ouvert ses portes, Driton Kuka espérait surtout offrir un espace de loisirs aux jeunes des environs. A l’époque, le Kosovo est encore une province du sud de la Serbie, peuplée en majorité de familles albanaises. Après des années d’une guerre sans merci, la paix vient d’être signée entre Belgrade et Pristina, la capitale kosovare. Peja est réduite en cendres, mais le dojo tient miraculeusement debout. Majlinda Kelmendi est âgée de huit ans. Sa grande sœur, elle, passe déjà ses après-midi sur les tatamis et ne cesse d’inviter sa cadette: «Viens, c’est drôle et il y a plein d’enfants.» Après être restée cloîtrée une partie de son enfance pour se protéger du conflit, Majlinda Kelmendi parcourt finalement les cent mètres séparant son domicile du club. Très vite, elle prend goût au combat, dopée à l’adrénaline de la victoire.«J’étais une enfant très calme, mais en pratiquant ce sport je suis devenue différente. Tellement agressive, se remémore-t-elle dans un anglais parfait. J’ai aussi réalisé que je pouvais devenir quelqu’un dans ma vie. » Driton Kuka confirme: «Elle était un peu différente des autres enfants. Elle était très sérieuse pour son âge et voulait déjà se donner à 100%.» Nora Gjakova, l’une de ses camarades depuis ses débuts, et aujourd’hui nouvel espoir du club chez les 57 kilos, ajoute: «Pendant les pauses, elle demandait même au coach quand est-ce que l’on se remettait au travail!»

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