Turquie-UE : le grand chantage

Alors qu'Erdogan se réconcilie avec Poutine et foule la démocratie dans son propre pays, les éditorialistes pressent l'Europe de se sortir du piège.

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Migrants et réfugiés dans le camp de rétention de Moria sur l'île grecque de Lesbos.  
Migrants et réfugiés dans le camp de rétention de Moria sur l'île grecque de Lesbos.   © AFP

Temps de lecture : 3 min

La Turquie inquiète les éditorialistes de la presse française. Enjeu : le sort de la démocratie dans un pays spectaculairement repris en main par son chef, mais aussi les migrants qui sont près de 3 millions en Turquie et qui servent au président turc de monnaie d'échange dans ses négociations avec l'Europe. « L'accord de mars dernier sur les migrants a certes réussi à tarir les arrivées massives sur les côtes grecques, reconnaît Christophe Lucet dans Sud-Ouest. Mais son avenir est suspendu à une négociation sur les visas turcs rendue encore plus compliquée par la gestion musclée de l'après-putsch à Ankara. Autant dire que dans les semaines et les mois qui viennent, la Turquie va rester au centre de l'attention. Et des inquiétudes. »

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Même son de cloche dans le Midi libre : « Le président turc ne se prive d'ailleurs pas de taper à tour de bras sur l'Europe, accusée de soutenir le terrorisme. Rien que ça, s'exclame Jean-Michel Servant. Des critiques violentes, mais qui ne déclenchent aucune réaction de la part de l'UE. Car Erdogan sait qu'il ne risque pas grand-chose. Qu'il tient une carte majeure entre ses mains pour faire pression : les migrants. À tout moment, il peut rompre les accords et renvoyer des centaines de milliers de Syriens, Irakiens et Pakistanais dans la nature. Un cauchemar pour l'Europe, qui préfère encaisser les coups sans broncher. Quitte à passer naturellement pour une tête de Turc. »

Un « odieux chantage ». C'est ce que dénonce Yves Thréard, l'éditorialiste du Figaro qui fustige l'attitude du président turc vis-à-vis de l'UE. Pour en sortir, selon Yves Thréard, une seule solution : sortir de Schengen. « Il est nécessaire, écrit-il, de rétablir des contrôles permanents aux frontières, à l'intérieur de l'Europe. Une fois pour toutes, déclarons caducs les accords de Schengen. (...) Aussi longtemps que régnera l'anarchie en Irak, en Syrie et en Libye, [les migrants] prendront le chemin de l'Europe. Aux dirigeants de celle-ci de trouver des solutions réalistes pour ne pas se laisser déborder par la colère montante des peuples d'accueil. Ni piéger comme ils le sont aujourd'hui par la Turquie, pays de transit qui exerce un odieux chantage... »

Poutine en embuscade

Dans La Croix, Isabelle de Gaulmyn est inquiète elle aussi du silence de l'Europe face à la reprise en main du pays par Recep Tayyip Erdogan, et ce, à la veille d'un déplacement du président turc à Moscou : « Après les désastreuses conséquences du printemps arabe, on comprend que l'Europe fasse preuve de prudence face à l'un des rares pays encore stables de cette région à feu et à sang. Il serait cependant urgent de dessiner les bases d'une réponse européenne concertée fondée sur les valeurs communes, qui dépassent une realpolitik à courte vue. Sinon, on risque de pousser la Turquie dans les bras d'un Poutine, qui n'en demandait pas tant. »

LIRE aussi La Turquie tente de se rapprocher de la Russie

Patrice Chabanet dans Le Journal de la Haute-Marne décrypte le grand dessein d'Erdogan dans son épreuve de force avec l'UE : « Erdogan veut reprendre le leadership de son pays sur le monde musulman, face aux monarchies pétrolières arabes ou à l'Iran, lui aussi héritier d'un grand empire, celui de la Perse. Ces démonstrations de force ne concernent pas seulement la politique intérieure ou les périlleux équilibres du Proche-Orient. Erdogan prend aussi l'Europe en otage, en la menaçant plus ou moins implicitement d'un flot de plusieurs millions de réfugiés qui sont sur le territoire turc. Une forme de chantage qui devrait lui permettre de faire le « ménage » dans son pays. En toute impunité. »

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Commentaires (19)

  • delneuF05

    Mon commentaire non publié est toujours et de plus en plus d'actualité...

  • savoie5

    Non la Turquie n'a pas sa place en Europe : on ne peut pas rappeler l'histoire millénaire des peuples pour justifier d'une appartenance à un continent ou à un autre, ce qui était vrai à l'instant T n'est plus vrai à T+1. Si nous prenons le critère démocratique que nous pratiquons, il n'y a pas photo ; si nous prenons nos conditions de vie non plus et ainsi de suite (sans juger du bien fait par ces conditions)... Cela montre bien que seul le président de la commission est pour contre des centaines de millions d'européens qui sont contre ou alors il faut désespérer de tout et cela nous conduira aux affrontements que nous voulions éviter en faisant l'EUROPE. En conclusion ce pays doit rester dans le giron des pays dictatoriaux et faisant du chantage.

  • Illitch

    "Nous avons besoin de paix, de liberté et de défense de nos valeurs démocratiques"... Mais pour quoi faire ? Avec 25 millions de chômeurs dans les 28 pays de l'Union européenne, où sont les valeurs démocratiques ? La paix et la liberté en s'ingérant dans les affaires intérieures des Etats arabes (Libye, Syrie... ) ? Non décidément votre Europe est loin d'être la mienne.