A Marseille, une association privée privatise un club aquatique privé, pour une journée privée [la réservation a été refusée le 10 août 2016, après la publication de cette tribune]. Donc, rien d’illégal ni d’anormal dans un pays démocratique et un système économique libéral où la loi garantit les libertés pour les citoyens qui ont bien assimilé les notions de droits mais aussi de devoirs.

Cette association socioculturelle, sportive et d’entraide pour femmes et enfants [Smile 13] a privatisé pour le samedi 10 septembre le Speedwater Park situé au nord de Marseille [aux Pennes-Mirabeau], pour sa clientèle musulmane – à qui elle rappelle qu’elle doit “respecter la ‘awra” [les parties du corps qui ne peuvent être dévoilées] et donc prévoir des burkinis.

Juste une parenthèse pour pointer le summum du ridicule atteint par ce mot-valise inventé il y a quelques années en Australie pour définir la tenue de bain à l’usage des femmes musulmanes. Non seulement les musulmans l’auraient bien accueilli, mais ils auraient pris, semble-t-il, ce néologisme pour une avancée dans leur conquête de nouveaux espaces gagnés sur des terres mécréantes. Fermons la parenthèse !

Un climat de tensions exacerbées

Au regard de la loi, et s’agissant d’une affaire privée dans un espace privé, cette association, qui agit dans l’intérêt de ses adhérents musulmans, est tout à fait dans son droit tant qu’elle respecte les modalités contractuelles de la location et les règles morales et environnementales au sens le plus large et le plus légal du terme.

Or voici que des responsables politiques, des élus et des associations sises en France crient au communautarisme et au mauvais signal envoyé par la communauté musulmane dans un climat de tensions exacerbées par une série d’événements tragiques commis par des assassins se réclamant de l’islam, avec une cruauté et une barbarie innommables.

Sans être naïfs au point de ne pas deviner les arrière-pensées plus ou moins racistes des uns et des autres, ni leur propension à crier systématiquement au danger à la moindre initiative des associations musulmanes, nous ne pouvons nous abstenir de faire grief à ceux des musulmans qui persistent à se singulariser de la sorte, sachant bien que la société occidentale est arrivée à un tel niveau de crispation à l’égard des musulmans, compte tenu de l’actualité, que la moindre anicroche sera déformée dans le sens d’une plus grande marginalisation des musulmans.

Il est hors de propos de leur demander d’abdiquer quoi que ce soit de leurs croyances ou de leurs traditions, mais il nous semble plus intelligent de prendre de la hauteur et d’éviter de tendre des bâtons pour se faire battre. Adapter certains comportements, éviter les provocations inutiles et se faire remarquer par son exemplarité ; cela pourrait être beaucoup plus efficace que s’entêter dans des parties de bras de fer inutiles et perdues d’avance eu égard au rapport de forces. Des associations juives réservent des piscines pour femmes exclusivement sans que personne s’en émeuve.
Soyons clairs. L’islam enjoint aux musulmans de respecter les lois du pays dans lequel ils sont minoritaires. Cela devrait annihiler toute velléité d’imposer à la majorité un mode de vie qui n’est pas le sien, et des comportements qu’elle rejette avec force et à juste raison.

Persister à défier les règles les plus élémentaires pour garantir la sécurité sur les lieux publics en France, en portant niqab, burka et autre accoutrement qui ne sont en rien garants d’une proximité particulière avec Dieu ni d’une dévotion plus authentique, traduit au mieux une méconnaissance de l’islam et au pire un endoctrinement lamentable et d’autant plus pitoyable que nous en connaissons les officines et le degré zéro d’évolution de leurs mandants.

Sans compter que la France est un pays laïc, qui garantit le libre exercice des cultes à la condition que soient respectés l’ordre et la loi. Charbonnier est maître chez soi ; la loi du plus fort est toujours la meilleure, et à bon entendeur, salut !

Soyons justes. L’islam s’est distingué, par rapport aux autres religions, par son acceptation de l’autre et particulièrement par la cohabitation avec les autres religions monothéistes, non sans l’avoir conditionnée au paiement de la jizia [tribut ou impôt payé historiquement par les non-musulmans sujets d’un Etat musulman ; c’est le statut de dhimmi]. Les musulmans ont raison de tirer une fierté légitime de cette avancée historique. Mais sont-ils restés aussi cohérents ? Aussi réalistes ? Aussi clairvoyants ?

Autres questions : les musulmans accepteraient-ils aujourd’hui de payer sans ciller un impôt équivalent à la jizia pour vivre hors de chez eux et avoir le statut de dhimmi [comme c’était le cas pour les non-musulmans] ? Pour faire le parallèle avec le Speedwater Park, autoriseraient-ils les étrangers vivant chez eux à privatiser des plages pour leurs amateurs de nudisme et des salons pour leurs soirées libertines ?

Protesteraient-ils au nom de la justice, de la réciprocité et de l’exemplarité de la bonne muâmala [traitement, procédé], en allant rappeler aux Saoudiens que rien ne les autorise à interdire l’édification de lieux de cultes non musulmans sur leur territoire – surtout pas l’islam – alors que les musulmans en France ne cessent de réclamer l’ouverture de salles de prière et de mosquées ?

Et enfin, pourquoi ne pas prendre de la hauteur en se concentrant sur l’essentiel du message coranique ; à savoir la paix, la tolérance et la religion du juste milieu – “Dieu a fait de vous une communauté du juste milieu” Coran I/143 – au lieu de chercher querelle aux autres en voulant leur imposer, qui plus est chez eux, une vision du monde que l’islam dans sa seule et unique vérité condamne tout simplement.