L'encombrant Farouk Ben Abbes, figure de la mouvance radicale

    Retour à la case départ. Après sept semaines passées « au vert » à Brienne-le-Château, dans la campagne auboise, l'islamiste Farouk Ben Abbes, 31 ans, a regagné hier son fief de la région toulousaine. Il en avait été exfiltré le 15 juin sur ordre du ministère de l'Intérieur, lequel estimait que, à l'heure de l'Euro, sa domiciliation dans la Ville rose constituait « une menace particulièrement grave pour l'ordre public ».

    A Brienne, dont les 3 000 habitants s'inquiétaient de sa présence, c'est donc le soulagement. « Je ne comptais plus les messages de mères de famille angoissées », souffle Nicolas Dhuicq, député (LR) de la circonscription. « Croire qu'être assigné signifie vivre reclus est une erreur, reprend le député. On le voyait faire son footing ou être visité régulièrement par des personnes peu recommandables... »

    Car, comme le résume Nicolas Dhuicq, Ben Abbes « possède son fan-club ». L'homme est une figure de la mouvance radicale. Son nom est cité une première fois dans le dossier de l'attentat du Caire (Egypte) qui a coûté la vie, en 2009, à une lycéenne française, Cécile Vannier. Son nom apparaît un an plus tard dans un projet d'attentat contre une salle de spectacle. Le Bataclan, déjà. Mais en 2012, il bénéficie d'un non-lieu. Il est par ailleurs proche de Fabien Clain, converti français qui a revendiqué, au nom de Daech, la tuerie du 13 Novembre dans une vidéo. Une proximité qui ne suffit pas à justifier des poursuites contre Ben Abbes. Dans la foulée de la tuerie du Bataclan, il est toutefois assigné à résidence en Haute-Garonne. Pour ne pas avoir respecté cette assignation, il est condamné en mars à trois mois de prison, à l'issue desquels il est donc... assigné une nouvelle fois à résidence.

    Il a failli être expulsé fin juillet

    Autant d'éléments qui ont conduit Nicolas Dhuicq à réclamer l'expulsion de ce Belgo-Tunisien du territoire français. Il y a deux semaines, l'élu a bien cru avoir été entendu. Le 22 juillet, lourdement équipés, les gendarmes viennent cueillir l'islamiste dans l'hôtel de Brienne où il est obligé de résider. Direction Roissy, en vertu d'un arrêté d'expulsion ministériel dont il fait l'objet. L'Intérieur estime qu'il est « susceptible, à tout moment, de fomenter, commettre ou apporter un soutien logistique à une action terroriste en France ».

    Aux côtés de deux policiers de l'Unesi, l'unité nationale d'escorte, de soutien et d'intervention, l'islamiste embarque à bord d'un vol régulier vers la Tunisie. En bout de piste, l'appareil s'apprête à décoller lorsque survient « un problème technique ». L'hôtesse fait comprendre aux policiers que le problème technique n'est autre que leur « client ». Ordre est donné à l'appareil de faire demi-tour, et de le débarquer. Un ordre qui émane « directement du cabinet du ministre », nous révèle une source proche du dossier. « Même si l'avion avait été en l'air, il aurait dû faire demi-tour, s'étonne la même source. Du jamais-vu... » Officiellement, ce faux départ est lié au fait que Ben Abbes avait « interdiction de quitter le territoire » du fait d'un « contrôle judiciaire en cours », selon Pierre-Henry Brandet, porte-parole de l'Intérieur.

    Un argument un peu court pour M e Olivier Morice, avocat de la famille Vannier, lequel ne s'« explique pas cette mascarade d'expulsion ». Il se félicite toutefois qu'elle n'ait pas abouti et que Ben Abbes puisse ainsi rester à la disposition de la justice française. Pour son avocat, M e William Bourdon, « une incroyable bévue a été évitée de justesse ». A l'inverse, Nicolas Dhuicq ne comprend toujours ni « ce fiasco » ni « ce que fait encore cet individu sur notre sol ».