Menu
Libération
Exécutions

Ces pays qui ont rétabli la peine de mort

En Turquie, Erdogan s’est dit prêt à rétablir la peine capitale après la tentative de putsch mi-juillet. D'autres Etats ont suivi le même chemin. Le point.
par Sébastien Leurquin
publié le 9 août 2016 à 11h25

La Turquie va-t-elle rétablir la peine de mort ? Après le putsch raté contre lui, le président Recep Tayyip Erdogan a de nouveau évoqué cette possibilité, «si le peuple (le) veut». Ces dernières années, plusieurs pays ont rétabli la peine de mort. Parmi eux, deux tendances se dégagent. D'un côté, ceux qui l'ont réintroduite dans les textes législatifs sans pour autant l'appliquer, de l'autre ceux qui sont passés à l'acte et qui ont repris les exécutions.

Les pays qui ont réinstauré la peine de mort, sans pour autant l’appliquer

En Tunisie, une nouvelle loi antiterroriste a été votée en juillet 2015. Le texte remplace une loi de 2003, adoptée sous Ben Ali. La peine de mort, absente du texte de 2003, a été introduite dans celui de 2015 pour une série de crimes «terroristes». La peine capitale existait déjà dans le code pénal mais la Tunisie observe un moratoire sur les exécutions depuis 1991.

En Papouasie-Nouvelle-Guinée, le gouvernement avait réinstauré la peine de mort en 2013 après avoir soumis un texte en ce sens au vote du Parlement. Mais elle n'a pas été appliquée et en 2015, face à la pression internationale, le gouvernement a décidé de revenir en arrière.

Aux Maldives, la situation est en revanche beaucoup plus tendue. Après un moratoire de soixante ans, le gouvernement, qui applique la charia, a décidé de réintroduire la peine de mort en 2014 pour des crimes allant de la consommation d'alcool à l'homicide. Elle pourra même être prononcée dès l'âge de 7 ans. Les enfants condamnés resteront toutefois en prison, avant d'être exécutés le jour de leur dix-huitième anniversaire. La première exécution pourrait avoir lieu très bientôt, puisque la Cour suprême des Maldives a confirmé la condamnation à mort de Hussein Humaam Ahmed pour le meurtre d'un député en 2012.

Les Philippines, quant à elles, s'engagent sur un chemin encore plus inquiétant. Abolie en 2006, la peine de mort pourrait rapidement y faire son retour. Le président Rodrigo Duterte, élu début mai a en effet promis durant sa campagne qu'il ferait éliminer des dizaines de milliers de criminels s'il était élu. Il a ainsi annoncé quelques jours après son élection qu'il entendait «presser le Congrès de rétablir la peine de mort par pendaison». Mais il semblerait qu'il soit déjà passé à l'acte en dehors de tout cadre légal. Selon plusieurs rapports, les forces de l'ordre ont procédé à des centaines d'exécutions extra-judiciaires de présumés trafiquants de drogue.

Les pays qui ont repris les exécutions

D'autres Etats sont passés à l'acte, en rétablissant les exécutions. Le pays le plus emblématique en la matière étant les Etats-Unis. En 1963, un moratoire avait été décrété. Mais en 1977, après une décision de la Cour suprême, la peine capitale a été rétablie dans 38 Etats. En 2015, 28 personnes ont été exécutées aux Etats-Unis selon Amnesty international, chiffre cependant le plus faible depuis 1991.

Tout comme au Tchad, où seulement six mois après avoir été abolie, elle faisait son retour en juillet 2015 «pour punir les auteurs d'actes terroristes». Une «promesse» mise en application dès le 29 août. Ce jour-là, dix membres présumés du groupe jihadiste Boko Haram ont été fusillés. Le même schéma s'est reproduit au Cameroun où une nouvelle loi antiterroriste étend le champ d'application de la peine de mort.

De la même manière, d'autres pays, après un moratoire plus ou moins long, ont eux aussi repris les exécutions ces dernières années. C'est le cas de l'Egypte au lendemain de la prise de pouvoir du maréchal Al-Sissi. Mais aussi d'Etats comme la Biélorussie, Singapour, les Emirats arabes unis, la Jordanie, le Bangladesh, l'Inde, l'Indonésie, le Soudan du Sud, Oman ou encore le Pakistan, selon le rapport annuel d'Amnesty International.

Une peine «populaire»

Bien souvent, le rétablissement de la peine de mort répond à la volonté du pouvoir de satisfaire les velléités populaires. C'est d'ailleurs l'argument de Recep Tayyip Erdogan en Turquie qui a déclaré dans une interview au Monde parue lundi que «si des millions de personnes dans tout le pays demandent la peine de mort, cette requête sera prise en considération par le Parlement». Or «la peine de mort ne résout rien, estime Anne Denis, responsable de la commission abolitionniste d'Amnesty international. Ce n'est qu'une solution de facilité qui élimine momentanément un problème mais qui ne règle pas ses causes profondes».

Pourtant le recours à la peine de mort a augmenté de 54% en 2015, pour atteindre son niveau le plus élevé depuis vingt-cinq ans. Mais globalement le nombre de pays qui abolissent en droit ou en pratique la peine de mort est en progression. Actuellement, 140 Etats dans le monde ne l'appliquent plus, c'est-à-dire qu'ils n'ont plus procédé à des exécutions au cours des dix dernières années. «La tendance durable est à la baisse, et ça, c'est un bon signe», conclut Anne Denis.

La peine de mort dans le monde : carte récapitulative issue du rapport annuel d'Amnesty International

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique