Fiscalité : la combine d'Airbnb pour payer moins d'impôts en France

LE FAIT DU JOUR. Le leadeur mondial de l'hébergement sur Internet ne paie en France que 69 168 € d'impôts pour un chiffre d'affaires estimé à 65 millions ! Notre enquête sur cette énorme anomalie fiscale.

    Toujours plus de logements à louer, toujours moins d'impôts à payer. C'est le paradoxe français d'Airbnb. Malgré le boom de son business en France — 30 000 annonces proposées en 2013, 300 000 aujourd'hui —, le géant américain du Net n'a en effet payé que 69 168 € d'impôt sur les bénéfices des sociétés en 2015.

    Une très faible contribution dans un pays pourtant présenté comme l'une des destinations phares de cette multinationale du tourisme. Pour comprendre l'astuce, notre journal s'est plongé dans la tortueuse comptabilité d'Airbnb. Instructif.

    QUESTION DU JOUR. Trouvez-vous normal qu'Airbnb soit si peu imposé en France?

    La fanfaronnante communication officielle


    « Entre septembre 2014 et août 2015, 3,9 millions de voyageurs ont utilisé Airbnb pour visiter la France et 4,1 millions de Français s'en sont servis pour leurs vacances », se félicitait l'entreprise dans une récente étude sur son impact économique en France. Et ce, grâce à un catalogue de locations qui s'épaissit de jours en jours, le nombre d'offres ayant « plus que doublé » chaque année depuis 2010.

    Chapeaux ! De quoi générer un confortable chiffre d'affaires ? Impossible à dire, la firme américaine garde secrète cette donnée stratégique. Mais l'entreprise dissémine, un peu partout, des informations, qui permettent de s'en faire une petite idée. « Nous nous rémunérons en prélevant des frais de service sur chaque transaction, à hauteur de 3% du côté de l'hébergeur et [...], en moyenne, de 9 % du côté du voygeur, soit 12 % au total », indiquait en 2014, lors d'une audition à l'assemblée nationale, Nicolas Ferrary, le représentant d'Airbnb en France.

    Sauf qu'Airbnb, dans une récente étude, a annoncé reverser 481 M€ par an aux hôtes. Ce qui — après une petite règle de trois — permet d'estimer le chiffre d'affaires français du groupe à un peu plus de 65 M€ par an.

    Un chiffre d'affaires tout petit...


    Mais, surprise, la filiale française du groupe, dans ses comptes 2015 — que nous avons consultés — ne déclare pourtant que 4 958 859 € de chiffre d'affaires. Soit treize fois moins que notre estimation. Comment expliquer un tel écart ? C'est simple : la filiale parisienne, la SARL Airbnb france, ne vend rien en France. Lorsqu'ils louent un appartement, les clients font affaire — même si tout est écrit en Français — avec deux sociétés étrangères.

    « Vous concluez un contrat avec Airbnb Ireland en ce qui concerne l'utilisation du Site, de l'Application ou des Services Airbnb, et avec Airbnb Payments UK Ltd. en ce qui concerne tous les paiements », indique la société à ses clients. Une structure en Irlande, l'autre en Angleterre, deux endroits où les taux d'imposition sont beaucoup moins élevés qu'en France.

    Quant aux salariés parisiens d'Airbnb, officiellement, ils ne travaillent pas pour les hôtes et voyageurs hexagonaux. Ils sont simplement employés pour effectuer du « marketing » et de la « promotion » afin que le business de la société irlandaise se développe. « En contrepartie de ces prestations, Airbnb France Sarl refacture les coûts supportés, majorés d'une marge », écrit l'entreprise dans ses comptes 2015. Une « marge » qui suffit à payer les salariés et les locaux, sans trop générer de profits en France.


    ... et un bénéfice riquiqui


    Filiale française du géant américain, la « SARL » Airbnb France n'a en effet réalisé que 166 373 € de bénéfices (avant impôts) en 2015. Résultat, la facture fiscale d'Airbnb, dans notre pays, plafonne à 69 168 €. Mieux, grâce à différentes techniques comptables — recettes en berne et charges en hausse —, la filiale française a même réussi à réduire la note de 18 % par rapport à l'année précédente.

    Que fait Bercy ?


    Mi-2014, le patron d'Airbnb France assurait n'avoir jamais eu de contrôle fiscal. Interrogé, le ministère des Finances se retranche derrière le « secret fiscal » pour refuser d'évoquer le dossier Airbnb. « Quand des sociétés mènent leurs activités en France et cherchent à échapper à l'impôt, nous les redressons », explique seulement Bercy.