Syrie : dans Manbidj, ancien fief de Daech

Reportage. Après deux mois de combats, les forces kurdes contrôlent désormais la quasi-totalité de cette ville du nord de la Syrie qui servait de carrefour d'approvisionnement stratégique au groupe Etat islamique.

    La colonne de fumée noire et les claquements d'armes automatiques laissent présager l'intensité des combats. Après neuf semaines d'offensive pour reconquérir Manbidj, les Forces démocratiques syriennes (FDS), composées pour l'essentiel de Kurdes et appuyées par les frappes aériennes de la coalition internationale menée par les Etats-Unis, sont sur le point de faire chuter ce fief du groupe Etat islamique. Depuis janvier 2014, les djihadistes utilisent cette ville de 100 000 habitants située dans le nord de la Syrie, à une trentaine de kilomètres de la frontière turque, comme plaque tournante par laquelle transitent combattants étrangers, armes mais aussi pétrole vendu en contrebande en Turquie.

    Dans les rues vidées de leurs habitants, les immeubles décharnés offrent un paysage de désolation. L'avancée se fait sous escorte, les combattants de Daech installant des mines dans les zones perdues. Du haut d'un immeuble reconverti en base avancée, Roj, de son vrai prénom William, scrute le centre-ville derrière une mitrailleuse lourde. Ce combattant français de 46 ans explique la situation. « Depuis un mois, nous encerclons les forces de Daech qui sont retranchées dans un périmètre d'environ 500 m. Il reste des tireurs embusqués et des mines. Notre avancée est aidée par les frappes de la coalition. » William a rejoint les unités de protection du peuple kurde il y a quatorze mois. « Je compte rester jusqu'à la chute du groupe Etat islamique. Les attaques du 13 Novembre ont eu lieu à deux pas de chez moi. J'en ai eu marre et j'ai décidé de venir combattre. »

    Au deuxième étage, les combattants kurdes inspectent des images aériennes de la ville sur une tablette. « Nous envoyons nos positions et celles de Daech au centre de commandement des forces de la coalition internationale qui font la liaison avec les avions pour bombarder les positions des djihadistes », explique l'un d'eux. Une combattante kurde de 22 ans assure que la ville sera bientôt entièrement reconquise. « Les opérations sont un succès, c'est une question de jours avant que nous ne puissions déclarer la victoire, lance-t-elle. J'ai rejoint les unités de protection du peuple pour ma liberté et pour celle des femmes. Les femmes combattent sur tous les théâtres d'opérations pour la libération de la société. Il y a encore des civils entre les mains des terroristes. »

    Des déflagrations sèment la panique

    Plusieurs déflagrations suivies de hurlements sèment la panique. Une cinquantaine de civils parviennent à fuir les zones encore contrôlées par Daech. Un père de famille porte son fils dans les bras. L'enfant a sauté sur une mine. Il ne survivra pas. Les femmes lèvent le voile de leur niqab, laissant apparaître des regards apeurés. Un combattant des FDS offre une cigarette à un homme qui la fume d'une bouffée. « Cela fait presque trois ans que je n'avais pas fumé. Avec Daech, nous n'avions pas le droit de nous raser, de fumer ou d'écouter de la musique ! »

    La chaleur étouffante ne décourage pas les membres des Forces démocratiques syriennes. Ahmad, un jeune volontaire arabe, l'assure : « Après Manbidj, nous libérerons Al-Bab et l'ensemble du Nord syrien. »