Jeff Wood doit être exécuté mercredi 24 août, 20 ans après le braquage mortel qui l'a conduit dans le couloir de la mort (capture d'écran)

Jeff Wood doit être exécuté mercredi 24 août, plus de vingt ans après le braquage mortel qui l'a conduit dans le couloir de la mort (capture d'écran).

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C'est un cas très rare. L'état du Texas s'apprête à exécuter un homme condamné à mort pour être indirectement lié au meurtre, en 1996, d'un employé de magasin pendant un braquage. Pendant le procès, la défense comme l'accusation étaient pourtant d'accord. L'homme reconnu coupable n'est pas le tueur. Et il n'était pas non plus dans la pièce au moment du drame.

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Jeff Wood, 42 ans le 19 août prochain, a été condamné à mort à cause de ce que l'on appelle aux Etats-Unis la "loi des parties". Ce texte, appliqué dans plusieurs états dont le Texas depuis les années 70, prévoit d'infliger au complice d'un crime la même peine que celle de son auteur à partir du moment où ledit complice était en capacité d'anticiper ce qui allait se passer.

Les parents et la soeur de Jeff Wood devant la maison du gouverneur du Texas Greg Abbott, protestant notamment contre la loi des parties.

Le problème, comme l'explique le Washington Post, c'est que Jeff Wood est atteint de retard mental. Il a un quotient intellectuel de 80, soit 20 points en-dessous de la moyenne -sa mère dit de lui que c'est "un gamin de huit ans dans le corps d'un homme". Et c'est pourquoi une campagne demandant l'annulation de l'exécution fait l'objet d'une mobilisation au Texas.

Un braquage qui tourne mal

La vie de Jeff Wood a basculé le 2 janvier 1996. Lorsque lui et Daniel Reneau, un homme avec lequel il traîne, s'arrêtent devant une station d'essence de Kerrville. Reneau a un plan: il veut récupérer l'argent qui se trouve dans le coffre-fort, gardé par un employé, Chris Keeran.

Selon le Texas Tribune, les trois hommes se connaissent depuis quelque temps. Ils discutent régulièrement avec William Bunker, responsable adjoint de la station-service, et parlent du coffre. Bunker dit que s'ils veulent le braquer, il faut faire ça à la fin des vacances de Noël, quand il est plein. Etait-il sérieux? Devant la cour du Texas, ce dernier soutient que non.

D'après Nadia Mireles, la petite amie de Jeff Wood à l'époque, ce dernier a demandé à Reneau, le matin du meurtre, de ne pas prendre son pistolet de calibre 22 avec lui avant d'aller à la station-service. Reneau l'a alors posé devant Wood... avant de revenir chercher l'arme un peu plus tard, quand celui-ci a quitté la pièce. Et c'est avec elle qu'il a abattu Keeran, pendant que Wood restait dehors.

Le témoignage d'un expert en question

Si la complicité de Wood ne fait aucun doute, le procureur du comté de Kerr, en charge du dossier, va l'inculper de meurtre. Son raisonnement: Wood savait que Reneau utiliserait son arme dans l'hypothèse où Keeran ne le laisserait pas partir avec le contenu du coffre. Une décision rare aux Etats-Unis, qui ouvre la voie à un procès assez rocambolesque.

Considéré dans un premier temps incapable de se défendre devant un tribunal (son niveau de lecture au lycée était celui d'un CM1, rapporte le Washington Post), Jeff Wood est d'abord placé dans une institution spécialisée. Pendant quinze jours seulement, avant que le tribunal ne teste sa capacité à être rationnel, et qu'on l'oblige à comparaître, en 1998.

Evalué par un expert-psychiatre, Wood est décrit aux jurés comme un homme qui pourrait "très certainement commettre" d'autres crimes violents.

Une manifestation de leaders évangéliques réclamant une autre peine pour Jeff Wood

Or, le spécialiste, James Grigson est surnommé "Dr. Death" pour avoir témoigné dans 163 procès où la peine de mort était demandée. Il a surtout été radié par l'association américaine des experts-psychiatres. Selon le Washington Post, il a été épinglé en 1995 par le comité d'éthique du Texas pour "restitution volontairement restreinte des connaissances psychiatriques".

Les avocats de Wood n'ont cependant pas a été capables de le faire valoir pendant le procès. L'accusé et ses conseils ont eu des mots assez rapidement: Nadia Mireles n'a pas témoigné à la barre... alors qu'elle a été entendue dans le procès de Daniel Reneau. Et ils n'ont pas interrogé Grigson sur sa radiation.

La demande de grâce, dernier recours

Jeff Wood est finalement condamné à mort en 1998. Débute alors un long travail pour faire invalider ce verdict, conduit par un nouvel avocat. En vain. La remise en cause du témoignage du docteur Grigson n'a pas été retenue. Pas plus que la prise en compte de sa déficience mentale.

En 2008, l'exécution du condamné avait été reportée une première fois pour étudier cet argument. Il n'a finalement pas été retenu par la commission d'appel. Une cour fédérale avait pourtant demandé à ce que son cas soit de nouveau étudié.

Depuis, son avocat et sa famille tentent d'obtenir de Greg Abbott, gouverneur du Texas, qu'il commue la condamnation en peine de prison. A travers une pétition en ligne et différentes manifestations, notamment devant la maison du gouverneur en juillet dernier. Il s'agit du dernier recours possible.

L'exécution de Jeff Wood est programmée pour mercredi 24 août, quatorze ans après le décès par injection létale de Daniel Reneau. Dix personnes ont été condamnées à mort aux Etats-Unis pour avoir enfreint la loi des parties, dont cinq au Texas.

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