Ce n’est pas dans l’habitude des Canadiens de se vanter, mais à côté du Brexit, de la montée de la xénophobie en Europe et des beuglements de Donald Trump, le Canada ressemble à un havre de stabilité.
Historiquement, la plupart des Canadiens sont des immigrés ; nos dirigeants ont donc dû bâtir le pays tout en nuances et en compromis. Face aux querelles juridictionnelles entre les gouvernements fédéral et provinciaux, à la recrudescence d’un ressentiment endémique au Québec, à une population culturellement disparate agglutinée le long de la frontière sud du pays à la recherche d’un peu de chaleur, et à une relation inégale avec le pays le plus puissant de la planète, le Canada a toujours fait preuve de pragmatisme et ça lui réussit. Néanmoins, notre force a une autre origine.
[Le 27 juin], le Canada a discrètement célébré la journée du multiculturalisme. A juste titre puisque nous sommes la société multiculturelle la plus achevée du monde. Si nous continuons à l’alimenter, cet ensemble de valeurs nous protégera des discours alarmistes qui se propagent dans d’autres pays.”
Historiquement, une stratégie politique
Quand le Premier ministre, Pierre Trudeau, a présenté sa politique pour le multiculturalisme, le 8 octobre 1971, il ne s’est heurté à aucune opposition à la Chambre des communes. Les députés n’allaient pas voter contre une politique visant à lutter contre la discrimination. Mais pour les Canadiens cette proposition était surtout symbolique, voire embarrassante. Le Canada allait officiellement respecter la diversité de cultures, de religions et de langues de ses citoyens, mais n’était-ce pas déjà le cas ? Etions-nous vraiment obligés de revêtir le costume national, d’entonner l’hymne et de danser pour cela ?
Par ailleurs, la nouvelle stratégie avait des objectifs politiques évidents. Un an plus tôt, Pierre Laporte, homme politique québécois, avait été assassiné par le Front de libération du Québec. Le lendemain, le gouvernement invoquait la très controversée loi sur les mesures de guerre, entraînant ainsi la suspension des libertés civiles. La réponse est donc oui : il fallait bien trouver une solution à la crise québécoise. Pour couronner le tout, la commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme venait de formuler d’importantes recommandations pour combattre le nationalisme. Mais quid des autres groupes culturels ? Cette politique multiculturelle était la réponse du gouvernement Trudeau à leurs inquiétudes.
Aujourd’hui, une valeur profondément ancrée
Puis s’est produit quelque chose d’inattendu. Les années suivantes, le multiculturalisme officiel est devenu une valeur collective profondément ancrée. Petit à petit, les Canadiens ont commencé à se définir comme les citoyens d’une société multiethnique et multireligieuse.
Pour nous, Canadiens, qui n’avons pas toujours été tendres les uns envers les autres, cela représentait un véritable changement. Avant la Seconde Guerre mondiale, les immigrants, autres que britanniques, étaient rejetés car jugés ‘inassimilables’. Les Polonais, les Ukrainiens, les Juifs et autres groupes culturels déjà installés au Canada étaient donc découragés et vulnérables.”
D’éminents universitaires considéraient que l’immigration non blanche était “impossible”. La seule déclaration importante de Pierre Trudeau lors de la présentation de sa nouvelle politique a été que le Canada ne pouvait pas être et ne serait pas défini par une seule et même culture.
Intégration vs assimilation
Il existe une autre explication à ce changement de valeurs : l’idéologie sous-jacente du multiculturalisme canadien rejette l’idée d’assimilation pour favoriser celle d’intégration. A travers l’histoire moderne, les sociétés ayant insisté sur l’assimilation totale des minorités ont rencontré des problèmes. En effet, contraindre à l’assimilation est humainement impossible pour la simple et bonne raison que nous ne pouvons pas changer notre être intérieur.
Du point de vue politique, le côté progressiste de la nouvelle stratégie n’est apparu qu’en 1975, quand le Canada a accueilli plus de 5 000 réfugiés vietnamiens. En 1979 et 1980, 50 000 personnes de cette même région sont arrivées, pour la plupart parrainées par des citoyens canadiens qui se souvenaient du Saint Louis, ce paquebot rempli de Juifs fuyant l’Allemagne nazie [arrivé au Canada] et refoulé en 1939. En 1982, le multiculturalisme a été inscrit dans la charte des droits et des libertés. En 1988, Brian Mulroney, alors Premier ministre, a officiellement ratifié la loi sur le multiculturalisme canadien.
Les séductions de l’intolérance
Le côté obscur de l’histoire est que, même si une identité multiculturelle nous protège de la xénophobie émergeant ailleurs dans le monde, nous sommes tout aussi exposés à son attrait provocateur. A l’automne dernier, à quelques jours des élections, le Premier ministre Stephen Harper a libéré de manière opportuniste les démons latents de l’intolérance en ouvrant une ligne téléphonique pour dénoncer les “pratiques culturelles barbares”. Malgré les violences envers les musulmans qui se sont ensuivies, Stephen Harper a largement été soutenu par l’opinion publique – preuve de l’attrait puissant de l’intolérance quand l’appel vient du sommet [de l’Etat].
‘Il est fort possible que les problèmes majeurs de l’humanité ne soient jamais résolus’, écrivait George Orwell en 1944. Malheureusement, il pourrait bien avoir raison. Voilà pourquoi la protection que nous offre notre engagement national envers le multiculturalisme doit être défendue par des dirigeants responsables et par nous tous.”
Fondé en 1844, lu d’un océan à l’autre, sérieux et non engagé, le titre de Toronto est le quotidien de référence au Canada et exerce une forte influence auprès des milieux politiques fédéraux.
L’aventure du quotidien commence en 1843 avec l’arrivée à Toronto d’un jeune Ecossais de 25 ans, George Brown, qui publie le premier numéro du Globe. Il ne prendra le titre de Globe and Mail qu’en 1936 après sa fusion avec le journal conservateur The Mail and Empire, dont il n’a pas conservé la ligne éditoriale. Depuis l’été 2015, il appartient à Woodbridge Company, société d’investissement de la famille Thomson qui contrôle également Thomson Reuters.
C’est en décembre 1994 que la première version du site a été lancée à l’occasion de la publication d’un supplément publicitaire intitulé The Wired Classroom (La classe branchée). Ce qui ne devait être qu’une expérience provisoire a connu un immense succès. Dès lors, le quotidien de Toronto va progressivement mettre en place un contenu éditorial et des services. Ses promoteurs ont mis l’accent sur le développement de services parallèles au quotidien, notamment dans le domaine économique avec son cahier et son site “Report on Business”.