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Daech: agence de voyage pour terroristes

Le drapeau noir de Daech
Le drapeau noir de Daech © Balkis Press / ABACA
Par Piero Messina et François de Labarre , Mis à jour le

Face au recul de Daech en Syrie et en Irak, une cellule basée en Turquie organise les voyages-retours des combattants étrangers. Pour qu'ils poursuivent le Djihad chez eux

Dès qu’ils quittent le territoire syrien, une cellule basée en Turquie est chargée de les accueillir. Ces djihadistes sont pris en main pour accompagner l'exécution de leur plan. L’existence de cette "agence de voyage" a été signalée dans une note transmise en juillet dernier par les services de renseignement américains à leurs homologues européens.

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Selon le document que nous avons pu consulter, le groupe basé à Gaziantep en Turquie à quelques kilomètres de la frontière syrienne serait dirigé par trois Irakiens. L’un d’eux est originaire de Shirqat, au Nord de la province de Salaheddin, bastion de Daech aujourd’hui assiégé par les forces armées irakiennes. Un autre aurait été trafiquant d’armes au profit de l’Etat Islamique dans la région de Kirkouk avant d’évoluer dans le milieu médical, ce qui lui aurait facilité l’obtention d’un laissez-passer pour s’installer en Turquie. Les enquêteurs soupçonnent le groupe d’avoir déjà planifié des attaques suicides en Grande-Bretagne et en Italie.

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Gaziantep, point de transit

Les Foreign Fighters quittant la Syrie ou l’Irak n’ont pas vraiment le choix. Selon des témoignages recueillis par la Dgsi, l’anti-terrorisme français, les djihadistes ne peuvent quitter le territoire de Daech que s'ils s’engagent à mener une attaque terroriste dans leur pays d’origine. Privés de papiers d’identité à leur arrivée, ils reçoivent alors des faux-papiers et un ordre de mission.

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Certains font alors étape à Gaziantep. La ville a longtemps servi de point de transit. Nœuds de réseaux, elle est aussi une base arrière de l’organisation terroriste. En novembre dernier, un convoi de voitures y circulait en klaxonnant, arborant des drapeaux noirs pour « célébrer » les attentats de Paris. Un mois plus tard, le photographe syrien Naji Jerf, pourfendeur de l’Etat Islamique (et du régime de Bacahr El-Assad) y était assassiné d’une balle dans le dos. Puis ce fut le tour du présentateur télé Mohammed Zahir Al-Sherqat. Cette ville de près de 2 millions d’habitants, qui accueille des centaines de milliers de réfugiés syriens est décrite dans un récent article du "Guardian " comme "lieu résidence notoire pour tueurs de l’Etat Islamique". Plusieurs cellules de Daech y ont été démantelées.

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La menace reste à un très haut niveau

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Le document confirme l’inquiétude des autorités françaises concernant ces "returnees". Comme l'a annoncé Jean-Yves Le Drian ce mercredi en sortant du Conseil restreint de défense à l'Elysée "la menace reste à un très haut niveau". Le dossier consacré aujourd’hui par "le Parisien " rappelle que la France reste le pays européen le plus touché par le phénomène djihadiste « avec 680 adultes, français ou résidant en France, présents actuellement en Syrie et en Irak et 420 mineurs ».

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Lors de son audition devant la commission d’enquête parlementaire sur les attentats de 2015 , le patron de l’anti-terrorisme français Patrick Calvar s'est déclaré préoccupé par la perspective du retour des djihadistes sur le sol français. "La menace la plus forte est représentée par des gens qui ont combattu, qui ont été entraînés en Syrie et en Irak, à l'exemple de ceux qui ont attaqué le Bataclan. Ce sont ceux-là qui mèneront les actions terroristes d'ampleur." Patrick Calvar a noté que la facilité avec laquelle les hommes de Daech se fournissent en faux papiers rendait inutile le contrôle aux frontières; "à moins d'introduire systématiquement des éléments de biométrie, incluant la possibilité de croisement des fichiers". Ce n’est pas encore le cas.

Daech a donc les moyens d'offrir les prestations d'une agence de voyage organisée... Un exemple. Avant d’être interpelé à son domicile en mars dernier à Argenteuil avec un arsenal incluant des Kalachnikovs, armes et poing et des explosifs, Reda Kriket a longtemps voyagé sous l’identité de Tawfik Alami. Equipé d’un faux passeport et d’un permis de conduire belge sur lesquels figurait sa photo, il a pu s’envoler pour Venise le 4 septembre 2014, Venise où avait transité le djihadiste français Fabien Clain . Kriket s'est ensuite rendu en Turquie, d’où il a rejoint Daech. Il a ainsi passé un an dans les rangs de l’Etat islamique en Syrie puis il s’est envolé à Phuket en Thaïlande et aux Emirats arabes unis. De là, il est rentré en Europe en passant par Zurich et le Luxembourg. Un road trip échouant lamentablement puisqu'il s'est terminé dans les locaux de l’anti-terrorisme, où le voyageur de Daech a rejoint des dizaines de candidats au suicide, n’ayant pas réussi à passer entre les mailles des filets des services.

Aux nombreux djihadistes français s'ajoutent les autres francophones. Une poignée de djihadistes Belges d’origine tchétchènes sont par exemple traqués par les services antiterroristes. Un certain Mosvar Ousmanov a pu quitté le territoire belge fin 2013. Après avoir servi l’Etat Islamique e Syrie, Ousmanov serait aujourd'hui, selon une source proche des renseignements, en train de chercher à revenir en Belgique.

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