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FRANCE

Une association veut intégrer les migrants en valorisant leur savoir-faire artisanal

Photo d'un atelier poterie animé au makerspace d'ICI Montreuil.
Photo d'un atelier poterie animé au makerspace d'ICI Montreuil.
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En France, l’installation des migrants est souvent longue et difficile. L’accès à l’emploi, essentiel à l’intégration des étrangers, est compliqué à la fois par le contexte économique et les barrières de la langue. Ines Mesmar, ethnologue et fondatrice de l’association La Fabrique nomade, vient de lancer un projet qui vise à aider des migrants, artisans de métier dans leur pays d’origine, à faire valoir leurs compétences et valoriser leurs savoir-faire.

Photo issue de la plaquette de l'association La Fabrique nomade.

L’association créée en janvier 2016 fonctionne pour l’instant sur des fonds propres, mais l’idée séduit. Elle est déjà lauréate de l'appel à projets Les Audacieuses Île-de-France, lancé par l’incubateur parisien La Social Factory. La Fabrique nomade bénéficiera à compter de septembre prochain d’un accompagnement de 9 mois pour développer le projet. L’association compte également lever des fonds et nouer des partenariats stratégiques avec les acteurs de la filière du design et de l’artisanat français et contribuer ainsi au développement économique local et à l’insertion professionnelle des artisans migrants.

"C’est une perte en compétences pour la France et une forme de relégation pour les migrants"

Cette idée d’accompagner les migrants artisans dans leur parcours professionnel trouve son origine dans ma propre histoire. Un jour, alors que ma mère cherchait des tissus dans son armoire, elle est tombée sur ses broderies, celles qu'elle avait réalisées lorsqu’elle était jeune. Elle était brodeuse dans la médina de Tunis avant d’arriver en France. De cette histoire, pendant 35 ans, je n’en avais rien su ! Elle est devenue, comme beaucoup de femmes de sa génération, femme au foyer. Par manque de confiance en soi, de réseaux, de maîtrise de la langue française, elle n’avait pu redéployer ses compétences en France. 'Quel gâchis !', ai-je alors pensé.

Ma mère n’était bien sûr pas la seule dans ce cas. J’ai d’abord questionné mon entourage, puis réalisé une enquête dans des centres d’accueil pour les réfugiés et centres socio-culturels. J’y ai rencontré notamment une Vietnamienne, qui elle aussi avait été brodeuse et est aujourd’hui caissière. Elle parlait de son ancien métier avec beaucoup de nostalgie mais a peur aujourd’hui de s’y remettre. J’ai alors réalisé qu’il était important d’accompagner des migrants dès leur arrivée en France, même si leur entourage ou les institutions avec lesquelles ils étaient sont en contact les en dissuadaient.

Yasir, premier bénéficiaire du programme d'accompagnement de la Fabrique nomade. Photo envoyée par l'association.

"Il est rare qu’on les pousse à faire valoir leur savoir-faire"

Il est rare qu’on les pousse à faire valoir leur savoir-faire. On les encourage plutôt à se reconvertir dans la restauration, le bâtiment ou encore l’hôtellerie [voir l’étude du ministère de l’Intérieur sur la répartition par secteur de métier des immigrés, NDLR]. Combien d’artisans devenus restaurateurs ou agents de sécurité ? Les exemples sont nombreux et privent la France de riches compétences, qui, si exercées, seraient bien plus valorisantes pour ces migrants qui souffrent souvent d’un sentiment de déclassement social.

Nous souhaitons les accompagner pour la reconnaissance de leurs compétences professionnelles par la validation des acquis de l’expérience (VAE) et les aider à monter en compétences afin qu’ils puissent mieux appréhender le marché français.

 

Atelier de poterie animé par Yasir lors d'un événement "la rue aux enfants" organisé par Cafezoide. Photo envoyée par l'association.

Notre mission est de valoriser leur savoir-faire en le partageant avec le plus grand nombre par le biais d’atelier de pratiques artisanales et de mettre à profit leurs compétences artisanales dans une activité de fabrication d’objets et de biens au sein de la Fabrique nomade, en favorisant les échanges et la collaboration avec des professionnels du design, de la création .

Actuellement, Yasir est la première personne à bénéficier de cet accompagnement. Nous entendons accompagner 5 personnes cette année. Yasir, Soudanais, est réfugié en France et diplômé des Beaux-Arts à Khartoum. Il a exercé en tant que potier pendant 25 ans. Il est vital pour lui de poursuivre son métier. Nous lui avons mis à disposition un espace de travail au sein du markerspace d’ICI Montreuil, un lieu collaboratif où artistes, artisans et entrepreneurs partagent bureaux et ateliers. Yasir anime également des ateliers de poterie et rencontre d’autres artisans qui peuvent échanger avec lui et apprendre de son savoir-faire et de ses techniques. Il travaille pour l’instant encore comme jardinier dans un chantier d’insertion mais nous espérons que l'association pourra bientôt l’embaucher.

 

Je ne tiens pas à abandonner un métier qui m’est si cher !

Yao Agbozo est sculpteur togolais. Il vient d’arriver en France et bénéficie du programme d’accompagnement mis en place par l’association La Fabrique nomade.

Je suis arrivé en France en janvier 2016. J’ai suivi mon épouse qui est française. Au Togo, j’étais sculpteur. J’ai suivi une formation au village artisanal du Togo et exercé mon métier pendant près de 15 ans. Je travaille tout type de bois : l’acajou, l’ébène. Je répondais aux commandes des clients.

Statuettes créées par Yao. Photo envoyée par notre Observateur.

J’ai rencontré Ines à la cité des métiers [une association pour l’orientation professionnelle reliée à la Cité des Sciences et de l’Industrie, à Paris, NLDR ]. Il y était question de "valorisation des parcours migratoires". Je lui ai expliqué que je souhaitais valoriser mon expérience de sculpteur en France, mais que l’on m’encourageait à être restaurateur. Mais même dans ce domaine d’activité, je ne trouve pas de travail ! Après étude de ma situation, elle m’a proposé de rejoindre l’association et intégrer l’atelier collaboratif d’ICI Montreuil. Je vais pouvoir y travailler mon art et pourquoi pas l’enseigner à tous ceux qui voudraient apprendre. Une chose est sûre, je ne tiens pas à abandonner un métier qui m’est si cher !

Photo envoyée par notre Obs.

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