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Offensive pro-cumul : des sénateurs de gauche s’y mettent aussi

Si des parlementaires Les Républicains ont déposé une proposition de loi pour repousser l'entrée en vigueur prévue pour 2017 du non-cumul des mandats, des sénateurs PRG et PS ont pris la même initiative.
par Laure Equy
publié le 18 août 2016 à 17h40

Encore quelques années, Messieurs les bourreaux. Alors que l’échéance du non-cumul se rapproche pour les députés et sénateurs, qui devront s’appliquer cette règle à partir de juin 2017 pour les premiers et de septembre 2017 pour les seconds, ceux-ci ne semblent toujours pas prêts à la digérer. Bon gré mal gré, ils avaient pourtant voté, en 2013, la loi interdisant à un parlementaire d’exercer une fonction exécutive locale. Après la droite, avec la bénédiction de Nicolas Sarkozy, des sénateurs de gauche tentent eux aussi de gagner du temps.

Ils sont ainsi onze à avoir cosigné une proposition de loi organique repérée par Lepoint.fr et déposée le 8 août sur le bureau du Sénat. Parmi eux, neuf radicaux de gauche et deux socialistes : Samia Ghali, sénatrice des Bouches-du-Rhône et maire d'arrondissement à Marseille, et Luc Carvounas, lieutenant de la première heure de Manuel Valls et sénateur-maire d'Alfortville (Val-de-Marne). Des élus qui, déjà lors des débats en 2013, s'étaient vigoureusement opposés au projet gouvernemental d'interdire le cumul des mandats, comme le rappelle Carvounas au Point : «Je n'ai pas à me défendre, je n'ai pas à être offensif, je m'inscris dans la chronologie de ce que j'ai toujours défendu.»

Des électeurs seraient «troublés»

Cette fois, il ne s'agit «que» de retarder, de trois voire quatre ans, l'entrée en vigueur de la loi anti-cumul, pour l'appliquer une fois terminés les mandats actuels des maires (en 2020) et des présidents de conseils généraux ou régionaux (en 2021). Les auteurs de la proposition de loi se font fort d'avancer un nouvel argument. Depuis cette fameuse loi anticumul ont été votées deux réformes territoriales (nouvelle carte des régions et loi Notre) qui changeraient la donne, selon eux. La mise en place de ces textes «modifie considérablement le fonctionnement et l'organisation des institutions locales et la mise en place de ces nouvelles structures nécessite un minimum de stabilité», estiment les sénateurs. Autrement dit : les électeurs peineraient à s'y retrouver et seraient encore plus troublés s'ils voyaient leurs élus contraints de démissionner de leurs exécutifs locaux pour rejoindre l'Assemblée ou le Sénat en 2017. Pas question, bien sûr, de s'accrocher à ses mandats, les auteurs de la proposition de loi soutiennent donc œuvrer de manière désintéressée pour la sérénité de leurs concitoyens. Ils soulignent d'ailleurs qu'il ne s'agit pas de rétablir pour de bon le cumul, mais d'assurer la transition. Et précisent que «le parlementaire en situation de cumul n'aura alors d'autre indemnité que celle de son mandat de parlementaire».

Cette initiative ressemble à s'y méprendre à celle prise, grosso modo aux mêmes dates, par des parlementaires de droite, cette fois-ci : 99 des 199 députés Les Républicains et 80 des 140 sénateurs LR avaient, eux aussi, profité du creux estival pour déposer discrètement, chacun dans leur chambre, des propositions de loi organique visant à repousser l'entrée en vigueur du non-cumul. Avec exactement le même prétexte : compte tenu des réformes territoriales votées en 2014 et 2015, mieux vaut «une entrée en vigueur progressive de l'interdiction pour un parlementaire». Les détracteurs de la loi de 2013 auraient-ils été contraints de mettre un peu d'eau dans leur vin ? L'établissement du mandat unique est une mesure très populaire auprès d'une opinion toujours plus méfiante à l'égard de sa classe politique. Pas facile, donc, de défendre ouvertement un retour au double fauteuil parlementaire-exécutif local.

Petite fenêtre de tir

Ce «simple» sursis aura-il plus de chances d’être accordé d’ici à l’an prochain ? Une petite fenêtre de tir existe. Certes, une telle proposition de loi n’a aucune chance d’être adoptée par l’Assemblée avant la fin de la législature. Mais le Sénat, qui est repassé à droite en 2014, pourrait désormais la voter. Donc si la droite l’emportait dans dix mois, à la présidentielle et aux législatives, la prochaine Assemblée nationale pourrait en théorie l’adopter dans la foulée. Si elle le faisait dans le mois suivant, elle pourrait alors sauver, pour encore quelques années, la double casquette des parlementaires cumulards. Resterait pour cette nouvelle majorité à assumer devant ces électeurs le détricotage de cette avancée démocratique parmi les priorités du prochain quinquennat. Loin d’être évident.

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