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Pourquoi le métro parisien n'est pas ouvert toute la nuit ?

Après Berlin et Copenhague, la ville de Londres va ouvrir deux lignes de son métro toute la nuit le week-end, dès ce vendredi. En revanche, à Paris, la promesse d’ouvrir les lignes automatiques en nocturne, portée par les élus de tout bord, est repoussée à la remise d’une étude du Syndicat des transports d’Ile-de-France.
par Florian Bardou
publié le 19 août 2016 à 19h40

New York, Washington, Copenhague, Berlin… A travers le monde, la liste des grandes villes internationales à avoir mis en place un service de métro ouvert toute la nuit le week-end, voire 24 heures sur 24 toute la semaine, s'allonge. La dernière en date, Londres, lance ce vendredi soir son bien nommé «Night Tube», une desserte 24 heures sur 24 et le week-end de l'ensemble des stations de deux de ses principales lignes de métro.

La mise en place d'un service de nuit est la suite d'un plan présenté il y a près de trois ans, en novembre 2013, par l'ex-maire conservateur de Londres Boris Johnson. Cependant, un mouvement de grève sans précédent en juillet 2015 avait obligé le gestionnaire du métro, London Underground (LU), à revoir les conditions de travail de ses salariés pour que le Night Tube puisse voir le jour le plus tôt possible, en 2016.

«Je suis vraiment excité, s'est réjoui à ce propos Sadiq Khan, le maire travailliste de Londres. Beaucoup de personnes comme les médecins, les infirmières, les gardiens de sécurité ont besoin d'aller ou de revenir du travail tard dans la nuit, mais c'est aussi un bon moyen de booster la vie nocturne.» Il faut dire que dans la capitale britannique, la demande est forte. Selon la BBC, depuis 2000, le nombre d'usagers du métro londonien le week-end a en effet augmenté de plus de 70 %. Par ailleurs, les retombées seraient de 6,4 milliards de livres (environ 7,4 milliards d'euros) de recettes pour l'économie londonienne, selon l'organisme public responsable des transports en commun de Londres.

Vers l’ouverture la nuit des lignes 1 et 14 à Paris ?

Malgré ces arguments, Paris n'est pas près de faire oublier aux usagers le stress du dernier métro. Le dossier est sur la table, assure pourtant la mairie, mais il bute sur la remise prévue à l'automne de l'étude de faisabilité, que la municipalité a commandée au Syndicat des transports d'Ile-de-France (Stif). «Cela fait deux ans et demi qu'on demande au Stif une étude sur l'extension des transports la nuit, on l'attend toujours, note Christophe Najdovski, adjoint écologiste aux transports d'Anne Hidalgo, joint par Libération. Ce que l'on souhaite, c'est que les horaires du métro soient au moins prolongés d'une heure le week-end car des milliers de personnes qui sortent tard du travail se retrouvent dans la rue et le réseau de taxis et des VTC est saturé.»

A ce stade, cependant, aucune option, comme l'ouverture nocturne le week-end des lignes automatiques (lignes 1, 14 et ligne 4 à l'horizon 2020) ou le renforcement du réseau des bus Noctilien, n'est officiellement privilégiée. «L'ouverture de nuit, c'est une demande pour laquelle on est volontariste», avance de son côté Stéphane Beaudet, vice-président Les Républicains (LR) du conseil régional d'Ile-de-France chargé des transports. L'élu régional, maire de Courcouronnes dans l'Essonne, prône «l'honnêteté» et s'en remet lui aussi aux conclusions de l'étude de faisabilité : «On ne peut pas promettre aux gens ce qu'on ne pourra pas faire. L'étude est en cours et elle nous permettra de voir dans quels délais et avec quels moyens on pourra y répondre», défend-il.

Une promesse des élections municipales et régionales

A Paris, l'ouverture d'un service de métro 24 heures sur 24 tout le week-end n'est pas un débat récent. En 2007, estimant que les Franciliens montraient de l'intérêt pour le rallongement des horaires la nuit, le Stif avait prolongé d'une heure le service du métro le vendredi, le samedi et les veilles de fête, jusqu'à 2 h 15. Par ailleurs, à l'occasion des élections municipales et des dernières régionales, en décembre, la promesse, plutôt consensuelle, a également été plusieurs fois remise sur le tapis par la gauche comme par la droite.

Si de son côté Anne Hidalgo proposait en mars 2014 des horaires de nuit le week-end pour les lignes automatiques (1, 14) et «les plus structurantes», la candidate LR Nathalie Kosciusko-Morizet s'engageait, avec moins de prudence pour l'ouverture toute la nuit de toutes les lignes le week-end et pour l'extension des horaires de passage jusqu'à 2 heures du matin en semaine. Des propositions quasiment reprises par les candidats à la présidence de région l'année suivante, Claude Bartolone pour le PS et Valérie Pécresse pour LR.

Mais les élus tiquent aujourd'hui sur le coût du métro toute la nuit le week-end, chiffré par Rue89 à 430 millions d'euros sur un mandat, sachant que le Stif souffre déjà d'un déficit de 300 millions d'euros. «Il y a un modèle économique et un équilibre financier à trouver qui n'est pas celui de Londres, où les usagers paient 100 % du billet», souligne Stéphane Beaudet, à la région. Christophe Najdovski, à la mairie de Paris, ne dit pas autre chose : «Il faut trouver le bon équilibre car l'extension des horaires va se traduire par une augmentation des coûts. Donc qui va financer : l'usager ou les collectivités, déjà en grandes difficultés budgétaires ? Et puis il faut penser au RER, ne pas jouer Paris contre la banlieue.»

LaCGT-RATP opposée à la généralisation du travail de nuit

D'autant que selon les associations d'usagers, comme la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut), «le nombre de voyageurs potentiels ne justifie pas un transport de masse comme le métro la nuit». «Cela peut également interroger la sécurité et cela empêcherait la maintenance du réseau toutes les nuits», explique Michel Babut, vice-président de la Fnaut, qui plaide avant tout pour un renforcement du réseau des bus Noctilien. «Si ces opérations de maintenance ne pouvaient être menées la nuit, il faudrait nécessairement les reporter à un autre moment, ce qui ne serait pas sans incidence sur le trafic», précise pour sa part la régie parisienne des transports.

Syndicat majoritaire de la régie, la CGT-RATP s'oppose également à l'extension des horaires du métro parisien. Le syndicat refuse tout simplement la généralisation du travail de nuit. «Ce n'est pas ce qui se fait de mieux pour les salariés en termes de vie de famille et au niveau physiologique, soulève Bertrand Hammache, secrétaire de l'union syndicale CGT-RATP. Pour nous, l'alternative est plutôt à aller chercher du côté du remaillage des lignes Noctilien afin de mieux desservir Paris et la banlieue. Les infrastructures du métro sont trop lourdes», notamment en termes de personnel. Pas sûr que la circulation du métropolitain, en continu tous les week-ends, soit opérationnelle en 2017, comme le souhaiterait la Ville de Paris.

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