“Il faudrait exciser toutes les femmes, il n’y aurait plus de débauche sur terre et il y aurait moins de sexe.” Cette phrase, prononcée le 16 août par le mufti Ismaïl Berdiev, président du Centre de coordination des musulmans du Caucase du Nord, a suscité l’émoi en Russie.

Interviewé le lendemain par le site russe Meduza, le dignitaire de la république russe de Karatchaevo-Tcherkessie est revenu sur sa déclaration, affirmant qu’il ne s’agissait nullement de sa part d’un “appel” à l’excision, mais d’une “plaisanterie maladroite” :

 
On m’a demandé si l’excision était pratiquée au Daghestan. J’ai dit avoir entendu que, dans certaines régions, oui, mais que je ne sais ni où, ni si c’était encore le cas […]. Je sais bien qu’il n’y a rien de tel dans la charia […]. Si j’ai plaisanté, c’est parce que, aujourd’hui, la débauche est partout.”

Visiblement mal à l’aise, le mufti se rétracte entièrement sur l’excision, mais maintient que “la femme doit être vêtue correctement”, qu’elle a “été créée pour mettre des enfants au monde et rester à la maison pour les éduquer” et que “l’éducation religieuse à l’école devrait suffire à diminuer la débauche”.

Plusieurs dizaines de milliers de femmes concernées

Si la sortie d’Ismaïl Berdiev peut avoir du bon, c’est qu’elle a au moins permis que ne passe pas inaperçue la publication d’un rapport édifiant sur la pratique de l’excision des femmes dans une république caucasienne de la Fédération de Russie, le Daghestan. En effet, le 15 août, l’organisation Initiative pour la justice en Russie a publié une enquête intitulée : “Pratique d’opérations invalidantes sur les organes génitaux des filles au Daghestan”.

Les résultats de l’enquête signalent “une pratique de l’excision répandue dans les villages de montagne et dans les villages des plaines où vivent des populations venues des montagnes”. Des dizaines de milliers de femmes auraient ainsi subi cette intervention. Cette dernière serait “pratiquée activement” et ne serait pas sur le déclin, “à en juger l’absence d’opposition des femmes à son égard”.

“Dans la Russie moderne”

Selon l’avis de l’une des auteures du rapport, Ioulia Antonova, interviewée par le quotidien Kommersant, les vives réactions à ces informations viennent du fait que la pratique de l’excision est généralement associée aux pays d’Afrique, or “il s’avère qu’elle existe aussi juste à nos côtés, dans la Russie moderne”.


Les structures gouvernementales ont fait savoir qu’elles allaient s’emparer du sujet. Selon Kommmersant, la Chambre des affaires sociales de Russie a demandé au Parquet général de vérifier les faits mentionnés dans le rapport. Le président du Conseil des droits de l’homme, Alexandre Brod, a déclaré qu’il était prêt à discuter du problème avec les représentants religieux et politiques du Daghestan, lors de son prochain déplacement dans la République.

“Au moins faire pratiquer ces opérations par des médecins”

Interrogé par le titre, Alexandre Brod s’est pour l’instant contenté de déclarer :

 
Cette coutume est archaïque, conservatrice et absolument pas indispensable. ll est bien triste qu’elle apparaisse au Daghestan où, sur fond de dégradation économique, l’islam se radicalise et se sert de ce genre de pratique inhumaine comme d’une arme. Les déclarations du mufti Berdiev sont absurdes et anti-humanistes. Mais, à partir du moment où il existe une demande pour ce genre d’interventions, actuellement pratiquées à la maison dans des conditions non stériles, il faut au moins exiger des médecins pour pratiquer ces opérations.”