L'hôpital de Abs, au Yémen, après le bombardement de la coalition saoudienne qui a fait 19 morts, le 15 août 2016.

L'hôpital de Abs, au Yémen, après le bombardement de la coalition saoudienne qui a fait 19 morts, le 15 août 2016.

© MSF

Médecins sans frontières (MSF) a annoncé jeudi l'évacuation de son personnel de six hôpitaux du nord du Yémen, après un raid aérien de la coalition arabe sous commandement saoudien contre un établissement que l'ONG assiste et qui a fait 19 morts et 24 blessés, lundi. Les explications d'Isabelle de Fourny, responsable des opérations à MSF.

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Qu'est-ce qui a décidé MSF à évacuer son personnel du nord du Yémen ?

C'est le quatrième hôpital soutenu par MSF bombardé par la coalition depuis le début de l'intervention, il y a un an et demi. La première fois, les dégâts étaient essentiellement matériels. Cette fois, il y a eu 19 morts. C'est le bilan le plus sévère que nous ayons connu dans ce pays.

Nous sommes pourtant allés à Riyad rencontrer les autorités à deux reprises, en février et en juillet. Nous avons communiqué à la coalition les coordonnées GPS des structures médicales où nous sommes présents; expliqué notre façon de travailler et nos mouvements. Nous sommes conscients que travailler en zone de guerre est dangereux, mais, là, c'est devenu beaucoup trop dangereux, la prise de risque est trop élevée.

À chaque bombardement, on nous a expliqué qu'il s'agissait d'une erreur. La coalition dit avoir mené des investigations sur ces frappes, mais nous n'y avons pas eu accès. On ne peut donc même pas en tirer des leçons. Nous n'avons plus confiance.

C'est pourquoi nous nous retirons des districts de Saada et Hajjah, dans le nord. Nous ne sommes plus en mesure d'assurer le minimum de sécurité, ni pour nos personnels, ni les patients.

Quel est l'importance de l'engagement de MSF au Yémen?

MSF compte près d'une centaine de personnels expatriés ainsi que 2000 Yéménites. Nous n'avons pas de structures médicales propres. Nous apportons notre soutien à des structures médicales yéménites, publiques comme privées, tant dans les régions sous le contrôle du gouvernement [soutenu par les Saoudiens, NDLR] que dans les régions tenues par les Houthis.

MSF est présent dans une trentaine d'hôpitaux et centres de santé dans huit gouvernorats. Nous ajoutons du personnel médical aux équipes locales -médecins, infirmiers, obstétriciens, urgentistes..., fournissons des médicaments et de l'équipement hospitalier ainsi qu'une aide logistique. Les structures dans lesquelles nous intervenons sont des centres de soins fonctionnels. Il ne s'agit pas d'hôpitaux vides.

Nous sommes bien conscients de l'impact pour la population de notre retrait: les besoins médicaux sont très importants dans ces régions, les plus touchées par les bombardements aériens et les combats. Mais nous ne pouvons continuer à travailler dans ces conditions.

Rencontrez-vous aussi des difficultés avec les rebelles houthis?

Oui. Ils ont entravé l'accès d'aide humanitaire dans certaines enclaves, comme à Taez. Dans les zones de combat, leur proximité avec les structures médicales nous met parfois en danger. Ce n'était, en l'occurrence, même pas le cas pour le bombardement de l'hôpital d'Abs. Mais les frappes de l'aviation de la coalition font beaucoup plus de dégâts.

L'annonce par la coalition, ce vendredi, de sa volonté d'engager des discussions avec MSF peut-elle vous faire revenir sur votre décision?

Nous n'allons pas rompre le dialogue. Mais c'est à la coalition de nous convaincre que cette fois, leur engagement à ne plus viser les structures médicales est sérieux.

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