Témoignage : être une femme féministe en Tunisie

Oumayama (au premier plan) Sodfa et Olfa travaillent à faire évoluer la place de la femme en Tunisie. Elles participent à la première université d'été organisée par l'association "Osez le féminisme", à Aix.

Oumayama (au premier plan) Sodfa et Olfa travaillent à faire évoluer la place de la femme en Tunisie. Elles participent à la première université d'été organisée par l'association "Osez le féminisme", à Aix.

Photo N.T.

Aix-en-Provence

Elles sont venues avec quelques bagages, leurs convictions intimes et la nécessité absolue de les défendre. Elles disent que leur militantisme leur vient de loin, qu'il est en elles, presque "naturel, ancré dans notre éducation" ; Oumayma et Olfa vivent en Tunisie, Sodfa à Rome. Elles font partie de ces femmes que l'on peut entendre jusqu'à ce soir, au Creps à Aix, à l'occasion de la première université d'été organisée par l'association "Osez le féminisme". Le leur, de féminisme, elles l'ont reçu en héritage. Et puisqu'on en parle... "L'un de nos combats pour le droit des femmes en Tunisie concerne l'héritage, explique Olfa militante pour l'association "Compétences féminines". Ce que reçoit le garçon, c'est deux fois plus que ce que reçoit une fille. C'est quelque chose de très important pour nous d'avancer sur ce domaine et plus largement, au-delà des lois, sur les mentalités."

N'allons pas croire pour autant que les trois amies soient impressionnées par le droit des femmes en France. "Bien sûr, la Révolution française et la déclaration des droits de l'Homme sont des références universelles, lance Oumayma, militante pour la ligue tunisienne de Défense des droits de l'Homme. Mais il y a des domaines dans lesquels la Tunisie a évolué avant la France : le droit à l'avortement, par exemple. Ou encore, dans le monde du travail, il faut noter qu'une femme qui exerce la même fonction qu'un homme percevra exactement le même salaire que lui."

"Ce qui est rassurant, c'est la résistance du peuple tunisien"

Quant à la vie quotidienne et la place de la femme dans la société, Olfa y est très vigilante : "Aujourd'hui, dans les grandes villes, ce n'est plus compliqué pour une femme de sortir, même tard, ou de se montrer avec une cigarette. Ce n'est pas du tout le cas dans les villes plus reculées. Notre association travaille, entre autres, là-dessus. Quoi qu'il en soit, cinq ans après la révolution, on recule sur de nombreux plans." "Par exemple, reprend Sodfa, à bientôt 100 ans, ma grand-mère est très choquée de voir autant de jeunes filles voilées dans les rues.Elles sont apparues après la révolution. Lorsque je demande à certaines pourquoi elles le font, elles répondent : 'Pour me marier'. Comme si le voile était un outil pour se légitimer vis-à-vis de la société."

"Je pense, précise Oumayma, que cela vient des chaînes de télé extrémistes qui dictent la façon dont les femmes doivent se comporter. Mais quoi qu'on en dise, ce qui est rassurant, c'est la résistance du peuple tunisien qui a été capable de faire une révolution."