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Dépakine : le gouvernement va créer un fonds d'indemnisation

¤ En sept ans, 14.322 grossesses ont été exposées à cet antiépileptique toxique. ¤ L'Etat reconnaît sa responsabilité, mais Sanofi botte en touche pour l'instant.

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Par Solveig Godeluck

Publié le 25 août 2016 à 01:01

Il y aura bien un fonds pour indemniser les victimes de la Dépakine. Marisol Touraine a annoncé ce mercredi, dans un communiqué, que ce dispositif serait voté dans l'un des textes budgétaires de l'automne. Et qu'un programme de signalement et de dépistage serait mis sur pied sous six mois afin de permettre aux victimes de se faire connaître et de bénéficier par la suite d'une « prise en charge en totalité par l'Assurance-maladie ».

C'est une victoire pour Marine Martin, la présidente de l'Apesac, l'association qui défend les victimes de la Dépakine : « C'est la première fois que l'Etat reconnaît sa responsabilité complice pour avoir autorisé la mise sur le marché d'un produit foetotoxique », a-t-elle souligné.

Cet antiépileptique fabriqué par le laboratoire Sanofi, ainsi que tous ses dérivés et génériques à base d'acide valproïque, ont provoqué des malformations et des troubles du développement neurologique chez de nombreux enfants dont la mère a consommé ce médicament pendant la grossesse. Les deux enfants de Marine Martin font partie des victimes, mais elle n'a découvert que sur le tard le lien entre son traitement et la maladie. C'est au niveau européen que la sonnette d'alarme a été tirée en 2014, sous la pression des associations nationales désespérant de se faire entendre dans leur pays.

Prescrit depuis 1967

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Selon une étude menée par l'Assurance-maladie et l'Agence nationale de sécurité du médicament, rendue publique mercredi, 14.322 femmes enceintes ont été exposées entre 2007 et 2014, juste avant que les autorités sanitaires commencent à prendre des précautions pour endiguer la catastrophe. Seulement un peu plus de la moitié de ces grossesses sont allées à leur terme (8.701 naissances). Le risque pour ces enfants a été évalué par l'Europe : 11 % de malformations et 40 % de troubles neurologiques, pouvant aller de l'hyperactivité à l'autisme. Mais avec sept années sous la loupe, on est loin du compte puisque la Dépakine est prescrite depuis 1967 - quarante ans de plus. L'estimation du nombre d'enfants touchés fait l'objet d'une autre enquête, attendue pour la fin de l'année.

Pour autant, l'Apesac ne se satisfait pas de la création du fonds. Elle exige que Sanofi contribue à l'indemnisation des victimes, alors que le fabricant de la Dépakine refuse pour l'instant de reconnaître sa responsabilité. « Ils disent que c'est aux médecins d'assumer leurs prescriptions, alors qu'ils ont délibérément omis de mentionner les troubles du développement », s'insurge Marine Martin, qui parle de « tromperie aggravée ».

Sous l'égide de l'Oniam

Une quinzaine de procédures judiciaires ont été initiées. Par ailleurs, le ministère de la Santé a annoncé qu'une « mission d'expertise juridique sera amenée à rencontrer prochainement le laboratoire Sanofi ». S'agit-il d'étudier la possibilité d'un cofinancement du fonds d'indemnisation ? Quitte à attaquer le laboratoire français ?

Chez Sanofi, on l'ignore. La firme rappelle qu'il existe une procédure d'indemnisation en cas d'effets indésirables de médicaments, sous l'égide de l'Oniam, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux. « Sanofi a fait face à ses responsabilités dès lors qu'elles étaient reconnues », avance Pascal Michon, le directeur médical. « Nous avons toujours été proactifs pour actualiser l'information sur les médicaments; le problème, c'est que nous ne pouvons la modifier seuls », plaide-t-il, en rejetant la balle dans le camp des autorités sanitaires.

Les chiffres clefs

sur 1.000 ont pris de l'acide valproïque en sept ans.Le nombre de femmes enceintes consommant de l'acide valproïque a diminué de 42 % en sept ans grâce à l'essor des alternatives, notamment la lamotrigine.

Solveig Godeluck

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