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POLITIQUE

Identité heureuse ou malheureuse : la place des musulmans en France au cœur de la primaire de la droite

La campagne pour la désignation du candidat de la droite à l’élection présidentielle promet de tourner au choc Juppé-Sarkozy sur la question de l’Islam. Sur fond de menace terroriste.

Entre Alain Juppé et Nicolas Sarkozy l'opposition sur l'islam et la République est totale
Entre Alain Juppé et Nicolas Sarkozy l'opposition sur l'islam et la République est totale Pascal Lachenaud-AFP
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La campagne pour la primaire de la droite et du centre, au mois de novembre, risque de battre son plein sur le thème de l’"identité" française. Le coup d’envoi officieux de ce match, la déclaration de candidature de Nicolas Sarkozy lundi dernier (tout sauf une surprise) sera suivi, samedi 27 août, par le discours de rentrée très attendu d’Alain Juppé. D’autant plus attendu que le maire de Bordeaux, toujours favori des sondages, a paru relativement discret cet été lorsque la France était frappée par les attentats de Nice et de Saint-Étienne-du-Rouvray. Il était au Québec, puis en cette mi-août en Polynésie Française, et l’on soupçonne que la question de la menace terroriste y est moins oppressante qu’en métropole.

Dans l’hexagone, en revanche, la peur et l’exaspération envers un islam fondamentaliste trop visible ont atteint des sommets. La question posée à l’ensemble de la classe politique en cette veillée électorale est donc la suivante : faut-il, afin d’apaiser les tensions entre Français de différentes confessions, envoyer des signes positifs d’intégration aux musulmans afin qu’ils puissent mieux s’épanouir et vivre leurs pratiques religieuses dans la communauté nationale ? Ceci pour les aider à résister au chant des sirènes de la radicalisation de l’organisation État islamique, qui recrute en dénonçant les "persécutions" dont seraient victimes les musulmans en France. Ou bien au contraire serrer un peu plus la vis sur les pratiques salafistes qui éloignent les musulmans des usages républicains ou tout simplement culturels français (par exemple avec l’interdiction du burkini sur les plages), au risque de renforcer leur sentiment de stigmatisation ou de discrimination ?

Des accomodements raisonnables

Alain Juppé peut être considéré comme faisant partie de la première école. Dans un ouvrage collectif paru en 2014 (donc bien avant l’attentat contre Charlie Hebdo), "Les 12 travaux de l’opposition" (Flammarion), le maire de Bordeaux forgeait son concept "d’identité heureuse". Une sorte d’antithèse de l’essai angoissé du philosophe Alain Finkielkraut, "L’identité malheureuse", dans lequel ce dernier y dénonçait la décrépitude de l’identité française sous l’effet de plusieurs fléaux associés à la modernité, dont l’immigration (sans assimilation). À rebours, Alain Juppé insistait dans sa contribution sur la nécessaire "intégration" des immigrés plutôt que sur leur "assimilation", estimant illusoire et contre-productif de demander aux nouveaux arrivants de faire table rase de leur culture d’origine.

Il allait jusqu’à recommander des "accommodements raisonnables" avec l’islam. Concept flou importé du Canada, où Alain Juppé a longtemps séjourné, l'accomodement raisonnable consiste à assouplir certaines règles édictées par les premiers arrivants ou fondateurs d'une nation - donc représentants de la culture majoritaire - afin de promouvoir l’égalité des chances des cultures minoritaires et donc arrivées plus récemment. Appliqué ici, ce principe pourrait, en particulier, inciter la France à assouplir sa conception de la laïcité pour faciliter l’intégration des musulmans.

Depuis quelques mois, et particulièrement dans le livre "Tout pour la France" (Plon), paru mercredi et dont la presse a cité de larges extraits, Nicolas Sarkozy pilonne son adversaire sur le sujet : "Il n'y a pas d'identité heureuse quand des milliers de Français nés en France, élevés en France, en viennent à haïr à ce point leur patrie (...) Il n'y a pas d'identité heureuse lorsque les règles de la République sont à ce point bafouées. Il n'y a pas d'identité heureuse lorsqu'on accepte des accommodements 'raisonnables' par souci prétendu d'apaisement", y écrit l’ancien chef de l’État.

Une ligne multiculturaliste

La question qui se pose est désormais celle-ci : Alain Juppé va-t-il persister sur cette ligne multiculturaliste, incluante, bienveillante, dans un pays meurtri, soupçonneux, horripilé par un islam trop ostensible (même Jean-Pierre Chevènement, peu suspect d’islamophobie, a recommandé aux musulmans d’être plus "discrets") ?

Jusqu’à preuve du contraire, la réponse semble bien être "oui", ce qui met en perspective une confrontation sans pitié avec Nicolas Sarkozy. En effet, l’un des principaux lieutenants d’Alain Juppé, le maire du Havre Édouard Philippe a promis, mardi dernier, un "beau débat" sur le sujet, opposant la vision "confiante" de son champion à la conception plus pessimiste ou anxieuse de l’ancien Président de la République.

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Dans l’autre camp, François Baroin, désormais pressenti pour être le premier ministre de Nicolas Sarkozy a haussé le ton contre Alain Juppé, accusé de "naïveté".

En juin dernier, Alain Juppé faisait déjà l’objet d’attaques des sarkozystes et avait par avance répondu à ce reproche dans un billet de blog : "Naïveté, me dira-t-on… Ma longue expérience du terrain me protège de ce risque. Je sais bien que la France dont je rêve n’est pas la France d’aujourd’hui, pas toute la France d’aujourd’hui. Je vois la France qui doute, qui souffre, qui est en colère. Il faut apporter des réponses à ses légitimes attentes".

Par la suite, il avait légèrement atténué son propos dans un tweet, reconnaissant que l’identité, pour être heureuse, supposait que l’on "soit deux" à la vouloir.

La défense et l'illustration de la "diversité" afin de préserver "l’unité" du peuple français (Juppé) contre la réaffirmation des "racines chrétiennes" de la France (Sarkozy). Le premier invoque une lecture du Coran "compatible avec la République" quand le second enjoint aux musulmans de se fondre dans la masse (au point, par exemple, de refuser les menus sans viande dans les cantines), voilà qui promet un duel musclé, avec la gauche, elle aussi très divisée sur ces questions, en arbitre impuissante.

Les deux hommes prêtent toutefois également le flan à la critique : Alain Juppé, lorsqu’il était ministre des Affaires étrangères, avait entrepris un dialogue avec l’islam politique des Frères musulmans qui a échoué sur la faillite des "printemps arabes". Quant à Nicolas Sarkozy, qui n’a pas de mots assez durs pour dénoncer les ravages du salafisme et du wahhabisme en France, il faudra qu’il explique la cohérence de ses actes, lorsqu’il va "baiser l’anneau" du roi Salmane d’Arabie saoudite, principal financier et propagateur de cette vision moyenâgeuse de l’islam.

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