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Portugal

Portugal: émoi après une agression commise par les fils de l’ambassadeur d’Irak

L’agression d’un jeune Portugais par les fils de l’ambassadeur d’Irak au Portugal soulève une vive émotion dans le pays. Bagdad a convoqué son représentant.

L'émotion est vive au Portugal après l'agression d'un adolescent par les fils de l'ambassadeur d'Irak (photo d'illustration, Lisbonne).
L'émotion est vive au Portugal après l'agression d'un adolescent par les fils de l'ambassadeur d'Irak (photo d'illustration, Lisbonne). PATRICIA DE MELO MOREIRA / AFP
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De notre correspondante à Lisbonne,

Ponte do Sor est une ville de 7 000 habitants alanguie sous le soleil de l’Alentejo (centre-sud du Portugal). La tranquillité apparente de la cité s’est brusquement évanouie le 17 août dernier.

Dans un bar du centre-ville, des groupes de jeunes se sont affrontés sans que l’on sache exactement ce qui a provoqué les échauffourées. Malheureusement, la suite a pris une tournure dramatique qui a bouleversé le Portugal. Rúben, l’un des jeunes gens impliqués dans la rixe, âgé de 15 ans, a été sauvagement agressé au lever du jour, roué de coups, puis abandonné sur la chaussée.

Ses agresseurs ? Les fils jumeaux de l’ambassadeur d’Irak à Lisbonne, Saad Mohamed Ridha, âgés de 17 ans. Selon la presse portugaise, les fils du diplomate, Haider et Ridha, auraient suivi en voiture Rúben pour s’assurer qu’il était seul avant de le tabasser. Certains médias ont même affirmé que le véhicule dans lequel se trouvaient les jumeaux aurait percuté le corps à terre du jeune Portugais, laissant planer l’idée d’un règlement de compte à l’issue fatale.

Cette version niée par les jeunes Irakiens suppose la présence d’une troisième personne, Haider et Ridha ayant 17 ans, ils ne sont pas censés conduire. A moins qu’ils aient passé outre.

Rúben est sorti du coma artificiel dans lequel il a été plongé en raison de ses multiples fractures. Pendant plusieurs jours, le pronostic médical le concernant était plus que réservé. Les médecins ne veulent toujours pas se prononcer sur les séquelles éventuelles, l’état de santé du garçon étant considéré comme préoccupant.

Entendus par la police après les faits, les deux jeunes Irakiens ont été remis en liberté : ils bénéficient de l’immunité diplomatique qui les protège de la détention. Cette situation a provoqué une vive émotion au Portugal, une émotion teintée de colère face à ce qui est qualifié de « totale injustice ». L’embarras diplomatique et la délicate question des relations bilatérales qui ont suivi ont sorti l’agression du fait-divers sordide où elle se trouvait pour en faire une quasi-affaire d’Etat.

Immunité ne veut pas dire impunité

Le ministre portugais des Affaires étrangères a assez rapidement expliqué qu’il ne peut y avoir de levée de l’immunité à l’encontre des membres des corps diplomatiques et de leurs familles, à l’abri de la Convention de Vienne (traité international adopté en 1961). Et la diplomatie portugaise n’a pas l’intention de passer outre.

Mais l’attitude légaliste des premiers jours a été critiquée par la presse et l’opinion publique, et le ministre Augusto Santos Silva a dû sortir de sa réserve initiale. « L’immunité diplomatique a pour objectif de protéger les diplomates et non de permettre des abus de toute sorte », a alors déclaré le chef de la diplomatie portugaise.

Côté irakien, la première réaction de l’ambassade a eu pour effet d’envenimer les choses. Parallèlement a un communiqué en anglais faisant part de sa préoccupation, l’ambassade à Lisbonne a publié un communiqué en arabe (non traduit) dans lequel il est précisé que Haider et Ridha ont agi pour se protéger contre un groupe de six jeunes gens de Ponte do Sor, et qu’ils ont été insultés pour être Arabes et musulmans.

Si le « ballet diplomatique » n’a jamais cessé entre les deux chancelleries, la portugaise et l’irakienne, Bagdad a finalement opté pour convoquer son ambassadeur et faire le point sur la situation.

Les zones d’ombre qui entourent l’agression de Rúben sont nombreuses. Il y a-t-il eu provocation ? Si oui de qui envers qui, et le motif en est-il racial ou religieux ? Au Portugal on aime mettre en avant le caractère pacifique et tolérant de la population. Le racisme « ordinaire » y est tout aussi présent qu’ailleurs, mais dans ce pays qui compte à peine 5% de musulmans - essentiellement des ressortissants africains et asiatiques - il n’y a pas d’amalgames musulmans/extrémisme comme on peut l’observer ailleurs. Les attentats récents en France et en Belgique notamment ont crispé l’atmosphère : les deux pays européens accueillent de nombreux immigrés lusitaniens et le terrorisme ne les a pas épargnés.

Reste que l’immunité diplomatique dont jouissent les jumeaux irakiens de 17 ans n’en finit pas de soulever l’indignation. A Ponte do Sor, la ville de Rúben où l’un des jeunes Irakiens suivait les cours de l’école de pilotage, on veut savoir ce qui s’est passé. La diplomatie portugaise envisage de solliciter l’Irak pour qu’il lève temporairement cette immunité « à des fins de justice », comme d’ailleurs le prévoit la Convention de Vienne. Ainsi la police pourra entendre Haider et Ridha dans le cadre de l’enquête en cours. Mais seul l’Irak peut en décider (article 37 de la Convention de Vienne).

Libres de leurs faits et gestes, Haider et Ridha ont accordé une interview à la chaîne de télévision privée Sic, dans laquelle ils adoptent une attitude repentante, reconnaissent quelques coups de pieds, et se disent « victimes des circonstances ».

A Ponte do Sor et un peu partout au Portugal, la réaction à leur liberté affichée a pris la forme d’un « Ils ont tous les droits », lourd de menaces. Les intellectuels et « opinion-maker » réclament une déclaration de persona non grata à l’encontre de l’ambassadeur irakien et de ses fils. La diplomatie s’en tient à son rôle : temporiser.

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