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Les 10 romans à ne pas manquer

La sélection des livres qui ont séduit le service Culture, parmi les 560 ouvrages déjà en librairie, ou à paraître dans les prochains jours.

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Par Philippe Chevilley, Thierry Gandillot

Publié le 26 août 2016 à 01:01

«L'homme qui voyait à travers les visages» Éric-Emmanuel Schmitt

Auteur prolifique, il a écrit 40 livres. C'est le narrateur du dernier en date, le jeune Augustin Trolliet, qui le lui apprend (page 185). «Quarante déjà?» soupire Schmitt. Après Ponce-Pilate et Hitler, l'auteur d'Ibrahim et le Coran interpelle Dieu, cette fois, dans ce roman à clef où il se met lui-même en scène. Enfant abandonné, Trolliet est stagiaire souffre-douleur à Demain, la gazette de Charleroi. Par hasard, il assiste à un attentat suicide à la sortie d'un enterrement. Il a vu clairement le kamikaze, mais surtout sur son épaule un drôle de petit homme miniature en djellaba qui lui parlait à l'oreille d'un air furieux. Car Augustin a un don: il voit les morts. Ou plus exactement, pour certains vivants - pas tous heureusement -, «son» mort associé. Associé malgré lui à l'enquête, il va être amené à démêler quelques fils dont certains explosifs. Et à rencontrer, en sa ferme-château du xviie siècle, Éric-Emmanuel Schmitt. Ce dernier l'enverra interviewer Dieu en compagnie d'une transsexuelle alcoolique surnommée Oum Kalsoum. Un joli scoop pour un stagiaire. T. G.

«Matteo a perdu son emploi» Gonçalvo M. Tavares

Les rentrées littéraires ont aussi leurs chemins de traverse. Pour preuve, ce court roman, ludique et savant, signé du Portugais Gonçalo M. Tavares. Le lecteur ne rencontrera Matteo qu'au dernier chapitre, après avoir croisé 24 personnages, par ordre alphabétique de leur nom - chacun introduisant le suivant à la fin de son histoire. D'Aaronson, athlète courant tous les jours autour du même rond-point, jusqu'au jour où il décide de changer de sens; à Matteo, chômeur, qui devient homme de compagnie d'une troublante femme sans bras, l'écrivain, professeur d'épistémologie à Lisbonne, nous entraîne dans un tourbillon drolatique et absurde à la lisière de la folie. Chaque bizarrerie, rituel ou manie (Baumann qui lave les ordures; Glasser, le client de prostituées qui porte une lourde batterie en guise de coeur artificiel; le Dr Helsel qui collectionne des cafards dans un entrepôt; Holzberg, l'architecte qui conçoit des ronds-points carrés), sont autant de défis au chaos du monde et à l'arbitraire de la condition humaine. Illustrée de photos de têtes de mannequins de vitrine à l'air vaguement menaçant, cette ronde de fables alterne l'évidence et l'obscurité. Même après avoir lu la postface de l'auteur qui dissèque ses jeux d'esprits, Matteo a perdu son emploi garde tout son mystère. Et c'est tant mieux. On a plus qu'à souhaiter un nouveau tour de piste d'anomalies humaines, cette fois de N à Z. Ph. C.

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«Écoutez nos défaites» Laurent Gaudé

Avec La Mort du roi Tsongor, prix Goncourt des lycéens en 2002, puis Sous le soleil des Scorta, Prix Goncourt 2004, Laurent Gaudé avait fait une entrée remarquéeen littérature, rencontrant un vaste succès public - mais un accueil critique plus mitigé. Ses penchants pour la narration et son style poético-lyrique tranchaient avec les obsessions formelles du moment et l'autofiction toujours en vogue au début du troisième millénaire. Au fil de ses publications (romans, pièces, nouvelles), l'écrivain français a démontré un talent singulier de conteur postmoderne, sachant conjuguer les mythes anciens, le fantastique et le réalisme, pour aborder les drames de notre temps (tel le tremblement de terre d'Haïti de Danser les ombres, en 2015). Écoutez nos défaites, son nouveau roman, confronte la lutte mondiale contre le terrorisme, aux guerres d'hier, en croisant les destins de deux agents secrets français et américain et d'une archéologue irakienne avec ceux de trois guerriers mythiques: Hannibal, Grant et Hailé Sélassié. Pari osé, mais réussi. Les récits de combats sans merci, dont les vainqueurs sortent aussi laminés que les vaincus, rendent compte de l'inéluctable violence du monde et du combat héroïque d'une humanité sans cesse défaite. Urgent, épique, ce roman philosophique nous incite à la lucidité et à l'humilité, pour tenter de sauver ce qu'il reste de beauté du monde. Ph. C.

«Babylone» Yasmina Reza

Son troisième roman, après Adam Haberberg (2002, Albin Michel) et Heureux les heureux (2013, Flammarion), Babylone pourrait être une pièce de théâtre. Ou un film. L'intrigue se déroule dans un immeuble parisien. La narratrice, Elizabeth, est ingénieur brevets à l'Institut Pasteur. Pour ses 60 ans, elle décide d'inviter quelques amis et parmi eux ses voisins du dessus Jean-Lino Manoscrivi, cadre dans l'électroménager amateur de courses, et Lydie, son épouse, qui gérait un magasin de chaussures avant de s'installer comme thérapeute New Age. Défenseure acharnée des animaux, elle est soucieuse de savoir ce qu'il y a dans son assiette au regard de la maltraitance dont ils auraient pu être les victimes. Et défend son point de vue avec une grande intransigance, comme on le verrra. L'anniversaire, bien arrosé, se déroule au mieux, on s'amuse, on s'embrasse, on polémique gentiment, on rit. Lydie la première, «un rire sans malice, sans coquetterie, un rire que rien ne menace, qui ne devine rien, ne sait rien.» Et pourtant... T. G.

«Judas» Amos Oz

À 77 ans, l'écrivain israélien garde l'esprit et le coeur d'un jeune homme. Écoeuré par la violence de notre planète, les conflits sans trêve entre nations et religions, les idéaux trahis, il nous livre ici un nouveau roman d'exception, vif et provocant. Jérusalem, fin 1959, un étudiant en crise accepte de devenir l'homme de compagnie d'un vieil homme et d'habiter sa maison également partagée par une mystérieuse belle femme. À partir de ce triangle sentimental attachant, l'écrivain déploie une passionnante réflexion politico-métaphysique sur les rapports entre chrétiens, juifs et musulmans, sur les fondements de l'État hébreux. Shmuel Asch l'étudiant, évoque avec son employeur Gershom Wald, sa thèse iconoclaste sur Jésus et Judas dans la tradition juive. Il découvre par ailleurs qu'Atalia, la troublante locataire - bru du vieillard - est la fille du politicien pacifiste Shealtiel Abravanel, mort en traître parce qu'il cultivait des amitiés pro arabes. Qu'est ce que trahir dans un monde complexe et pervers où toute paix et amours durables sont impossibles? Où est le salut, sinon dans la vie même, qu'il convient de dévorer, quand bien même aucune question existentielle ne serait résolue? Avec ce roman, dense et profond, Amos Oz signe un nouveau classique de notre temps. Ph. C.

«Brève Histoire de sept meurtres» Marlon James

S'il a une bonne tête de rasta épanoui, la vision que Marlon James donne de la Jamaïque n'a rien de mystique ou d'idyllique. Son troisième roman, Brève histoire de sept meurtres, est le plus ambitieux, puisqu'il couvre vingt ans de l'histoire tumultueuse de son pays (1970-90). On n'hésitera pas à qualifier ce pavé de 850 pages, couronné du prestigieux Man Booker Prize 2015, de chef-d'oeuvre. À travers douze «héros», douze voix qui vont du «gunman» local au journaliste d'investigation yankee, l'écrivain jamaïcain reconstitue un immense puzzle de violence et de passion. Guerre des ghettos affiliés aux deux partis principaux, brutalité de la police, tentative d'assassinat de Bob Marley, montée et retombée du mouvement rasta, grandes manoeuvres de la CIA, développement du marché de la drogue initié par les cartels latinos... Entre deux airs de reggae, on deale, on viole, on tue, sans ménagement. À force de semer la zizanie, via les gangs, la CIA va importer la violence des gangstas sur le sol américain... L'enfer est une longue trace de sang qui zigzague de Cali et Medellin jusqu'à Miami et New York, en passant par Kingston. On est emporté par cette fable épique au souffle puissant et au style changeant. Le regard tranchant et désespéré que porte Marlon James sur le monde fait frissonner. Un livre choc, choquant, violemment indispensable. Ph. C.

«Derniers feux sur Sunset» Stewart 0'Nan

Les écrivains anglo-saxons sont les champions de la biographie romancée. En début de saison, on avait adoré L'Été arctique, portrait ultrasensible de l'écrivain anglais E.M. Forster brossé par le Sud-Africain Damon Galgut (publié chez l'Olivier). En cette rentrée littéraire, on découvre avec le même enthousiasme Derniers feux sur Sunset, signé de l'Américain Stewart O'Nan (chez le même éditeur), récit élégant des trois dernières années de la vie de Francis Scott Fitzgerald (1896-1940) passées à Hollywood. Fort d'une vingtaine de romans puissants, l'écrivain de Pittsburg épouse sans mal la personnalité attachante de son mythique aîné, star déchue des lettres, obligée à 40 ans d'entamer une carrière de scénariste pour subvenir aux besoins de sa femme malade et de sa fille pensionnaire. Ce roman très juste et fouillé fait revivre avec brio les stars du cinéma et de la littérature des années 1930-40: Joan Crawford, Marlene Dietrich, Humphrey Bogart (d'avant Lauren Bacall), Ernest Hemingway, Dorothy Parker... Mais surtout, à travers le prisme assombri d'un Fitzgerald à cran, il nous offre une belle variation mélancolique sur la vanité du succès, la tragédie de la jeunesse perdue et de la flamme qui pâlit. Loin d'une figure de marbre, Scott dans ses derniers feux, nous apparaît sincère et touchant, magnifique comme Gatsby, tendre comme la nuit. Ph. C.

«L'Insouciance» Karine Tuil

Elle a souvent figuré sur les listes des prix (Goncourt, Goncourt des lycéens, Femina, prix des Libraires). L'automne 2016 sera-t-il le bon? Celui où elle concourt sous la casaque crème filetée de rouge et noir de Gallimard, après des années de fidélité à Grasset. L'oeuvre est ambitieuse, par son volume et par son ampleur. On y croise Romain Roller, un lieutenant de retour d'Afghanistan, dévasté par la mort de ses hommes; une jeune et belle reportrice de guerre, la «dangereuse» Marion Decker, qui devient sa maîtresse bien qu'elle soit mariée à l'un des hommes les plus puissants et redoutés de France; Laurence Corsini, ancienne élue de centre droit devenue une influente conseillère en communication d'entreprise; Osman Diboula, un gosse des banlieues fils d'immigrés ivoiriens sans diplôme, devenu un emblème de la méritocratie républicaine après avoir joué un rôle de médiateur dans les émeutes de 2005 à Clichy-sous-Bois. Entré à l'Elysée comme conseiller du président, il y est en concurrence directe avec sa compagne, la belle Sonia Cissé, Franco-Sénégalaise de Locquirec en Bretagne, passée par H-IV et l'École des chartes. Sur fond de djihad, de trafic et de corruption, Karine Tuil mène le bal de ces ambitieux guidés par l'avidité et le cynisme où tous les coups sont permis. Un tableau terrifiant de la société française où il n'y a pas un personnage pour rattraper l'autre. T. G.

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«L'Archipel d'une autre vie» Andreï Makine

Auteur d'un doublé inédit Goncourt-Médicis, en 1995, Andreï Makine sera bientôt reçu sous la Coupole. Ce n'est que justice. Depuis la révélation du Testament français, le romancier sibérien, naturalisé français en 1996, est l'auteur d'une oeuvre forte qui allie la beauté de la langue et la puissance des sentiments, le souffle de l'histoire et celui des grands espaces. L'Archipel d'une autre vie confirme ce jugement. Au fin fond de l'Extrême-Orient soviétique, un prisonnier d'une colonie pénitentiaire s'évade. Un affront au parti et à Staline qui doit être réparé au plus vite et sévèrement puni. Cinq hommes partent à sa recherche, un général alcoolique, un commissaire politique buté, un sous-lieutenant arriviste et deux soldats réservistes, dont Pavel Gartsev le héros du livre qui raconte l'histoire. Cette traque ne devrait être qu'une formalité, une partie de chasse dont l'issue ne fait aucun doute. Mais dans l'immensité de la taïga qu'il semble connaître comme sa poche, le fuyard fait preuve d'une incroyable résistance et surtout d'une ingéniosité qui lui permettra d'éliminer un à un ses poursuivants. Peu à peu, le groupe se désagrège et Pavel se retrouve seul. À mesure que l'on se rapproche de la redoutable mer d'Okhotsk et de l'archipel des Chantars, le doute s'installe: Pavel veut-il vraiment arrêter cet intrigant fugitif qui force son admiration? T. G.

«Yaak Valley, Montana» Smith Henderson

À sa parution, la critique américaine a été subjugué par ce premier roman fulgurant qui remet en cause les clichés aimables sur l'«Americana». Yaak Valley, Montana raconte l'histoire d'un assistant social confronté à des situations extrêmes dans la petite ville de Tenmile, à l'aube des années 80: marginaux, drogués, illuminés... Ses démarches pour aider ces familles sont mission impossible, alors que lui-même est dans une situation délicate - séparé de sa femme et de sa fille, il est flanqué d'un frère ingérable. On est loin de l'Amérique idyllique vantée alors par Ronald Reagan qui vient d'être élu.Smith Henderson sait de quoi il parle. Ex-éducateur et ex-publiciste, il a grandi dans une famille de cow-boys et de fermiers à Missoula, Montana - ville d'origine de son héros. Et s'il a bénéficié d'une solide formation romanesque, notamment dans un cycle de «creative writing» dirigé par Philip Roth, il y a dans son écriture une urgence et une sincérité brute qui n'appartiennent qu'à lui. Roman ultranoir palpitant, admirablement construit Yaak Valley, Montana brosse le portrait sans concession mais plein d'empathie, des bras cassés du Montana. Cette entrée magistrale dans le grand monde de la littérature américaine a valu plusieurs prix à Smith Henderson, qui a déjà trois autres ouvrages en route. Ph. C.

Par Philippe Chevilley et Thierry Gandillot

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