La Mairie de Paris a récemment annoncé qu'une monnaie locale parisienne verrait le jour à l'automne 2017. Retour sur les origines d'un phénomène en pleine expansion, loin d'être un simple effet de mode.
Publié le 28 août 2016 à 11h00
Mis à jour le 08 décembre 2020 à 02h57
Une monnaie locale, c'est quoi ?
On estime que plus de 5 000 monnaies locales circulent dans le monde, dont une trentaine développées ces cinq dernières années sur le territoire français, la plus diffusée étant « l'eusko » (au Pays Basque). Autre exemple significatif, la « WIR » suisse (créée en 1934 !) rassemble plus de 60 000 entreprises et permet aux habitants de s'auto-gérer financièrement même dans les périodes de troubles économiques du gouvernement.
Les monnaies locales complémentaires, comme on les appelle, ont pour but de favoriser les circuits courts et l’économie locale : les utilisateurs consomment exclusivement des produits fabriqués autour de chez eux. La MLC (Monnaie Locale Complémentaire) recentre le pouvoir économique d'une façon démocratique et permet d'enrayer la délocalisation, l'évasion fiscale, la spéculation et le chômage. On occulte souvent l'adjectif « complémentaire », or il ne s'agit pas de remplacer la monnaie nationale, mais bien d'offrir une alternative aux habitants qui souhaitent s'engager en consommant autrement. L'essor récent de ces nouvelles monnaies s’inscrit dans le mouvement Transition Network, initié par l'environnementaliste britannique Rob Hopkins en 2005 (qu'on peut voir dans le film Demain, réalisé par Mélanie Laurent et Cyril Dion, 2015).
Chaque MLC est liée à une charte mettant en avant les valeurs que les commerces ou entreprises participants doivent respecter. « L'idée de la charte n'est surtout pas de mettre à la porte tout le monde et de rester entre puristes mais justement d'accompagner les plus frileux dans leur transition. » explique Lucas Rochette-Berlon.
A quoi ça sert ?
Ces dernières années, le discours sur le « Made in France » a pris une ampleur incroyable. Aujourd'hui les gens veulent savoir d'où viennent les produits qu'ils achètent. Une prise de conscience globale mais qui doit être accompagnée, comme le rappelle le président d'Une Monnaie pour Paris : « Il n'existe aucun outil viable pour identifier et soutenir le Made in France. De plus, consommer local reste très cher et peu accessible. »
Au-delà d'une éventuelle révolution économique, l'objectif est de replacer l'humain au cœur de nos sociétés : préserver l'emploi du boulanger ou soutenir la petite boutique en bas de chez soi. Être un véritable « consomm'acteur ». Pour cela, il faut que la monnaie soit simple d’utilisation (une unité de La Seine sera en cela équivalente à un euro) afin qu'elle ne touche pas uniquement des personnes déjà convaincues de son efficacité. Un outil idéal pour que les citoyens et les entreprises démarrent ensemble une transition énergétique (moins de transport puisque consommation de proximité) et sociale (favoriser la fabrication locale).
Pourquoi pas avant ?
On peut se demander pourquoi la ville de Paris a attendu si longtemps pour tenter l'expérience et rejoindre une tendance largement confirmée. Mais la mise en place d'une MLC est souvent longue et de nombreux projets ont vite avortés (tel que le « Sol Alpin » de Grenoble). Que ce soit la « SoNantes », le « Sol Violette » de Toulouse, les « Lucioles » en Ardèche ou la « Gonette » de Lyon, toutes démarrent de façon un peu hasardeuse, en espérant trouver leurs adeptes.
L'une des difficultés pour créer une monnaie locale est aussi liée à la taille du territoire à couvrir. Avec ses 2,2 millions d'habitants et son territoire de 105 km², l'inscription de Paris nécessiterait une organisation rigoureuse et certainement plus qu'une dizaine de bénévoles.
Si « La Pêche », monnaie locale de Montreuil, créée en juin 2014, a su faire parler d'elle mais ne compte aujourd'hui que 500 adhérents, c'est peut-être parce qu'elle reste liée à un territoire restreint. Mais elle a permis d'ouvrir le débat en île-de-France, et pourrait aider La Seine à devenir un nouveau modèle sociétal.
Autre facteur de retard, le système administratif français qui reste bien plus lourd que dans des pays comme l'Angleterre et l'Allemagne, où les MLC se sont rapidement développées.
Depuis son vote à l'assemblée nationale en mai 2014, l'utilisation de monnaies locales est depuis une alternative concrète pour les entreprises.
Une utopie concrète à Paris
C'est donc avec l'association Une Monnaie pour Paris que la Mairie de Paris souhaite collaborer pour élaborer la forme du projet, comme le confie Antoinette Guhl (adjointe chargée de l’économie sociale et solidaire, de l’innovation sociale et de l’économie circulaire) à 20 Minutes : « Nous étudions actuellement la forme, l’objectif, la technologie, le support, et la fiscalité d’une telle monnaie. »
De son côté, Lucas Rochette-Berlon insiste malgré tout sur le fait que l'association espère rester indépendante, et ne pas dépendre de subventions publiques, afin de ne pas voir son projet mis en danger au moindre changement de direction politique. Dans ce but, Une Monnaie pour Paris lancera un financement participatif au printemps 2017, pour démarrer son projet et le rendre concret (impression des billets, emplois etc.).
En octobre prochain, l'association organisera une grande réunion publique afin de définir les caractéristiques et la charte de la future monnaie parisienne. Ouverte à tous (commerçants, entreprises, producteurs, politiques, citoyens...), elle sera suivie d'un référendum en novembre, ayant pour but de choisir le nom de la monnaie.
Le président espère que le vote se fera avec de vraies urnes Place de la République et non sur internet. Une manière selon lui de donner encore plus de visibilité et de légitimité à cette intitiative censée concerner tous les parisiens. A terme il se prend à rêver d'une ampleur bien plus large : « Dans l'idéal on imaginerait une monnaie locale, une européenne et une autre mondiale. » conclut-il.
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