À l’écrit, la première occurrence du terme “white trash” [qu’on pourrait traduire par “racaille blanche”] date du début du XIXe siècle. L’expression reste très courante de nos jours et fait partie d’un riche vocabulaire qui remonte à la première colonie américaine, installée à Jamestown, en Virginie. À l’époque, les domestiques corvéables à merci [liés à un employeur pour plusieurs années par le système de l’indenture], les vagabonds congénitaux et les divers criminels refourgués par l’Angleterre au Nouveau Monde étaient qualifiés d’“ordures”.

Depuis le XVIIe siècle, très peu de choses ont changé, si ce n’est que le lexique s’est considérablement enrichi. Les Blancs pauvres ont tour à tour été appelés : lourdauds, parias, péteux, péquenauds, ploucs, dégénérés, rustres, “Nègres blancs” et “cassos”. Aujourd’hui, on pourrait ajouter “électeurs de Trump” à cette liste. Si les États-Unis exècrent l’identité de classe, il n’empêche que les sous-prolétaires blancs du pays sont parfaitement catalogués.   En réalité, les États-Unis ont été fondés sur de strictes distinctions entre les classes sociales, ce que raconte l’historienne Nancy Isenberg dans son livre White Trash [non traduit]. Les esclaves africains n’étaient pas le seul groupe privé de droits et il a fallu attendre deux ou trois générations après la Révolution américaine [qui commence en 1763] pour que de nombreux États accordent le droit de vote aux citoyens qui n’étaient pas propriétaires terriens. Au XVIIIe siècle, Benjamin Franklin, autodidacte américain par excellence, appelait les habitants des zones rurales de Pennsylvanie les “déchets de l’Amérique”. Pour les présidents George Washington et Thomas Jefferson, les membres des “classes sociales inférieures” étaient uniquement bons à être fantassins pendant la guerre d’Indépendance. Si les Anglais avaient expédié leurs indésirables outre-Atlantique, les premiers présidents des États-Unis ont encouragé les parias à poursuivre la route vers l’Ouest. Ceux qui sont partis dans le Sud sont devenus des “péteux” – un terme issu de l’argot signifiant “lâcher un vent” ou venant de la tendance de ces “bruyants vantards” à “lâcher des vannes”. Quoi qu’il en soit, ils n’étaient pas les bienvenus.  

Élite contre populistes

C’est seulement l’avènement d’Andrew Jackson qui a permis à ce groupe de peser sur les scrutins. Pour beaucoup, la véritable naissance de la démocratie américaine remonte à 1828, quand cet esclavagiste et héros de guerre a remporté l’élection présidentielle. John Quincy Adams, professeur à Harvard et fils du deuxième président des États-Unis, se moquait de ses diatribes mal dégrossies. Andrew Jackson a tourné ces critiques à son avantage en se présentant comme un “autodidacte” et un “natif”. Difficile de ne pas voir un parallèle avec la bataille qui fait rage aujourd’hui entre l’élite américaine formée dans les universités les plus prestigieuses et les populistes antisystème.

Mais les descendants des premiers colons

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Edward Luce
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