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Monde

L'étrange ONG américaine qui fait la chasse aux groupes français en Iran

UANI, pour United Against Nuclear Iran, inonde les groupes français de lettres de menace pour les dissuader de faire du business en Iran. Gros plan sur une ONG étrange, soutenue par des anciens de la CIA et du Mossad.
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L'ONG américaine UANI (United Against Nuclear Iran) multiplie les lettres de menaces contre les sociétés françaises en négociation avec l'Iran, comme Airbus.
L'ONG américaine UANI (United Against Nuclear Iran) multiplie les lettres de menaces contre les sociétés françaises en négociation avec l'Iran, comme Airbus.
( AFP PHOTO / POOL / STEPHANE DE SAKUTIN)

UANI, pour United Against Nuclear Iran. Ces quatre lettres sont devenues le cauchemar des groupes français présents en Iran. Cette ONG, dirigée par l’ancien ambassadeur américain à l’ONU Mark Wallace, s’est fait une spécialité de la traque des groupes occidentaux, particulièrement français, qui tentent une percée sur le gigantesque marché persan. Le procédé est simple et sans fioritures : "Ils épluchent les listes des membres des délégations du Medef envoyées à Téhéran, et inondent les sociétés de lettres de menaces", explique un des groupes français visés.  Dès février 2014, UANI sermonnait le patron d’Engie Gérard Mestrallet, dont les négociations en Iran étaient jugées "à la fois prématurées et malvenues". Quelques jours plus tard, c’est le patron de Veolia Antoine Frérot qui se voyait rappeler les "risques juridiques, financiers et de réputation" du business en Iran, dans une lettre quasiment identique.

UANI n’a pas relâché son effort depuis : le 21 juin dernier, elle appelait encore Airbus, Air France, Renault, Total, Engie, Vinci et CMA-CGM à renoncer à leurs contrats en négociation en Iran. "Il est quasiment impossible pour les sociétés étrangères de s’assurer que lorsqu’elles font des affaires en Iran, ils ne travaillent pas en fait avec le corps des gardiens de la révolution islamique [les Pasdaran], une organisation terroriste sanctionnée par la communauté internationale dont les tentacules s’étendent à toutes les industries-clés iraniennes, assurait ainsi le sénateur américain Joseph Lieberman, également président de l’ONG. Quand les bénéfices et les risques sont pesés objectivement, ça ne vaut simplement pas le coup."

Des anciens du Mossad au conseil de surveillance

Combat désintéressé ? Un coup d’œil à la liste des fondateurs et autres membres du conseil de surveillance d’UANI met en évidence des motivations moins nobles. On y trouve notamment l’ancien directeur de la CIA James Wollsey, l’ancienne conseillère à la Homeland Security américaine Frances Townsend et deux anciens patrons du Mossad, Tamir Pardo et le redoutable Meir Dagan (décédé en mars dernier), dont le mandat avait été marqué par l’assassinat ciblé de scientifiques iraniens. "Cette ONG est le faux nez des faucons américains et de leurs alliés de la ligne dure du Likoud israélien, assure un ponte français de l’intelligence économique dans une enquête sur l'Iran publiée par Challenges dans son édition du 25 août. C’est organisé par une vingtaine de types à peine, mais après le traumatisme de l’amende de BNP Paribas aux Etats-Unis, ça peut faire du dégât."

Joseph Lieberman démentait le 4 août dans Le Parisien que l’ONG soit une structure à la solde des intérêts économiques américains, et niait tout lien avec les services de renseignement. "Je démens catégoriquement tout lien avec la CIA, assurait -il. Nous pouvons donner l’impression de cibler les entreprises européennes, mais c’est faux. C’est juste que celles-ci sont historiquement plus implantées en Iran." Un simple examen du site Internet d’UANI montre pourtant qu’une campagne spécifique aux entreprises françaises est en cours. Les cibles ? Veolia, Engie, Alstom, Alcatel-Lucent, Peugeot, Renault, Safran, CMA-CGM ou encore Bureau Veritas. En mai 2014, l’ONG avait obtenu le scalp du champion français des câbles Nexans, qui avait annoncé l’arrêt pur et simple de ses activités iraniennes. Le lobby n’était pas non plus étranger à la pression exercée par General Motors sur son partenaire PSA en 2012, qui avait abouti au départ précipité du groupe français du pays.

Menaces sur le business aux Etats-Unis

Il faut dire qu’UANI sait dégainer les arguments qui font mal. Chaque lettre de menace intègre le montant du business réalisé par la société cible aux Etats-Unis. "Veolia a une présence énorme aux Etats-Unis et a bénéficié de contrats avec le gouvernement fédéral américain pour un total de 180 millions de dollars depuis 2000, écrivait ainsi Mark Wallace à Antoine Frérot en février 2014. UANI croit fermement qu’aucune société ne devrait bénéficier d’un accès à la première économie mondiale et au premier marché de consommation du monde tout en investissant en Iran." Une menace assortie d’un ultimatum : Wallace donnait une semaine seulement à Antoine Frérot pour lui répondre…

Depuis, l’ONG a su tisser sa toile. Elle a intégré à son conseil de surveillance Richard Dearlove, ancien patron du MI6, le renseignement extérieur britannique, l’ancien chancelier autrichien Wolfgang Schlüssel et l’ancienne ministre des affaires étrangères Ana Palacio. "C’est un instrument de guerre économique dont le département d’Etat américain a aidé l’essor, assure-t-on au sein d’une des sociétés françaises visées. Ce n’est pas très discret, mais ce n’est pas le but. La guerre économique n’est pas vraiment un sujet sur lequel les Américains se cachent."

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