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Trace fossile, Sud algérien. Banco de Imágenes Geológicas/Flickr, CC BY-NC-SA

Quelles espèces domineraient la Terre si les humains disparaissaient ?

Dans un futur post-Apocalypse où les humains auraient disparu, quelle forme de vie subsisterait encore ? L’homme, après tout, est vraisemblablement voué à être effacé pour de bon bien avant que le Soleil ne se transforme en une géante rouge, exterminant sur Terre tout ce qui est vivant.

En supposant que nous ne supprimions pas nous-mêmes toute autre espèce lors de notre disparition (un fait d’armes peu probable malgré notre remarquable tendance à l’extermination), l’histoire nous apprend ce qui se passerait : des changements plutôt fondamentaux interviendront quand, sur la planète, les humains ne seront plus l’espèce animale dominante.

Donc, si nous avions la possibilité de nous projeter dans l’avenir de notre Terre quelque cinquante millions d’années après notre disparition, que trouverions-nous ? Quel animal ou groupe d’animaux aurait pris le pouvoir en tant qu’espèce dominante ? Connaîtrions-nous une Planète des singes, comme la fiction populaire l’a imaginé ? Ou la domination des dauphins, ou des rats, ou des ours, ou des cafards, ou des porcs, ou des fourmis ?

La question a soulevé nombre de spéculations et beaucoup d’écrivains ont dressé leur propre liste de candidats. Avant de proposer notre hypothèse, nous devons toutefois expliquer soigneusement ce que nous voulons dire par espèce dominante.

Restons-en au règne animal

On pourrait argumenter que notre époque est celle des angiospermes (plantes à fleurs). Mais la plupart des gens n’imaginent pas l’Audrey Two de La petite boutique des horreurs lorsqu’ils envisagent la vie dans le futur (même les dragons imaginaires ont des caractéristiques animales, comme un comportement de prédateur ou la capacité à se mouvoir).

Créatures. Shutterstock

Alors, centrons la discussion sur les animaux. Pour des raisons pratiques plutôt que philosophiques : selon certains critères, le monde est toujours – et l’a toujours été – dominé par les bactéries, malgré la fin symbolique de l’« âge des microbes » il y a environ 1,2 milliard d’années. Non pas parce que les bactéries auraient cessé d’exister, ni parce que leur prédominance aurait diminué, mais plutôt parce que, dans notre myopie, nous sommes poussés à accorder davantage d’importance aux grands organismes multi cellulaires survenus ultérieurement.

Selon certaines recensions, 4 animaux sur 5 sont des nématodes (vers ronds). À partir de ces exemples, il est donc évident que ni la fréquence, ni l’abondance, ni la diversité ne sont des éléments requis en priorité pour être une forme « dominante » de vie. Au lieu de cela, nos imaginations sont séduites par des organismes importants et charismatiques.

Nous savons que nous ne saurons pas

Je pense que… tu seras… comme moi. Mirror by Shutterstock

Dans la façon de désigner quelle serait l’espèce dominante, il existe chez l’homme un indéniable degré de narcissisme, ainsi qu’une forte propension à accorder le titre à des proches parents. « La Planète des singes » imagine que nos parents primates les plus proches seront en mesure de parler et d’adopter notre technologie si, pour cela, nous leur accordons le temps et l’espace.

Mais des sociétés de primates non humains ont peu de chances d’hériter de notre domination sur la Terre, car les singes vont vraisemblablement disparaître avant nous. Nous sommes déjà les seuls hominidés vivants dont le statut d’espèce n’est pas menacé, voir menacé de façon critique. Et le genre de crise globale qui éteindrait notre espèce n’épargnerait vraisemblablement pas ce qui resterait des populations fragiles, comme celle des autres grands singes. En fait, toute extinction frappant les humains sera certainement encore plus dangereuse pour les organismes qui partagent nos conditions physiologiques de base.

Même si les humains succombent à une pandémie qui affecterait relativement peu d’autres mammifères, ce sont les grands singes qui forment justement les espèces le plus à même de contracter n’importe laquelle des nouvelles maladies qui nous auront fait disparaître de la surface terrestre.

Un autre parent plus lointain (primate, mammifère ou autre) va-t-il développer son intelligence et une société similaire à celle des humains ? Cela paraît également peu vraisemblable. De toutes les espèces animales ayant détenu la domination à une étape de l’histoire de la Terre, les humains possèdent le monopole d’une intelligence remarquable et d’une grande habilité manuelle. De telles caractéristiques ne constituent donc pas des conditions pour devenir dominant parmi les animaux, ni des traits susceptibles d’évoluer. L’évolution ne favorise pas l’intelligence pour l’intelligence, sauf si elle conduit à une plus importante capacité de survie et de reproduction. Par conséquent, c’est une grave erreur d’imaginer que nos successeurs seraient des créatures spécialement intelligentes ou socialement douées. Ni qu’elles maîtriseront leur langage et seront expertes en technologie humaine.

Alors, quelle hypothèse pouvons-nous avancer avec certitude sur qui constituera l’espèce dominante dans 50 millions d’années après l’humanité ? La réponse est à la fois insatisfaisante et enthousiasmante. Nous pouvons être à peu près sûrs qu’il ne s’agira pas d’un chimpanzé doué de la parole ; hormis cela nous n’avons aucune idée de ce à quoi cette espèce pourra ressembler.

Le monde a vu défiler nombre d’extinctions de masse. La diversification de la vie suivant chacun de ces événements a été relativement rapide. Et la « radiation adaptative » de chaque nouvelle espèce a engendré des formes inédites dont beaucoup d’entre elles, différant des lignées ancestrales, se sont multipliées après avoir survécu à une précédente extinction. Les petites créatures à l’allure de musaraigne qui se faufilaient sous les pattes de dinosaures, vers la fin du Crétacé, différaient beaucoup des ours des cavernes, des mastodontes et des baleines, tous constituant leur descendance à l’âge des mammifères. Le même phénomène concerne les reptiles ayant survécu, il y a quelque 250 millions d’années, à l’extinction survenue à la fin du Permien et qui avait anéanti 90 % de la faune maritime et 70 % des espèces terrestres : eux non plus ne laissaient prévoir en rien leurs descendants, c’est-à-dire les ptérosaures, les dinosaures, les mammifères et les oiseaux.

Dans La vie est belle : les surprises de l’évolution, Stephen J. Gould, disparu depuis, avait fait valoir que le hasard, ou la contingence comme il l’appelait, a joué un grand rôle pendant les transitions majeures de la vie animale. On peut discuter de l’importance relative du fortuit dans l’histoire de la vie, et cela reste toujours un sujet controversé. Cependant, quand Gould affirme que nous sommes peu capables de prédire le succès évolutif des lignées actuelles au-delà d’une extinction à venir, il nous donne une leçon d’humilité face à la complexité des transitions dans l’évolution.

Alors que la possibilité existe, comme beaucoup en ont émis l’hypothèse, que les fourmis nous arrachent le contrôle de la Terre, nous ne pouvons qu’imaginer de quoi les descendants de ces fourmis dominantes auront l’air.

This article was originally published in English

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