J’ai eu mes premières règles à 11 ans. Je savais ce qui se passait grâce aux cours de sciences à l’école et je m’y attendais. Mais je me souviens également avoir été envahie par un fort sentiment de honte dont je ne m’expliquais pas la cause. J’ai dissimulé l’événement à ma mère en utilisant d’énormes quantités de papier-toilette, jusqu’au moment où cela n’a plus été possible.
Environ un an plus tard, je rentrais de l’école à pied avec un copain lorsqu’il a commencé à se moquer de moi. Il hurlait carrément de rire. Il pointait le doigt vers mon short de sport blanc où s’étalait une grosse tache rouge. A nouveau, mon émotion dominante a été la honte.

Beaucoup de femmes sont dans le même cas

Il y a deux ans environ, une chose similaire m’est arrivée dans un restaurant. Une dame s’est précipitée vers moi pour me dire que j’avais eu “un accident”. Elle a indiqué mon short, et j’ai ressenti la même chose. Je ne pouvais pas traiter cet incident comme n’importe quel autre, comme si j’avais taché ma robe avec de la nourriture ou du vin rouge.

Je suis aujourd’hui une femme de 31 ans et je continue à éprouver la honte associée aux menstruations. Je sais que beaucoup de femmes sont dans le même cas.

Element inconnu

Au Botswana, où j’ai grandi, le sujet des règles a toujours été évoqué à voix basse. Les femmes plus âgées le traitaient comme un secret, une chose dont on ne devait parler qu’avec d’autres femmes. Les femmes chuchotaient lorsqu’elles abordaient la question et les hommes l’évitaient. Nous les appelions “tante Flo” ou “le visiteur” ou autre chose, l’important étant de ne pas les appeler par leur nom. Entendre quelqu’un prononcer le mot “règles” provoquait de l’embarras.

Croyances culturelles négatives

La stigmatisation des règles laisse peu de place au dialogue. Il serait pourtant bon qu’il y en ait un. Pourquoi l’hygiène féminine ne serait-elle pas prise autant au sérieux que les autres questions de santé ? Les attitudes culturelles rendent difficile de demander aux décideurs politiques, par exemple, la gratuité des serviettes hygiéniques. Comment exiger une telle chose lorsque la culture dans laquelle on vit interdit aux filles et aux femmes qui ont leurs règles de cuisiner, de prier et dans certains cas d’aller à l’école ? Dès leur plus jeune âge, les filles sont exposées à un message négatif sur leur corps.
Le principal obstacle à la gratuité des produits d’hygiène menstruelle est le fait qu’on ne parle pas ouvertement des règles et que, lorsqu’on le fait, c’est sous l’influence de croyances culturelles négatives.

Pour surmonter cela, nous devons arrêter de stigmatiser les menstruations. Nous devons apprendre aux garçons et aux hommes l’importance d’un dialogue libre sur le sujet. En Afrique, les hommes sont beaucoup plus nombreux que les femmes dans les gouvernements et à la tête des entreprises. Il est impératif d’admettre que la santé menstruelle n’est pas un “problème de femmes”, mais qu’elle concerne tout le monde : les femmes ne peuvent pas développer l’Afrique si leur santé menstruelle ne reçoit pas la considération qui lui est due.
Certains gouvernements ont fait des progrès notables. Le Kenya a par exemple diminué les taxes à l’importation sur les produits d’hygiène féminine en 2011, ce qui a fait baisser leur prix de 18 % [ils avaient déjà été exonérés de la taxe sur les ventes en 2004].

Mais il reste encore beaucoup à faire. Donner une priorité élevée à la santé des femmes serait une bonne chose pour l’économie de l’Afrique. Toutes les filles et toutes les femmes doivent avoir accès aux produits d’hygiène féminine afin de pouvoir contribuer pleinement au développement national.