Emprisonner les fichés "S" : François Molins recadre sévèrement les candidats de droite
Pour le procureur de la République de Paris, cette demande est "absolument impossible" si l'on veut respecter l'état de Droit.
Par Les Echos
C'est un recadrage sévère. Le procureur de la République de Paris, François Molins a jugé dans une interview vendredi 2 septembre au Monde, l'idée "absolument impossible" de placer en rétention les individus fichés "S" ou celle de créer un parquet national spécial pour l'antiterrorisme.
Placer en rétention les individus fichés "S" (sûreté de l'Etat) par les services de renseignement, comme le préconisent certains à droite, et notamment Nicolas Sarkozy, n'est pas envisageable, estime-t-il dans les colonnes de nos confrères. "Il ne peut y avoir de détention préventive en dehors d'une procédure pénale. C'est le socle de l'état de Droit. On ne peut pas détenir quelqu'un avant qu'il ait commis une infraction", souligne-t-il.
"Je ne sais pas si cela relève de l'ignorance ou de la mauvaise foi !"
Depuis la vague d'attentats qui a touché la France, des voix s'élèvent aussi régulièrement pour réclamer la création d'un parquet national spécial pour les affaires de terrorisme. Les députés Les Républicains (LR) Eric Ciotti, Laurent Wauquiez ou encore David Douillet se sont illustrés cet été par des affirmations allant à l'encontre de l'état de Droit pour combattre le terrorisme.
"Je ne sais pas si cela relève de l'ignorance ou de la mauvaise foi !", réagit le procureur de Paris, en soulignant que "depuis trente ans, la justice antiterroriste fonctionne de manière centralisée et spécialisée", avec une section dédiée au sein du parquet de Paris, des juges d'instruction spécialisés, et la 16e chambre correctionnelle ou la cour d'assises spéciale, qui "a son propre fonctionnement, sans jury" populaire.
Des moyens judiciaires en augmentation
"De plus, le fait que la section antiterroriste soit aujourd'hui au sein du parquet de Paris, sous la direction d'un procureur unique, offre une souplesse en période de crise qu'aucun autre système ne permettrait", estime François Molins. "Les effectifs de la section antiterroriste ont été portés à treize magistrats, contre sept avant les attentats de janvier 2015, et nous disposons d'une liste de 61 magistrats mobilisables à tout instant" en cas de crise, ajoute-t-il.
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Même scepticisme quant à l'idée d'une "cour de sûreté antiterroriste", émise par l'ex-président Nicolas Sarkozy, candidat à la primaire du parti Les Républicains (LR) pour la présidentielle. "Créer une cour de sûreté pour appliquer une justice spéciale avec par exemple des règles différentes en matière de présomption d'innocence serait contraire aux principes de la Convention européenne des droits de l'Homme", explique-t-il.
Une politique pénale durcie "considérablement"
Le procureur rappelle que son parquet a décidé "un durcissement considérable de sa politique pénale en criminalisant des dossiers correctionnels". "On utilisait jusqu'ici la qualification criminelle en cas d'exactions", mais "nous considérons désormais comme participant à une association de malfaiteurs criminelle toutes les personnes parties sur zone (irako-syrienne, ndlr) depuis janvier 2015 ayant participé à des combats, des patrouilles ou à la police islamique avec l'EI ou le Front Al-Nosra, devenu Fatah Al-Sham", explique-t-il.
Le procureur de la République a par ailleurs estimé que l'affaiblissement de l'EI en Syrie et en Irak renforce le risque de nouveaux attentats en France. "On voit bien dans l'histoire du terrorisme que quand les organisations terroristes sont en difficulté sur zone, elles recherchent l'occasion de commettre des attaques à l'extérieur", décrit-il.
La menace du retour
Le deuxième facteur inquiétant tient à ce qu'on pourrait appeler la menace du retour : on sera à un moment ou à un autre confronté au retour d'un grand nombre de combattants français et de leurs familles", ajoute-t-il. A l'heure actuelle, quelque 2.000 Français ont rejoint les rangs djihadistes, sont en transit ou souhaitent se rendre en Syrie, selon le procureur de Paris. Sept cents sont "sur zone".
Au total, 982 personnes font ou ont fait l'objet d'enquêtes judiciaires pour du terrorisme islamiste : 280 sont aujourd'hui mis en examen, dont 167 sont en détention, et 577 font l'objet d'un mandat de recherche ou d'un mandat d'arrêt.
Source AFP, Reuters