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L'alimentation n'est pas la seule cause de l'obésité

Soda, hamburger et frites
Pour le professeur Oppert, la nourriture dense en énergie n'est qu'un des facteurs qui favorisent l'obésité. © GUILLAUME / BSIP / AFP
Interview Adrien Gaboulaud , Mis à jour le

Le professeur Jean-Michel Oppert, chef du service de nutrition de l’hôpital Pitié-Salpétrière AP-HP, a répondu aux questions de Paris Match après la publication d'une étude parue dans «The Lancet» sur l'obésité au niveau mondial.

Paris Match. Une étude de «The Lancet » indique que la prévalence de l’obésité en France était de 21,9% pour les femmes et de 22% pour les hommes. Jugez-vous ces chiffres réalistes?
Jean-Michel Oppert. Les données de l’article de «The Lancet» ne me choquent pas. La hausse de la prévalence est particulièrement bien documentée par d'autres enquêtes, notamment Obépi, qui est menée depuis 1997 [PDF] tous les trois ans sur un échantillon de 20 000 foyers. On y remarque que l’obésité la plus sévère est passée en France de 0,3% en 1997 à 1,2% en 2012. Cela représente 400% d’augmentation, c’est très important. Ce sont les catégories les plus extrêmes qui augmentent le plus. Au total, selon cette enquête Obépi, la prévalence de l’obésité en France était de 7,5% en 1997 et de 15% en 2012. D’autres données, comme celles de la World Obesity Federation , évoquent un taux de 17,6% pour les femmes en 2006-2007.

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A lire: Notre infographie interactive sur l'obésité

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L’indice de masse corporelle (IMC) augmente de manière globale, selon «The Lancet».
L’IMC permet de mieux comprendre l'évolution de l’ensemble de la population. Il ne faut pas se focaliser sur le seuil d’obésité (IMC supérieur à 30), le surpoids augmente également (IMC supérieur à 25). 

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L'OMS cite la baisse de l’activité physique et l’augmentation de la consommation d’aliments riches parmi les principales causes de l’obésité. Qu'en pensez-vous?
Bien sûr, l’activité physique et une alimentation trop dense en énergie contribuent à l’obésité, mais sous l’influence de très nombreux autres facteurs. Le facteur économique est majeur, tout comme le facteur psychologique. On découvre aussi beaucoup de choses sur le plan biologique: par exemple, comment la flore bactérienne intestinale peut favoriser l’obésité (microbiote). Et l’augmentation du niveau de vie d’une société peut aussi s’accompagner d’une hausse de la prévalence de l’obésité, comme en Chine.

Vous soulignez que l’obésité est due à plusieurs facteurs. Dans quelle mesure cela complique-t-il la prise en charge médicale?
La prise en charge nécessite l'intervention de plusieurs professions. On va devoir s’intéresser à la situation médicale, sociale, psychologique, à l’alimentation et à l’activité physique. On prend en compte tous ces aspects pour définir avec un patient un projet de prise en charge. C’est une médecine globale. Pour les cas les plus sévères, qui sont ceux que l’on rencontre dans un cadre hospitalier, il faut faire appel à une équipe qui associe médecins, diététiciens, éducateurs sportifs, psychologues, assistantes sociales… 

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Dans les pays pauvres, obésité et malnutrition peuvent coexister

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Toutes les catégories sociales sont-elles touchées de la même manière par l’obésité?
Dans les pays développés, l’obésité est beaucoup plus fréquente dans les catégories socio-économiquement défavorisées. L’enquête Obépi de 2012 montre que la prévalence est multipliée par trois entre les niveaux de revenus les plus faibles et les plus élevés. Dans les pays en développement, en revanche, ce sont les catégories favorisées qui souffrent d’obésité. Le sous-poids et la malnutrition demeurent très importants dans les régions les plus pauvres où obésité et malnutrition peuvent coexister. 


Comment expliquez-vous que, dans beaucoup de pays, les femmes concernées par l’obésité sont plus nombreuses que les hommes?
On ne l’explique pas très bien. Il y a des influences hormonales et des différences aussi entre sexes dans la physiologie des tissus adipeux. Il faut se rappeler que l’IMC est un paramètre très global. L’excès de poids se dépose chez les hommes plutôt au niveau abdominal, chez les femmes c’est plutôt sur les cuisses ou la partie inférieure du corps. 

Pourquoi parle-t-on d’épidémie d’obésité?
C’est normalement un terme réservé aux maladies infectieuses. C’est l’OMS qui a qualifié l’obésité d’épidémie non-infectieuse, en 1997. Il y a eu une prise de conscience généralisée de la très forte progression de l’obésité dans de très nombreux pays. C’est pour cela que le parallèle avec une épidémie a été fait.

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La situation des Etats-Unis est préoccupante

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Les Etats-Unis sont un pays où la prévalence de l’obésité est particulièrement forte. Ce pays est-il un exemple à ne pas suivre?
Plus d’un Américain sur trois est obèse, avec de très fortes disparités en fonction de l’origine ethnique et des catégories socio-économiques. La situation des Etats-Unis est préoccupante. On peut se demander si en Europe, la plus faible prévalence de l’obésité n’est pas due aux différences qui existent entre notre mode de vie et celui des Américains. Reste qu’en France, la prévalence a doublé ces dernières années. 

Pensez-vous que les pouvoirs publics français agissent suffisamment pour combattre cette maladie?
La France a développé depuis le début des années 2000 un plan national nutrition santé et un plan obésité. Il s’agit d’actions coordonnées, poursuivies dans le temps et de rayonnement national. Le programme français est très cohérent et pérenne, il faut le dire. 

Dans la lutte contre l’obésité, quelles sont les priorités?
Il faut accélérer la formation des personnels de santé et améliorer la lisibilité pour les patients, afin qu’ils sachent à qui s’adresser.

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