Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?
Offrir Le Monde

Le gorille oriental, le plus grand primate du monde, en « danger critique d’extinction »

L’Union internationale pour la conservation de la nature publie, dimanche, l’actualisation de sa fameuse liste rouge des espèces menacées. L’extinction des espèces végétales  et animales est particulièrement massive dans les îles.

Par  (Honolulu (Hawaï), envoyée spéciale)

Publié le 04 septembre 2016 à 21h08, modifié le 05 septembre 2016 à 17h30

Temps de Lecture 5 min.

La faune et la flore disparaissent inexorablement de la planète. « Nous les perdons à un rythme inédit », assure Jane Smart, directrice de la conservation au sein de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

Celle-ci a publié, dimanche 4 septembre, l’actualisation de sa fameuse liste rouge des espèces menacées, et le constat est très inquiétant. Sur les 82 954 espèces animales et végétales prises en compte, 23 928 (29 %) sont qualifiées de « menacées », dont 5 107 sont en « danger critique », 7 602 « en danger » et 11 219 sont considérées comme « vulnérables ».

Cet inventaire a été réalisé par ce vaste réseau de protection de l’environnement auquel collaborent environ 10 000 experts internationaux et auquel adhèrent ONG et gouvernements. La dernière actualisation générale de la liste rouge datait de 2009.

« Pour effectuer nos mises à jour, nous nous appuyons sur trois générations d’animaux, ou bien sur des évolutions observées pendant un laps de temps d’au moins dix ans pour ceux qui se reproduisent assez vite, comme certains poissons, explique Jean-François Vié, directeur adjoint du programme global de sauvegarde des espèces à l’UICN. Une espèce est appelée vulnérable lorsque nous observons 30 % d’effectifs en moins. »

Espèces invasives

Le diagnostic rendu public à l’occasion du congrès mondial que l’UICN organise tous les quatre ans – cette année à Honolulu (Hawaï), jusqu’au 10 septembre – indique que, depuis le XVIe siècle, 855 espèces ont disparu ; 68 n’existent plus hors d’une structure de conservation, dans un parc ou un jardin botanique. « Il est possible de maintenir des animaux en vie dans un lieu protégé puis de les relâcher un jour… à condition qu’il existe encore un biotope pour les accueillir », note Joe Walston, l’un des responsables de la Wildlife Conservation Society, une ONG environnementale américaine.

Néanmoins, au fond des mers, dans les forêts, les rivières, les savanes, le patrimoine naturel s’affaiblit, des populations disparaissent tandis que quelques autres envahissent leurs espaces. Et les îles sont les plus touchées par ce phénomène. L’UICN ayant donné rendez-vous au milieu du Pacifique à 8 300 délégués venus de plus de 180 pays, l’organisation a tenu à souligner l’extrême vulnérabilité de ces écosystèmes.

L’archipel américain subit de multiples atteintes dues à l’introduction volontaire ou non de cochons, de chèvres, de rats, de limaces et de nombreuses plantes qui détruisent sa flore endémique. Sur 415 de ces végétaux répertoriés, la grande majorité est menacée d’extinction, quatre d’entre eux n’existent plus dans la nature, tandis que trente-huit ont totalement disparu.

Une plante haha (Cyanea koolauensis), à Hawaï. Les îles sont particulièrement affectées par l’érosion du patrimoine due à l’envahissement d’espèces.

Perte d’habitat

« Prédateurs, champignons, insectes : on peut considérer que 80 % des espèces envahissantes entrées sur le sol américain se trouvent dans cet archipel », résume Piero Genovesi, du groupe spécialisé sur les espèces invasives au sein de l’UICN.

Newsletter
« Chaleur humaine »
Comment faire face au défi climatique ? Chaque semaine, nos meilleurs articles sur le sujet
S’inscrire

Ce phénomène constitue la cause principale de l’érosion du patrimoine vivant dans l’ensemble des îles ; dans le reste du monde, il en est le deuxième facteur, indiquent les experts qui collaborent à la liste rouge. L’envahissement est associé à une disparition sur deux au cours des quatre derniers siècles, et il en serait le responsable unique dans un cas sur cinq, selon M. Genovesi. « A Hawaï, par exemple, le paludisme aviaire apporté par un moustique au XIXe siècle a causé la perte de la moitié des oiseaux en un siècle », rappelle-t-il.

Aucune région n’échappe plus au déclin, car le patrimoine vivant est désormais majoritairement victime de la perte d’habitats naturels. Les espèces ne résistent pas à la dégradation générale de leur environnement – réduit, fragmenté, pollué ou carrément détruit. Le réchauffement climatique accentue la pression avec son lot de sécheresses et de tempêtes ; la chasse et la pêche ajoutent à l’hécatombe.

Et tout ce que l’humain convoite : peau, viande, corne, défenses, griffes, fourrure, place irrémédiablement leurs propriétaires sur la liste des espèces « vulnérables », « en danger » ou, pis, les conduit à rejoindre la catégorie « en danger critique d’extinction ».

Le plus grand primate en danger

Tel est le sort du gorille oriental (Gorilla beringei), le plus grand primate existant, qui vit notamment en République démocratique du Congo. Ses effectifs se sont réduits de 70 % en vingt ans, du fait de la chasse illégale. Le gorille Grauer, l’une des deux sous-espèces de cette région, a même perdu 77 % de sa population depuis 1994. Au total, quatre des six espèces de grands singes sont maintenant en « danger critique », à un pas de l’extinction.

Un gorille oriental.

Une famille de tortues endémiques du Brésil (Mesoclemmys hogei) suit la même pente. Dix de ses dix-huit sous-populations se sont évanouies au cours des quarante dernières années. Elles habitaient notamment l’Etat de Rio de Janeiro avant que la destruction de leur biotope ne cause leur perte.

Le tableau est si sombre que l’UICN prend soin de mettre en avant les espèces dont la situation s’améliore. Ses experts veulent montrer que de sérieuses mesures de protection peuvent permettre d’enrayer le déclin. Ainsi, l’antilope du Tibet se rétablit : elle est à présent « quasi menacée ». Un vrai progrès pour celle qui était tuée pour sa laine shahtoosh si fine et si chère.

Plus emblématique encore, le panda géant prospère ou presque : il rejoint les animaux « vulnérables », et non plus « en danger », grâce à la volonté de l’Etat chinois. Las, l’ursidé va devoir affronter la réduction des bambous qui l’abritent, car le réchauffement devrait les faire régresser de 35 % d’ici à la fin du siècle. Autant dire que tous les gains récents seront perdus.

Le panda géant est passé de la catégorie « en danger » à la catégorie « vulnérable ».

Les experts alertent aussi sur le cas d’un gecko de Malaisie (Cyrtodactylus hidupselamanya). Il n’est pas totalement en état critique, mais cela devrait arriver dans les cinq ans avec l’extraction du calcaire sur lequel il vit. Autres nouveaux venus : la chauve-souris géante (Nyctalus lasiopterus) présente en Europe et en Afrique du Nord, qui manque de vieux arbres pour se loger. Ou encore le desman de Moscovie (Desmana moschata), un petit mammifère semi-aquatique, cousin de la taupe, victime de pêches musclées en Russie et en Ukraine.

Le koala d’Australie en danger

Enfin, en Australie, le koala fait lui aussi désormais partie de la grande famille des mal portants. Sa situation inquiète le grand public. Une enquête parlementaire a été commandée sur l’inefficacité des mesures mises en œuvre pour sa conservation. Les effectifs d’un autre petit marsupial endémique, l’antechine fauve (Antechinus bellus), qui vit dans le nord de l’Australie, ont chuté de plus de 30 % en moins de dix ans, sans émouvoir autant.

Pourtant, être classé ne serait-ce que parmi les espèces « quasi menacées » s’avère déjà de très mauvais augure, assure Jean-François Vié, de l’UICN. « Regardez les zèbres des plaines, autrefois communs en Afrique : ils ont diminué de 24 %, ce n’est pas rien ! », lance-t-il. La liste rouge de 2016 évalue leur population autour de 500 000 animaux, alors qu’elle était de 660 000 il y a quatorze ans. Cibles des chasseurs pour leur chair et leur peau, dans certains pays ces mammifères ne se rencontrent plus que dans les parcs protégés.

Et M. Vié d’enfoncer le clou : « Cette vague d’extinctions est un indicateur de la dégradation de notre planète. » Autrement dit, même les humains ne devraient pas tarder à s’en apercevoir.

  • Auparavant « en danger », le gorille de l’Est (Gorilla beringei), plus grand primate du monde, est aujourd’hui considéré « en danger critique ». Ce changement de situation est dû à un déclin de population de plus de 70 % en vingt ans. On estime aujourd’hui sa population à moins de 5 000 individus. Quatre des six espèces de grands singes sont maintenant classées en « danger critique », à un pas de l’extinction.

    Auparavant « en danger », le gorille de l’Est (Gorilla beringei), plus grand primate du monde, est aujourd’hui considéré « en danger critique ». Ce changement de situation est dû à un déclin de population de plus de 70 % en vingt ans. On estime aujourd’hui sa population à moins de 5 000 individus. Quatre des six espèces de grands singes sont maintenant classées en « danger critique », à un pas de l’extinction. UICN

  • Le zèbre des plaines (Equus quagga) fait partie de ces espèces nouvellement inscrites sur la liste rouge de l’UICN en passant de « préoccupation mineure » à « quasi menacée ».  Auparavant abondante et largement répartie, cette espèce a vu sa population diminuer de 24 % durant les quatorze dernières années. Aujourdhui, le zèbre des plaines est chassé pour sa viande et sa peau.

    Le zèbre des plaines (Equus quagga) fait partie de ces espèces nouvellement inscrites sur la liste rouge de l’UICN en passant de « préoccupation mineure » à « quasi menacée ».  Auparavant abondante et largement répartie, cette espèce a vu sa population diminuer de 24 % durant les quatorze dernières années. Aujourdhui, le zèbre des plaines est chassé pour sa viande et sa peau. UICN

  • Le statut du koala (Phascolarctos cinereus) a directement sauté deux paliers de la liste rouge en passant du stade de « préoccupation mineure » à celui de « vulnérable ». Cette espèce est menacée par la destruction de son habitat, les feux de forêt et les maladies. Et, malgré l’engouement public pour l’animal, une enquête récente a prouvé que les efforts de conservation étaient, pour l’instant, inefficaces.

    Le statut du koala (Phascolarctos cinereus) a directement sauté deux paliers de la liste rouge en passant du stade de « préoccupation mineure » à celui de « vulnérable ». Cette espèce est menacée par la destruction de son habitat, les feux de forêt et les maladies. Et, malgré l’engouement public pour l’animal, une enquête récente a prouvé que les efforts de conservation étaient, pour l’instant, inefficaces.

  • La tortue étoilée d’Inde (Geochelone elegans) est passée de « préoccupation mineure » à « vulnérable ». Le nombre d’individus de cette espèce reste relativement élevé selon les estimations de l’UICN. Cependant, à cause de son esthétique, cette tortue est de plus en plus achetée comme animal de compagnie. La récente explosion de la demande pour cette espèce a entraîné une surchasse dans sa région d’origine, en Asie du Sud.

    La tortue étoilée d’Inde (Geochelone elegans) est passée de « préoccupation mineure » à « vulnérable ». Le nombre d’individus de cette espèce reste relativement élevé selon les estimations de l’UICN. Cependant, à cause de son esthétique, cette tortue est de plus en plus achetée comme animal de compagnie. La récente explosion de la demande pour cette espèce a entraîné une surchasse dans sa région d’origine, en Asie du Sud. UICN

  • Comme le zèbre des plaines, le céphalope à bande dorsale (Cephalophus dorsalis) est également passé du statut de « préoccupation mineure » à celui de « quasi menacé ». Cette antilope africaine a pourtant vu sa population augmenter dans les zones protégées, mais le braconnage et la perte d’habitat ont empêché l’augmentation globale de l’espèce.

    Comme le zèbre des plaines, le céphalope à bande dorsale (Cephalophus dorsalis) est également passé du statut de « préoccupation mineure » à celui de « quasi menacé ». Cette antilope africaine a pourtant vu sa population augmenter dans les zones protégées, mais le braconnage et la perte d’habitat ont empêché l’augmentation globale de l’espèce. UICN

  • Avec un groupe de travail spécialisé dans la flore de l’archipel d’Hawaii, l’Union internationale pour la conservation de la nature s’est penchée cette année sur le cas des espèces endémiques hawaïennes. L’UICN rapporte que 87 % de ces espèces sont menacées d’extinction, touchées par les espèces invasives. C’est le cas de l’Ohe kiko’ola (Polyscias waimeae), endémique de l’île de Kauai.

    Avec un groupe de travail spécialisé dans la flore de l’archipel d’Hawaii, l’Union internationale pour la conservation de la nature s’est penchée cette année sur le cas des espèces endémiques hawaïennes. L’UICN rapporte que 87 % de ces espèces sont menacées d’extinction, touchées par les espèces invasives. C’est le cas de l’Ohe kiko’ola (Polyscias waimeae), endémique de l’île de Kauai. IUCN

  • Hibiscadelphus woodii est également une espèce endémique de l’île de Kauai, dans l’archipel d’Hawaï. Auparavant classée « en danger critique d’extinction », cette espèce, découverte en 1991, serait aujourd’hui éteinte, aucun spécimen vivant n’ayant été observé depuis 2011. Seuls quatre spécimens de cette plante avaient été recensés.

    Hibiscadelphus woodii est également une espèce endémique de l’île de Kauai, dans l’archipel d’Hawaï. Auparavant classée « en danger critique d’extinction », cette espèce, découverte en 1991, serait aujourd’hui éteinte, aucun spécimen vivant n’ayant été observé depuis 2011. Seuls quatre spécimens de cette plante avaient été recensés. IUCN

  • La palmier hawaiien (Brighamia insignis) auparavant classé « en danger critique » serait aujourd’hui « éteint au niveau sauvage ». Fortement touchée par les espèces invasives et les glissements de terrain, cette plante fait partie des trente-huit espèces sur la liste rouge de l’UICN dont la population serait inférieure à cinq individus. La dernière observation de cette espèce à l’état sauvage remonte à 2014.

    La palmier hawaiien (Brighamia insignis) auparavant classé « en danger critique » serait aujourd’hui « éteint au niveau sauvage ». Fortement touchée par les espèces invasives et les glissements de terrain, cette plante fait partie des trente-huit espèces sur la liste rouge de l’UICN dont la population serait inférieure à cinq individus. La dernière observation de cette espèce à l’état sauvage remonte à 2014. UICN

  • Au contraire, l’antilope du Tibet (Pantholops hodgsonii) a quitté la catégorie des espèces « en danger » d’extinction grâce à une augmentation de 60 % de sa population, même si elle reste « quasi menacée », selon la liste rouge. Victime du braconnage dans les années 1980-1990, cette espèce est aujourd’hui rigoureusement protégée et les mesures de conservation montrent des résultats positifs.

    Au contraire, l’antilope du Tibet (Pantholops hodgsonii) a quitté la catégorie des espèces « en danger » d’extinction grâce à une augmentation de 60 % de sa population, même si elle reste « quasi menacée », selon la liste rouge. Victime du braconnage dans les années 1980-1990, cette espèce est aujourd’hui rigoureusement protégée et les mesures de conservation montrent des résultats positifs. UICN

  • Bonne nouvelle pour le panda géant : considéré comme espèce « en danger » depuis plusieurs décennies, cet animal est aujourd’hui passé au statut de « vulnérable ». Selon le rapport de l’UICN, les efforts de conservation de la Chine ont porté leurs fruits et on compte aujourd’hui environ 2 060 pandas. La création de réserves naturelles, la sensibilisation des populations locales, ou encore les patrouilles antibraconnage ont permis d’arriver à ces résultats positifs. La menace qui pèse sur son habitat est cependant toujours présente.

    Bonne nouvelle pour le panda géant : considéré comme espèce « en danger » depuis plusieurs décennies, cet animal est aujourd’hui passé au statut de « vulnérable ». Selon le rapport de l’UICN, les efforts de conservation de la Chine ont porté leurs fruits et on compte aujourd’hui environ 2 060 pandas. La création de réserves naturelles, la sensibilisation des populations locales, ou encore les patrouilles antibraconnage ont permis d’arriver à ces résultats positifs. La menace qui pèse sur son habitat est cependant toujours présente. MARTHA DE JONG-LANTINK / IUCN

110

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.