Scandale des boues rouges : «Je ne lâcherai pas», assure Ségolène Royal

LE FAIT DU JOUR. Ségolène Royal a pris le contre-pied de Manuel Valls dans le dossier sensible des rejets toxiques en Méditerranée de l'usine de Gardanne.

 « Les substances toxiques qu’inhalent chaque jour les employés d’Alteo restent un tabou qui doit cesser avant que l’on se retrouve avec une catastrophe sanitaire sur les bras », estime Ségolène Royal.
 « Les substances toxiques qu’inhalent chaque jour les employés d’Alteo restent un tabou qui doit cesser avant que l’on se retrouve avec une catastrophe sanitaire sur les bras », estime Ségolène Royal. LP / Arnaud Journois

    Il en faut pour ébranler Ségolène Royal. Sur le dossier des boues rouges, Manuel Valls, qui a approuvé la prolongation de l'activité de l'usine Alteo de Gardanne, a recadré vendredi sa ministre. « Je gouverne, je décide, chacun doit être à sa tâche avec l'esprit et le sens du collectif. » Qu'importe, la ministre de l'Environnement ne se déjuge pas et nous rappelle que déverser des polluants dans les calanques n'est simplement « pas acceptable ». L'électron libre du gouvernement attend le résultat des dernières analyses pour remonter au créneau et accélérer la reconversion de l'usine de Gardanne.

    Vous vous opposez à la décision du Premier ministre d'autoriser le rejet de boues rouges toxiques dans la Méditerranée. Depuis, il vous a rappelé le respect de « l'esprit collectif »...

    SÉGOLÈNE ROYAL. Je maintiens ma position. Le préfet sur instruction du Premier ministre a autorisé en décembre la société Alteo à poursuivre ses déchets industriels au cœur des calanques pour six ans. Cette décision n'est à mes yeux pas acceptable. Il ne s'agit pas d'une parole polémique mais d'une parole légitime. Je suis dans mon rôle de ministre de l'Environnement qui s'appuie sur la vérité des faits. Je suis bien placée pour le savoir, je suis à l'origine des investigations chimiques qui ont montré en décembre que la pollution était au-dessus des seuils autorisés. Fin septembre se réunira le comité de suivi indépendant, nous verrons bien ce qu'il en ressortira. Je ne lâcherai pas ce dossier.

    Est-ce légal de déverser des déchets industriels dans les calanques ?

    Il s'agit d'une dérogation à la réglementation nationale. Or je souhaite que la loi s'applique pleinement. Alteo ne respecte pas les seuils de la pollution ni le principe pollueur-payeur, dont — et c'est proprement scandaleux — elle est exemptée. En effet, l'entreprise ne finance pas la dépollution des sous-sols marins, contaminés depuis cinquante ans, ou la dépollution des sols. Du ciel, on voit ces boues qui contiennent des métaux lourds stockées sur les terrains de l'entreprise. Les poussières qui s'envolent constituent un danger réel pour la santé des riverains comme des salariés. D'ailleurs, ces substances toxiques qu'inhalent chaque jour les employés d'Alteo restent un tabou qui doit cesser avant que l'on se retrouve avec une catastrophe sanitaire sur les bras.

    Faut-il alors cesser l'activité d'Alteo et mettre en danger l'emploi ?

    On ne doit pas opposer économie et écologie. L'urgence pour les centaines de salariés d'Alteo est de se préoccuper au plus vite d'une transition vers un secteur d'avenir. Pour ce faire, j'ai lancé en juin une mission sur les perspectives de reconversion de ce site et de son personnel. Ne nous trompons pas, c'est la pollution qui pèse sur l'emploi en détruisant pêche et tourisme. Il nous faut impérativement et vite stopper ce système où quelques-uns s'enrichissent aux dépens de tous les autres.

    La Méditerranée ne peut-elle pas « digérer » ces polluants ?

    Non, la Méditerranée est un espace fragile. Il s'agit certes de la mer la plus riche du monde avec 17 000 espèces recensées, mais trop longtemps elle a été considérée comme notre poubelle. Cela suffit ! J'ai d'ailleurs lancé en juin un plan Méditerranée pour la croissance bleue et le climat.

    Sur Notre-Dame-des-Landes non plus vous n'avez pas la même position que Manuel Valls...

    Sur Notre-Dame-des-Landes, j'ai déjà dit ce que j'avais à dire. J'aurais préféré une solution de compromis. Soit que l'on modernise l'actuel aéroport de Nantes, soit que l'on diminue la surface du projet. Ce n'est pas ce qui a été décidé. Mais sur beaucoup d'autres sujets, je me suis imposée. Comme la loi de transition énergétique, l'interdiction des néonicotinoïdes (NDLR : pesticides qui tuent les abeilles), etc. Ce week-end, la Chine et des Etats-Unis ont signé l'accord de la COP21, c'est une immense avancée pour limiter le réchauffement climatique. Ça n'est pas tombé tout seul, il a fallu travailler.

    QUESTION DU JOUR. Ségolène Royal est-elle une ministre de l'environnement efficace?