Tesson - Macron bouscule le confort médiocre des politiques

Emmanuel Macron joue sur une dynamique d'opinion, seul en face d'une meute de candidats qui jouent une dynamique de parti, analyse Philippe Tesson.

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En se référant à la gauche, Emmanuel Macron entre dans ce jeu infernal de guerre civile qui a trop longtemps pollué la vie politique française.  © AFP PHOTO

Temps de lecture : 3 min

L'avenir décidera du destin aujourd'hui encore incertain d'Emmanuel Macron. Mais dès à présent, celui-ci est entré dans l'histoire du siècle pour avoir bousculé le confort médiocre des acteurs de la vie politique en ébranlant par sa parole et son comportement les bases d'un système depuis trop longtemps pétrifié dans ses structures et ses modes de fonctionnement. Si Macron a aussi rapidement conquis une large partie de l'opinion, c'est qu'il répondait à une attente, toutes idéologies confondues. Le peuple sent confusément que le problème français est essentiellement celui de l'immobilisme, et il ne supporte plus que ses dirigeants, qui en sont conscients à en juger par leur obsessionnelle promesse de réforme, soient incapables d'inscrire leur intention dans les actes, par défaut de courage, de volonté et de résilience. Ce sont ces trois vertus que revendique Emmanuel Macron. Certes, tous l'ont fait avant lui. Mais lui le fait à un moment politique choisi – la crise de la gauche – doté d'un privilège particulier – la jeunesse et le talent –, et surtout d'un statut très enviable, la virginité.

C'est sur ce dernier point que le bât blesse. Cette virginité n'est que relative. Elle ne pouvait pas être absolue. On ne se présente pas à une élection présidentielle dans l'anonymat. Il fallait donc à Macron un passé assez crédible pour légitimer son accréditation, mais assez léger pour accréditer son indépendance. Il a facilement résolu ce dilemme. À une réserve près : c'est que s'il se présente, ce sera à l'en croire comme candidat de gauche. Ce faisant, il hypothèque sa volonté de rassemblement et il souscrit à une culture et à une tradition de clivage dont, par ailleurs, il dénonce les effets négatifs qu'elles ont eus sur l'exercice de notre démocratie.

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Proposition recevable dans les apparences

Certes, il tente de déjouer le piège en ajoutant qu'il n'est pas socialiste, pour bien montrer qu'il n'est pas inféodé à un parti. Et il est vrai qu'on peut se dire de gauche sans être socialiste, de même qu'on peut se dire socialiste sans être de gauche. Donc la proposition de Macron est recevable. Mais seulement dans les apparences. Par rapport au contenu historique et logique des appartenances, elle l'est beaucoup moins. Nous observons en effet qu'en certains domaines majeurs, il va contre les engagements traditionnels de la gauche et souscrit résolument à ceux de la droite. Que philosophiquement, que moralement, il se sente proche de la gauche, soit, c'est très respectable et il n'est pas le seul. Mais on est en politique, dans un domaine pratique, celui où se situent les électeurs, nonobstant les scrupules moraux et les convictions philosophiques de la plupart d'entre eux.

En se référant à la gauche, Macron entre dans ce jeu infernal de guerre civile qui a trop longtemps pollué la vie politique française. Et d'ailleurs, on assiste déjà aux effets néfastes du positionnement idéologique qu'il revendique. Dans la classe politique, déjà, on exploite son ambiguïté. Déjà la gauche le disqualifie. Et dans l'opinion, son langage provoque le trouble, alors que la clarté de ses analyses, l'intelligence des propositions encore timides qu'il énonce, la qualité de sa personnalité, son courage lui ont donné une image d'indépendance très positive, au-delà des identifications sommaires qui n'ont plus, aujourd'hui où tout est à refaire, qu'un sens relatif.

Dynamique d'opinion

Macron a des soutiens à droite, il a des soutiens à gauche, il a des soutiens au centre. Cette addition représente une force considérable dont il a l'ambition de faire une majorité. Il joue une dynamique d'opinion, seul en face d'une meute de candidats qui jouent une dynamique de parti et de sectarisme et demain d'alliance et de trahison. On souhaite qu'il reste pour l'instant ce qu'il est, ni à gauche ni à droite, les deux à la fois, tel qu'en lui-même, au-delà des mots qui vous identifient selon des critères devenus incertains. Et c'est sur son projet que l'on se prononcera le temps venu.

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Commentaires (37)

  • Grisonnant

    Par son intelligence, son indépendance de pensée, de parole et son apparente sincérité, Macron est le premier personnage politique me donnant envie de m'inscrire à un parti, si modeste soit-il.
    Je pense que cet homme, que beaucoup s'accordent à décrire comme brillant, est en train de raingardiser l'ensemble d'une sphère politique à bout de souffle et en total déphasage avec le monde moderne.
    En tout état de cause, il fait entendre une musique nouvelle fort séduisante.
    Rien que son analyse du caractère vain des traditionnels programmes de campagnes présidentielles vaut le détour. Emmanuel Macron me paraît avoir une vision claire et lucide de la France, replacée dans le reste du monde. Et là où il y a une volonté, il y a un chemin. Avec F. Fillon et parfois NKM, il est l'un des rares personnages politiques dont les analyses me semblent intéressantes et pertinentes. À suivre avec (grand) intérêt.

  • NAJIA.76

    Il y a deux ou trois semaines, interrogé au sujet de Mr Macron, Mr Attali a répondu qu'il était, pour l'instant, une bulle médiatique et qu'il faut qu'il creuse encore.
    Pour ma par, j'ai visité le site "en marche", il y a une devise développée "Travail, liberté et fidélité".
    Je suis comme la majorité des Français, j'attends ses propositions sur l'économie, mais aussi sur l'éducation, la formation professionnelle la laïcité, la sécurité, la défense et, par les temps qui court, la politique étrangère.

  • Nikolus

    Macron est un énarque qui joue la carte du "bousculeur" et du jeune énergique. C'est du vent. Son discours est celui d'un technocrate politicien qui veut se démarquer. Si ça l'amuse... Il trouvera bien des naïfs pour y croire. Les élus n'ont plus de réel pouvoir. C'est l'essentiel que l'on oublie...

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