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Analyse

Et si l'Italie redevenait le problème de l'Europe ?

Matteo Renzi a sans doute commis une erreur en liant son sort personnel au résultat du référendum sur la réforme institutionnelle, prévu cet automne. Ses adversaires y voient une chance inespérée de le renverser. Au risque de replonger l'Italie dans la tourmente.

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Par Olivier Tosseri

Publié le 5 sept. 2016 à 01:01Mis à jour le 6 août 2019 à 00:00

Si la rentrée de Matteo Renzi est entièrement dédiée au séisme qui a endeuillé l'Italie, le président du Conseil n'oublie pas les échéances politiques et économiques qui se profilent. C'est cet automne, en effet, que sera organisé un référendum sur la réforme institutionnelle, « la mère de toutes les batailles » pour le chef du gouvernement. Objectif affiché : rendre enfin gouvernable un pays qui a connu 63 gouvernements ces soixante-dix dernières années... et pourrait en connaître un 64e si les Italiens la rejettent ! Matteo Renzi a fait le choix de personnaliser cette consultation électorale, en promettant de démissionner et de se retirer de la vie politique en cas d'échec. Un simple référendum institutionnel s'est donc transformé en plébiscite sur l'action du président du Conseil, en poste depuis deux ans et demi. Une chance inespérée pour redonner vigueur et cohésion à des oppositions disparates, résolues à saisir cette opportunité d'envoyer Matteo Renzi « à la casse », pour reprendre le slogan qui avait fait son succès.

L'intéressé commence, semble-t-il, à le regretter : « J'ai eu tort de personnaliser cette question du référendum », a-t-il reconnu récemment, précisant finalement que, quelle que soit l'issue du scrutin, les prochaines élections générales en Italie auront lieu en 2018, à la fin de l'actuelle législature. Les accents gaulliens du début de l'année sont oubliés, sur les conseils de son « spin doctor » américain, Jim Messina, et sur les injonctions du président de la République, Sergio Mattarella. Tous deux suggèrent d'insister sur les mérites de la réforme, bien qu'imparfaite, et non sur son promoteur. Un meilleur système politique, avec une loi électorale introduisant un scrutin à deux tours à forte dose majoritaire et la fin du bicamérisme parfait. Des économies pour les finances publiques avec un Sénat réduit des deux tiers, dont les membres ne percevront pas d'indemnité. Une lutte plus efficace contre la bureaucratie avec une carte administrative simplifiée, et des rapports rééquilibrés entre l'Etat et les régions. En résumé, des institutions plus rationnelles pour faciliter la vie des citoyens, des entreprises et attirer les investisseurs étrangers.

Une rhétorique plus pertinente que les déclarations du type « après moi le déluge », qui n'ont en rien effrayé l'électorat italien... Au fil des mois, le scénario d'un « Rexit », aux conséquences chaotiques, a même fini par prendre de la consistance. Adversaires et partisans de la réforme sont aujourd'hui au coude-à-coude. Certains sondages donnent même les premiers gagnants. Le soutien de l'intelligentsia, des grands médias et du patronat ne suffit visiblement pas. Quant à Matteo Renzi, son image est écornée. A l'usure assez classique du pouvoir s'ajoutent les résultats fragiles obtenus sur le terrain économique, avec une croissance faible et de cuisants revers électoraux lors des municipales du printemps dernier.

Dédramatiser le référendum

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S'il s'efforce de dédramatiser l'issue du référendum, le président du Conseil n'en reste pas moins persuadé que sa défaite aurait des conséquences dramatiques. Lui qui était si pressé de se rendre aux urnes semble désormais retarder l'échéance, à tel point qu'aucune date n'est encore fixée. On ne parle plus d'un jour précis mais de semaines, sans cesse repoussées, d'octobre à novembre, voire au printemps prochain, à la suite du séisme survenu en Ombrie.

Il est vrai que la consultation arrive au pire moment pour l'exécutif. L'automne est la traditionnelle période d'élaboration et de vote du budget. Un exercice toujours délicat alors que la dette publique culmine à 132,7 % du PIB, soit plus de 2.200 milliards d'euros. Avec des estimations de croissance revues à la baisse par la Banque d'Italie, à moins de 1 % cette année, des négociations serrées avec Bruxelles pour plus de flexibilité sur les déficits et les dépenses imprévues liées au tremblement de terre, il faudra encore déployer cette année des trésors d'ingéniosité. En septembre sera également mis en place le plan de sauvetage de MPS, la troisième banque du pays, dont la faillite provoquerait d'importantes répercussions sur un secteur bancaire en crise, qui a perdu près des deux tiers de sa valeur depuis janvier dernier.

Dans ce contexte, l'instabilité politique qui naîtrait si Matteo Renzi perdait son pari anéantirait tout espoir de reprise économique et réactiverait la spéculation financière sur les marchés. L'arrêt des réformes structurelles lancées par le gouvernement provoquerait en outre une crise de confiance chez les investisseurs étrangers.

Des peurs exagérées ? C'est ce que prétendent les détracteurs de la réforme institutionnelle. Une certitude politique se dessine toutefois : celle d'une victoire possible du Mouvement cinq étoiles en cas d'élections anticipées. Son programme n'est qu'à l'état d'ébauche, mais il est à la fois favorisé par le nouveau mode de scrutin, par des citoyens définitivement désabusés vis-à-vis de la classe dirigeante et par une montée des eurosceptiques sensibles à ses charges contre la monnaie unique.

Longtemps, le président du conseil italien s'est plu à répéter que son pays n'était « plus le problème de l'Europe ». On ne peut plus exclure aujourd'hui, qu'il finisse par le redevenir...

Les points à retenir

Cet automne, doit être organisé en Italie un référendum sur la réforme institutionnelle, « la mère de toutes les batailles » pour Matteo Renzi.

Le président du Conseil a fait le choix de personnaliser cette consultation électorale, en promettant de démissionner en cas d'échec.

Une chance inespérée pour ses opposants, résolus à saisir cette opportunité pour le faire chuter.

Correspondant à Rome Olivier Tosseri

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