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Laurence Rossignol, la ministre des Droits des femmes, lance le 8 septembre 2016 une campagne de lutte contre les comportements sexistes en entreprise.

Getty Images/Andrew Bret Wallis

50% des femmes déclarent avoir changé leur façon de s'habiller pour éviter une remarque sexiste, et 40 % rapportent avoir un jour été victimes d'une humiliation ou d'une injustice liée à leur sexe, selon un sondage CSA relayé par la ministre des Droits des femmes. Laurence Rossignol lancera ce 8 septembre une campagne "culturelle" contre les stéréotypes avec le soutien d'associations et de personnalités.

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Ce sexisme ordinaire, Stéphanie en fait l'amère expérience dans une grande entreprise de conseil. "J'étais en apnée, je craignais toujours d'être jugée, je ne me suis jamais sentie à ma place", raconte-t-elle. Pendant cinq ans, la jeune femme, alors âgée d'une trentaine d'années, encaisse les réflexions machistes, les regards déplacés sur sa tenue qui deviendra de plus en plus austère dans l'espoir d'être davantage prise au sérieux, les reproches sur son travail à coups d'arguments sans rapport avec le registre professionnel.

Un sentiment de vide

"Les évaluations étaient menées par des hommes" reposaient sur des "données objectives". "Ils étaient très vigilants dans les écrits, mais lors des entretiens, on me reprochait par exemple d'être, en tant que femme, trop friable", se souvient la conseillère en management qui faisait partie des 10% de femmes cadres de l'entreprise.

"Les femmes avaient toutes la réputation d'être là pour d'autres raisons que leurs compétences", poursuit Stéphanie qui garde de cette période un sentiment de "vide". "Je doutais de mes compétences, je n'osais plus m'exprimer spontanément, j'essayais d'adopter des normes qui n'étaient pas les miennes, d'être plus froide afin de me fondre dans le décor. Je n'osais pas répondre et je le regrette", souffle Stéphanie qui attendra de changer de travail pour avoir des enfants.

Des stéréotypes...

La "tolérance au sexisme est sans commune mesure avec d'autres discriminations", résume Brigitte Grésy, secrétaire générale du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (CSEP). Le sexisme, "dénié y compris dans les mots", provoque "beaucoup de dégâts" chez les femmes en entamant la confiance qu'elles ont en elles, dit-elle.

"Jusque dans les années récentes on parlait de machisme, d'incivilité, d'attitudes inappropriées, de propos graveleux, de dragueurs un peu lourds or c'est du sexisme, mais on ne le disait pas", observe Brigitte Grésy.

Sous couvert de "bienveillance", les femmes victimes de stéréotypes (douces, compréhensives, souriantes...) apparemment positifs sont "ravalées à des rôles strictement déterminés qui se traduisent par des postes dans les ressources humaines, la communication... tandis que les hommes sont dans les domaines qu'on dit ''durs'': la stratégie, la finance...", analyse-t-elle.

... aux manoeuvres de déstabilisation

Si la France est l'un des pays où les femmes qui ont des enfants travaillent le plus, "elles sont toujours vues comme plus légitimes dans la sphère familiale que professionnelle", acquiesce Isabella Lenarduzzi, entrepreneure sociale et fondatrice de JUMP, organisation pour l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

Elle aussi a connu son lot d'humiliations. Furieuse contre un directeur de Chambre de commerce avec lequel elle est en désaccord sur un dossier, celui-ci lui répond "T'es énervée t'as tes règles". "J'étais déstabilisée, il m'avait atteint dans mon intimité", enrage l'entrepreneure.

"Coupables" dès qu'il y a un problème avec les enfants, les femmes sont très souvent celles qui s'arrêtent en cas de maladie ou de difficultés scolaires. Une culpabilisation qui les conduit à être "leurs propres geôlières" et à ne pas choisir le poste dont elles ont vraiment envie, estime Isabella Lenarduzzi.

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