Campagne contre le sexisme : Rossignol veut que «la honte change de camp»

LE FAIT DU JOUR. Et si on s'engageait tous contre le sexisme ? Une campagne débute ce jeudi contre ces humiliations du quotidien. Entretien avec Laurence Rossignol, ministre des Droits des femmes.

    La ministre des Droits des femmes nous dévoile en exclusivité la campagne qu'elle lance contre le sexisme, avec des associations et plusieurs personnalités.

    Comment est née cette campagne ?

    LAURENCE ROSSIGNOL. D'un constat. Nous avons tout l'arsenal législatif nécessaire depuis la loi Veil de 1975 sur l'avortement, et la dernière loi (NDLR  : pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes) date de 2014. Pourtant, les résultats ne sont pas au rendez-vous des ambitions, ni sur les inégalités salariales, qui demeurent importantes, ni sur les violences faites aux femmes, le harcèlement, ou l'image des femmes véhiculée par la publicité. Ça ne changera donc pas en faisant une nouvelle loi.

    Qu'est-ce qui bloque ?

    L'obstacle, c'est le sexisme, cet ensemble de stéréotypes qu'on véhicule sur les femmes. Ce sont les plaisanteries sur les blondes, les femmes au volant, notre inconscient collectif qui fait qu'on conditionne nos enfants dans le choix de leurs activités, leur orientation scolaire, qu'on répète à un petit garçon que les hommes ne pleurent pas. Des choses a priori banales. Nous devons engager une bataille culturelle. Cette campagne doit permettre de rendre visible ce qui est invisible, le sexisme au quotidien.

    Comment, concrètement ?

    Je dis aux femmes : vous n'êtes pas seules ! Ce qui permet souvent aux harceleurs de s'en sortir, c'est la peur qu'a leur victime de se retrouver isolée. Au bureau, l'employée qui va envoyer balader celui qui fait des vannes sexistes risque de ne plus être invitée au pot du vendredi parce qu'elle n'est « pas marrante ». Ça concerne toutes les femmes, quel que soit leur statut social. C'est celui qui harcèle qui ne doit plus être invité. La honte doit changer de camp !

    Quels outils proposez-vous ?

    D'abord un badge « Sexisme, pas notre genre ! », qu'on peut trouver sur le site du ministère ou auprès des associations, qui doit permettre de montrer que nous sommes nombreux à vouloir que ça change. Nous sommes soutenus par des parrains et marraines comme Zabou Breitman, Clovis Cornillac, François Cluzet, Valérie Damidot, Julie Gayet (lire ci-dessous), Sarah Ourahmoune, Audrey Pulvar ou Jean-Pierre Darroussin. C'est une campagne citoyenne, portée à égalité par des associations comme le Planning familial, Femmes solidaires ou Grandes Ecoles au féminin. Mais ça ne doit pas être qu'une affaire d'associations féministes. Les clubs de sport, associations culturelles ou familiales doivent s'en emparer. Nous allons faire remonter sur un site Internet tous les projets positifs, qui seront labellisés « Sexisme, pas notre genre ! ». Ça va du café qui garantit la mixité à des soirées d'entraide aux familles monoparentales. Enfin, nous allons proposer aux entreprises de signer une charte pour garantir à leurs employées un espace de travail protégé du sexisme.

    Le point noir reste l'inégalité salariale. Un homme gagne 20 % de plus en moyenne !

    Là encore, je dis aux femmes : osez ! Lors d'un entretien d'embauche, elles acceptent le salaire qu'on leur propose, alors que les hommes négocient. Les entreprises doivent aussi rompre avec la culture du présentéisme qui nuit gravement aux femmes, avec les fameuses réunions informelles de 19 heures ou 20 heures.

    Entre les affaires DSK et Denis Baupin, le monde politique n'est pas exemplaire...

    C'est vrai, mais le sexisme en politique est davantage montré. Cela peut aider les femmes qui le subissent dans le monde de l'entreprise à dire stop. Ça libère la parole.

    Le débat politique porte davantage sur l'intégrisme religieux, le burkini, le voile...

    Certes, mais l'immense majorité des femmes qui subissent le sexisme n'ont jamais croisé d'intégriste, ou d'ultra-religieux. Il ne s'agit pas de braquer les projecteurs sur les uns pour exonérer les autres.

    POUR ALLER PLUS LOIN
    >> La campagne contre le sexisme débute ce jeudi
    >> Interview de Julie Gayet, qui arbore déjà le badge
    >> Clovis Cornillac a «dit oui tout de suite»
    >> Elles n'osent toujours pas témoigner...

    40 % des femmes