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Libération
Edito

Ménard et la clochardisation du débat public

par Ramsès Kefi
publié le 7 septembre 2016 à 19h21

Depuis deux ans et des poussières qu'il est maire de Béziers, Robert Ménard dit n'importe quoi. Il a trouvé un créneau imparable : l'insulte à l'endroit des étrangers, des Français un peu trop bronzés pour ses critères et, bien sûr, des musulmans. Par les temps qui courent, cette niche-là - celle de la peur et de l'angoisse - assure une tribune de fait. Trop souvent, le journaliste appelle cela «dérapage» ou «provocation», ce qui atténue la portée dangereuse de la parole intrinsèquement raciste.

Non pas qu’il faille prêter à Ménard une influence exceptionnelle, mais il n’est jamais bon d’habituer et de trop exposer les yeux et les oreilles à ce genre de propos. A la longue, ça fait baisser le niveau d’exigence, à tel point qu’on finit par se résigner et trouver des bons côtés aux mauvais - les politiques en sont bien conscients et se sont adaptés en conséquence. Comme tout ce cirque dure depuis longtemps, la présidentielle à venir sera d’une tristesse absolue.

Voilà donc que le maire de Béziers nous explique pour la énième fois qu’il compte les élèves musulmans de sa ville et que le bronzé est un Français à part. Et ? Et rien du tout. Le vide, celui qui va toucher l’esprit étroit ou simplement à bout. D’où le questionnement à l’échelle journalistique : à quoi ça sert encore de relayer les délires de Ménard, si ce n’est à l’encourager à en fabriquer d’autres ? Si ce n’est à participer à la clochardisation du débat public, qui trop souvent, a des allures de discussions d’ivrognes ?

Rien à voir avec une quelconque censure, juste du bon sens : là, on parle de vide abyssal, sans idées ni arguments. Il ne fait ni gamberger ni débattre. Plus on continuera de le relayer, plus les lecteurs liront les canards comme des prospectus. Plus on le fait et moins on a la légitimité de dire ensuite que le climat est nauséabond puisqu’on aura participé au spectacle. Car Ménard ne fait pas de politique au sens propre. Il s’agite avec ses obsessions et puis voilà, un peu comme dans une télé-réalité sur NRJ 12. En mai, il avait organisé une sorte de colloque pour unifier les droites. Un énorme flop, qui aurait dû sonner la fin de la récré. En somme, il pèse que dalle et occupe un espace médiatique trop important, là où la majorité de ceux qui essayent encore de faire de la politique avec des idées neuves et intelligentes - quel que soit le bord dont elles proviennent - n’auront jamais droit à une brève.

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