Prince Buster, mort d'une légende du ska

Il avait influencé Madness, The Specials... Pionnier du ska, le Jamaïcain Prince Buster est mort à l'âge de 78 ans.

Par Frédéric Péguillan

Publié le 09 septembre 2016 à 12h58

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 03h00

Il s'était lui-même surnommé le « Roi du ska ». Un titre pas vraiment usurpé puisque ce fils d'un ouvrier des chemins de fer jamaïquains posa effectivement, au début des années 60, les jalons du genre qui affirmait l'identité musicale de l'île. De son vrai nom Cecil Bustamante Campbell, il adopta le pseudonyme de Prince Buster (« casseur ») en raison d'un caractère bien forgé et d'une tendance belliqueuse. Ainsi fut-il, à l'adolescence, chef de gang dans un quartier violent de Kingston avant de se mettre à la boxe. Une activité qui lui valut de se faire embaucher, en 1957, comme videur pour les soirées du sound system Downbeat, du producteur Sir « Coxsone » Dodd dont la rivalité avec le concurrent Duke Reid virait souvent au vinaigre.

Mais l'ambitieux et talentueux Buster, après avoir ouvert son magasin de disques, ne tarda pas à quitter son patron pour fonder sa propre discothèque mobile, Voice of the People. Comme ses confrères, il faisait la navette avec les Etats-Unis pour rapporter sur l'île moult disques de rhythm and blues et de jazz, et il finit par se lancer en enregistrant son premier titre, Oh Carolina, une reprise des Folkes Brothers que (re)popularisera Shaggy en 1993. Afin de produire ses disques et ceux de quelques autres (Derrick Morgan, Tommy McCook...), il créa plusieurs labels.

Mais Prince Buster fut surtout un des tout premiers artistes jamaïquains à partir en tournée en Grande-Bretagne, en 1963, décrochant par la même occasion un deal pour que ses disques y soient distribués. C'est ainsi que son hit Al Capone atteindra le Top 20 outre-Manche. Une première pour un artiste de l'île et le début d'une longue histoire avec l'Angleterre. Adulé par les mods des sixties, Prince Buster sera célébré sous toutes les coutures par la scène revival ska de la fin des années 70. Pour leur premier single, Gangsters, The Specials emprunteront les bruits de crissements de pneu et le riddim (qu'ils accélèreront) d'Al Capone. Ils reprendront ensuite Enjoy Yourself. Quant à Madness il se baptiseront carrément à partir d'une de ses chansons, se feront connaître par leur reprise de One Step Beyond... signé Prince Buster, et lui consacreront un morceau hommage : The Prince.

Prince Buster, de son côté, évoluera vers le rocksteady puis le reggae, avec un penchant pour les paroles crues, avant d'arrêter sa carrière d'interprète au début des années 70 pour se consacrer à ses magasins de disques, à la location de juke-box à travers les Antilles et à son travail de production. Big Youth, Dennis Brown, John Holt ou Alton Ellis, rien que des bons, passeront ainsi entre ses mains et son oreille experte.

Chrétien baptiste, le chanteur, déjà influencé par les black muslims, s'était converti à l'islam en 1965 après une rencontre avec Mohamed Ali, prenant le nom de Muhammed Yusef Ali, et fut l'un de ceux qui, en revendiquant haut et fort sa négritude et ses origines africaines, initia la culture rastafari en Jamaïque. 

De santé fragile ces dernières années, et victimes de plusieurs AVC, Prince Buster s'est éteint le 8 septembre à Miami où il était établi depuis de longues années. Il avait 78 ans.

 

Sur le même thème

Cher lecteur, chère lectrice, Nous travaillons sur une nouvelle interface de commentaires afin de vous offrir le plus grand confort pour dialoguer. Merci de votre patience.

Le magazine en format numérique

Lire le magazine

Les plus lus