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Uber perd des milliards de dollars, so what ?

Fin août, le géant américain Uber a fait le point avec ses investisseurs, à huis clos. Mais l’info a fuité… Selon Bloomberg, une perte de 1,2 milliard de dollars était au menu de ses derniers résultats semestriels. Un problème pour les investisseurs d’Uber ? Pas si sûr. On vous explique pourquoi.

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Comment l’entreprise parvient-elle à rester sexy auprès des investisseurs malgré des pertes colossales qui s’élèvent à 4 milliards de dollars depuis sa création en 2009 ? (Shutterstock)

Par Julia Lemarchand

Publié le 9 sept. 2016 à 16:43

“On est ici très loin du modèle bancaire classique avec un business model bien rodé, facile à cadrer. La prise de risque fait partie du quotidien des investisseurs privés et est acceptée dès le départ”, rappelle Alexandre Almajeanu,co-fondateur de LeLegaliste.fr, et investisseur dans des startups internet.

La prise de risque, c’est le métier des investisseurs !

Parmi les investisseurs les plus connus d’Uber figurent les fonds Lowercase Capital, Benchmark Capital, ou encore Google Ventures. De nouveaux investisseurs s’invitent régulièrement au capital du géant américain au gré des levées de fond. Le dernier en date, le fonds souverain saoudien, a misé 3,5 milliards de dollars dans Uber cet été.

Ce qui fait grimper sa valorisation encore et toujours, soit à un montant record de 68 milliards de dollars, qui fait d’elle la 1ère des licornes, ces entreprises non cotées valorisées à plus d’un milliard de dollars.

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Au total, ce sont 11 milliards collectés depuis ses débuts auprès d'investisseurs divers et variés, auxquels il faut ajouter quelques milliards de prêts plus classiques, soit 16 milliards en dette et en cash.

Un bon moyen de se financer, à défaut d’être rentable. Mais comment l’entreprise parvient-elle à rester sexy auprès des investisseurs malgré des pertes colossales qui s’élèvent à 4 milliards de dollars depuis sa création en 2009 ?

Un développement record

Aux yeux des investisseurs, Uber a démontré sa capacité à générer du revenu. Car si ses pertes s’accélèrent, les revenus, eux, progressent également. Le chiffre d’affaires a augmenté de 18% entre le premier et le deuxième trimestre 2016, à 1,1 milliard de dollars, selon Bloomberg.

Son développement a de quoi impressionner : en l’espace de 6 ans, le leader du marché des VTC a conquis près de 500 villes dans le monde.

Une stratégie de conquête

Pour Dominique Seguin, associé du cabinet de conseil et de formation Kestio, qui accompagne depuis 10 ans startups, ETI et grands comptes dans leur développement commercial, cette stratégie de conquête fait partie du business plan.

“Uber investit beaucoup et vite pour acquérir de nouveaux clients et s’arroger des parts de marché qu’il sera difficile de reprendre pour ses concurrents”, explique le consultant, également intervenant au MS Entrepreneur de l’ESCP. Une stratégie rendue possible par le fait qu’Uber n’a pas de coût marginal, autrement dit pas besoin d’actifs (d’acheter des voitures commes ses concurrents taxi) pour se développer.

Autant d’argent que la société peut mobiliser pour recruter de nouveaux clients au travers de nombreuses opérations marketing, et investir dans l’expérience client. Domaine dans lequel le leader des VTC excelle. “Uber est très fort en matière de fidélisation client. Le parcours client est séquencé et à chaque étape (commande, suivi de l’arrivée du chauffeur, arrivée de la voiture... jusqu’à l’envoi de la facture par mail), tout est tourné vers la satisfaction client”, détaille Dominique Seguin.

Selon ce dernier, le revenu potentiel généré par un client s’évalue sur 5 à 10 ans. Si le panier moyen d’un client Uber est de 50 euros par mois, celui-ci va ainsi rapporter jusqu'à 6.000 euros par exemple sur la période. Sans compter qu’il génère parallèlement de la recommandation dans son entourage, gratuitement.

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Ce business model nouvelle génération, façon “NATU” - Netflix, Airbnb, Tesla, et Uber, est centré sur la capacité à nouer un lien privilégié avec une multitude d’utilisateurs. Et c’est ce qui en fait sa richesse, conviennent les experts.

Une logique exploratoire

Une fois son énorme base de clients constituée (et grâce à ses 8 milliards de trésorerie, selon les calculs de Bloomberg), Uber peut se permettre d’explorer - pour l’instant le plus souvent à perte - de nouveaux (énormes) marchés pour ses clients : la livraison de colis, de repas, de courses… Et expérimenter de nouveaux modes de transports, le vélo, l’hélicoptère, le jet privé, le bateau (si, si) et bien sûr la voiture autonome.

Ce dernier pari est risqué, reconnaissent les experts, mais est devenu incontournable pour toute l’industrie, de surcroît pour Uber, dont les dépenses pour retenir ses chauffeurs expliqueraient la majorité de ses pertes au premier semestre. Le recrutement de chauffeurs est une bataille aussi féroce et coûteuse avec ses concurrents que le recrutement de nouveaux clients.

Des investisseurs patients, mais jusqu’à quand ?

Si Uber ne manque pas d’arguments pour amadouer les investisseurs, son business model n’est pas encore éprouvé. Au-delà des nombreux procès coûteux en avocats, Uber a aussi perdu sa première grande bataille cet été en Chine, où la société américaine a dû s’avouer vaincue face à son concurrent Didi Chuxing à qui elle a revendu ses activités chinoises, très consommatrices de cash...

Les investisseurs s’engagent généralement sur le long terme, 5 à 7 ans. Mais la pression monte sur Uber pour transformer l’essai. “Les investisseurs historiques aimeraient probablement diluer le risque avec une entrée en bourse, mais pour cela, il faut présenter des comptes plus proches de l’équilibre et démontrer qu’ils sont capables de générer de manière récurrente du cash flow”, estime Alexandre Almajeanu. Avec 8 milliards de cash disponible, Uber a probablement encore quelques années devant elle pour y parvenir....

Julia Lemarchand

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