Master : une réforme attendue depuis 2002
Aujourd’hui, pour 40% des masters, les universités peuvent sélectionner entre la première et la deuxième année.
C’est « un problème que la droite comme la gauche ont ignoré » depuis quatorze ans, regrette Jean Chambaz, le président de l’université Pierre-et-Marie-Curie (UPMC), qui dirige aussi la Coordination des universités de recherche intensive françaises (Curif). Il se réjouit de voir la réforme du master « resurgir », par le biais de négociations que mène le gouvernement depuis fin mai. A droite, l’UDI tentera d’occuper le terrain cette semaine, avec une proposition de loi du sénateur Jean-Léonce Dupont.
La France a fait évoluer son système d’enseignement supérieur autour du LMD (licence-master-doctorat), en 2002. Mais le master n’est jamais devenu le bloc de connaissances et de compétences prévu alors. Pis : il a été scindé en deux, avec une sélection entre la première et la seconde année de master.
Judiciarisation
Les universités se font condamner devant les tribunaux, par des étudiants qui multiplient les recours contre une sélection illégale. Un avocat spécialisé vient même de créer un site Web pour faciliter les démarches juridiques des étudiants. « On ne peut pas vivre sous la menace de la judiciarisation ! » s’agace le président d’une grande université. Le décret de mai 2016, pris après le coup de semonce du Conseil d’Etat, autorise les universités à sélectionner en toute légalité entre M1 et M2 pour certaines formations (40 % des masters). Mais il n’a « rien réglé », selon la Conférence des présidents d’université (CPU). Les recours continuent.
A quelques mois de l’élection présidentielle,sur laquelle elle entend recueillir « un consensus » alors que, à droite, « certaines propositions peuvent inquiéter », dit-elle. La ministre de l’Education évite de parler de « sélection », expliquant que sa réforme n’a pour objectif ni de trier ni de laisser sur le carreau les étudiants « recalés ».
Les deux piliers de sa réforme – recrutement à l’entrée en master et droit à la poursuite d’études – sont censés rassurer les universités, comme les organisations syndicales et étudiantes. Mais le diable se cachera dans les détails des textes.
Les différents acteurs ont une fenêtre de tir de quelques semaines s’ils veulent une loi d’ici à la fin du quinquennat. Ce ne sera pas simple. L’Unef, tancée par la Fage, est très prudente. Tandis que cette dernière, qui s’est beaucoup avancée sur le sujet, ne voudra pas prendre le risque d’un échec. La CPU affirme qu’elle a claqué la porte des négociations. Tout en disant à l’Unef qu’elle a « intérêt à trouver une solution aujourd’hui plutôt que demain si la droite est au pouvoir ». A la Curif, où l’on précise « n’avoir jamais menacé d’arrêter les discussions » – contrairement à la CPU –, on s’interroge sur la recherche à tout prix d’un consensus. « Quand on prend des responsabilités, ce n’est pas pour mettre d’accord tout le monde sur tout, conclut Jean Chambaz. Il faut avoir le courage de faire les réformes nécessaires. »