Michael Moore : Candide visite l'Europe

Le documentariste américain signe son grand retour et se met en scène dans la peau d'un envahisseur cocasse. Objectif : vanter les mérites de la vieille Europe et se moquer de son pays natal. Un film aussi réjouissant que caricatural.

Sept ans de réflexion... Depuis 2009 et son dernier film en date - le bien nommé « Capitalism : A Love Story » -, on était sans nouvelles de l'agitateur Michael Moore, documentariste américain qui n'aime rien tant qu'égratigner les contradictions et névroses de son pays natal.

Après avoir radiographié nerveusement l'amour de ses compatriotes pour les armes à feu (« Bowling for Columbine », 2002), après avoir taillé un costard king-size à George W. Bush et à sa politique (« Fahrenheit 9/11 », 2004, palme d'or à Cannes), le trublion, qui adore depuis toujours se mettre en scène dans la peau du justicier goguenard, nous revient avec un nouveau documentaire : « Where to Invade Next ». Un film où il reste fidèle à ses « fondamentaux » : critique tous azimuts des Etats-Unis, humour dévastateur, mauvais esprit et mauvaise foi assumés.

Europe : mon amour

Sans surprise, Michael Moore, dans son nouveau brûlot, fait du Michael Moore et filme avant tout... Michael Moore. Sa mission : envahir pacifiquement différents pays d'Europe, s'informer sur les meilleures pratiques politiques et sociales du Vieux Continent et importer ces dernières aux Etats-Unis, histoire que les enfants de l'Oncle Sam ne communient plus seulement sur l'autel de l'ultralibéralisme et de l'individualisme mortifère. Donald Trump appréciera !

Tout entier dédié à sa tâche, Moore voyage dans la peau d'un Candide de notre temps et invite à découvrir les mille et une merveilles de l'Europe contemporaine. En Italie, il rencontre des ouvriers ravis de partager leur temps de travail et des patrons heureux de contribuer au bien-être de leurs employés. Ne cherchons pas plus loin les raisons pour lesquelles les Italiennes sont si belles, nous raconte en substance Michael. En Finlande, Moore vante le système judiciaire et les prisons locales de « rêve » qui permettent aux condamnés de retrouver le droit chemin dans une société pacifiée. En Allemagne, il plébiscite le système éducatif. En Islande, le rôle des femmes en politique. En France, enfin, Moore s'incruste dans une cantine scolaire et déguste avec quelques marmots un menu que l'on croirait sorti des cuisines d'un grand chef. « Voilà pourquoi les Français sont si sveltes et les Américains si obèses », s'exclame-t-il !

On l'aura compris : le documentariste, dans ses habits d'impérialiste rigolard, n'y va pas avec le dos de la cuillère. Le cinéaste assume pleinement son manichéisme : « J'ai entrepris ce film et ce voyage pour cueillir des fleurs et pas des orties », dit-il.

Drôle, mais vain

Résultat : dans « Where to Invade Next », l'Europe apparaît comme une sorte de paradis sur Terre où n'existent ni chômage, ni exclus, ni extrême droite vociférante, ni terrorisme, ni rien qui pourrait déranger une démonstration destinée à souligner combien les Américains ont à apprendre de leurs cousins européens concernant la santé, l'éducation, les retraites, l'alimentation et, tout simplement, le bonheur. Pourquoi pas ?

Reste que ce manque de nuance affaiblit le propos du documentaire, ce qui pose évidemment problème. Un documentaire qui, au demeurant, ne manque pas d'atouts : en premier lieu son humour et son sens du spectacle. Comme quoi, qu'il le veuille ou non, Michael Moore est bel et bien un cinéaste américain.