Quelle différence entre un psychopathe et un pervers narcissique ?

Les deux expressions sont passées dans le langage courant et ont galvaudé leur véritable sens. Ces termes désignent pourtant des pathologies réelles.

Par Xanthe Mallett*, TheConversation.com

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Dans "Le Silence des agneaux", réalisé en 1991 par Jonathan Demme, Anthony Hopkins (au centre) campe un tueur en série "psychopathe" plus vrai que nature. © DR

Temps de lecture : 6 min

Psychopathes et pervers narcissiques (pour ce dernier qualificatif, les Anglo-Saxons préfèrent le mot « sociopathe ») sont des termes psychologiques populaires servant à décrire des monstres violents, nés de nos pires cauchemars. Pensez à Hannibal Lecter dans Le Silence des agneaux (1991), à Norman Bates dans Psychose (1960) et Annie Wilkes dans Misery (1990). En rendant célèbres ces personnages, la culture populaire a également gravé dans notre conscience collective les mots utilisés pour les représenter.

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La plupart d'entre nous, fort heureusement, ne vont jamais rencontrer un Hannibal Lecter, mais les psychopathes et les pervers narcissiques existent réellement. Et ils se cachent parmi nous. Parfois parmi les personnes ayant le mieux réussi dans la société parce qu'ils sont souvent impitoyables, durs et dotés d'un charme superficiel alors qu'ils sont dépourvus de toute considération envers les sentiments ou les besoins des autres.

« Maîtres » dans la manipulation

Ils sont connus comme des psychopathes « à succès » à cause de leur tendance à commettre des délits qu'ils ont prémédités en calculant les risques. Ou bien ils sont capables d'inciter quelqu'un d'autre à enfreindre la loi pendant qu'eux-mêmes se tiennent à distance, en toute sécurité. Ils sont passés maîtres dans la manipulation des sentiments d'autrui, tandis qu'eux-mêmes se montrent incapables d'éprouver des émotions. Cela vous rappelle-t-il une personne de votre connaissance ? Eh bien, nous y voilà : vous en connaissez un, au moins un. Le taux de prévalence se situerait entre 0,2 et 3,3 % de la population.

Si vous vous faites du souci en ce qui vous concerne, vous pouvez vous soumettre à un test pour obtenir la réponse. Mais, avant de cliquer sur ce lien, laissez-moi vous faire gagner du temps : vous n'êtes ni un psychopathe ni un pervers narcissique. Si vous en étiez un, vous n'auriez vraisemblablement pas envie de vous soumettre à ce test de personnalité. Vous ne seriez pas du tout conscient ou préoccupé par vos défauts individuels. C'est pourquoi aussi bien la psychopathie que la perversion narcissique sont répertoriées comme des désordres antisociaux de la personnalité qui sont des troubles mentaux de long terme.

Comment les distinguer ?

Psychopathes et pervers narcissiques partagent nombre de traits communs, y compris un manque de remords ou d'empathie envers autrui, une absence de culpabilité ou de capacité à assumer la responsabilité de leurs actions, un mépris des lois et des conventions sociales ainsi qu'un penchant pour la violence. Et aussi, pour l'une et l'autre catégorie, une caractéristique fondamentale : leur nature fourbe et manipulatrice. Mais comment peut-on les distinguer ?

Les pervers narcissiques sont en général moins stables sur le plan des émotions et davantage super-impulsifs. Leur conduite tend à être plus erratique que celle des psychopathes. En commettant des délits – violents ou non –, les pervers narcissiques agiront davantage par compulsion. Et ils manqueront de patience en se livrant plus facilement à une action impulsive, péchant ainsi par absence de préparation.

Les psychopathes, eux, vont planifier leur délit dans le moindre détail en prenant des risques calculés pour éviter d'être repérés. Les malins laisseront peu d'indices risquant de conduire à leur découverte. Les psychopathes ne se laissent pas emporter par le moment immédiat et, par conséquent, commettent peu de fautes.

Inné et acquis

Les deux catégories agissent selon un continuum de conduite et de nombreux psychologues débattent encore sur ce point : faut-il les distinguer l'une de l'autre ? Mais, pour ceux qui les différencient, un élément recueille une large unanimité : les psychiatres utilisent le terme « psychopathie » pour affirmer que l'hérédité est à l'origine de ce désordre antisocial de la personnalité. La perversion narcissique, elle, inclut des comportements qui peuvent résulter d'une atteinte cérébrale tout comme d'un abandon et/ou de sévices subis pendant l'enfance.

Les psychopathes sont nés psychopathes et les pervers narcissiques se sont fabriqués eux-mêmes. Par essence, leur différence reflète le débat entre l'inné et l'acquis. Il existe un lien particulièrement intéressant entre les tueurs en série et les psychopathes ou les pervers narcissiques – même si, bien sûr, les uns et les autres ne deviennent pas tous des tueurs en série. Pas plus que tous les tueurs en série ne sont psychopathes ou sociopathes.

Les leçons du FBI

Le Bureau fédéral américain d'investigation (FBI) a relevé certaines similitudes entre tueurs en série notoires et ces désordres antisociaux de la personnalité. À savoir une conduite prédatrice (ainsi Ivan Milat qui a pourchassé et assassiné sept victimes) ; ou bien une recherche de sensations (pensez à des tueurs hédonistes qui assassinent pour la seule excitation, tel Thomas Hemming, 21 ans, meurtrier de deux personnes juste pour savoir l'effet que cela lui ferait ) ; ainsi que l'absence de remords, l'impulsivité et le besoin de contrôler ou d'imposer son pouvoir sur les autres (par exemple Dennis Rader, un tueur en série américain qui a assassiné dix personnes entre 1974 et 1991...).

Le meurtre à Sydney de Morgan Huxley par Jack Kelsall, 22 ans, montre toutes les caractéristiques d'un psychopathe et souligne les différences entre psychopathes et pervers narcissiques. En 2013, Kelsall a suivi Huxley chez lui et a assailli sa victime, 31 ans, avant de la poignarder 28 fois. Kersall n'a montré aucun remords pour son crime extrêmement violent et prémédité. Il n'y a aucun doute dans mon esprit : il est psychopathe plutôt que pervers narcissique, car, même si le meurtre était frénétique, Kersall a fait preuve de patience et de planification. Il avait, dès avant le meurtre, suivi des victimes potentielles. Et, un an avant de tuer Huxley, prétendument « par pur plaisir », il avait déjà fait part à son psychiatre de fantasmes concernant l'assassinat d'un étranger à l'arme blanche.

Un cas d'école

Quel que soit le mobile de Kelsall, et indépendamment du fait de savoir si son dysfonctionnement provenait de l'inné ou de l'acquis, ce cas s'offre comme l'exemple du pire aboutissement de ce que peut produire un désordre antisocial de la personnalité : de la violence aveugle contre une victime prise au hasard, et cela, dans un but de gratification de soi. Pendant son procès et lors du verdict, Kersall n'a montré aucun signe de remords ni de culpabilité et il n'a présenté aucune excuse.

Véritable cas d'école dans le domaine de la psychopathie, il aurait, je pense, tué de nouveau. Selon moi, et selon la police qui l'a arrêté, Kersall était un tueur en série en devenir. Finalement, la distinction entre un psychopathe et un pervers narcissique a-t-elle un sens ? Ils peuvent tous les deux se montrer dangereux et même meurtriers, commettant les pires ravages dans la vie des autres. Ou bien ils peuvent passer leur vie parmi des gens qui n'en ont aucun soupçon.

Xanthe Mallett* est chercheuse en criminologie à l'université New England (Australie)

The Conversation


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Commentaires (5)

  • Emma 54

    Petite précision : ils sont persuadés d'être les victimes de leurs victimes...

  • Biglotron

    "Le pervers narcissique s'est fait lui-même", nous confirme l'article. Et il est, au demeurant, reconnu parfaitement responsable de ses actes : il fait le mal sans états d'âme autre que l'espoir et la recherche d'en jouir a détriment de ses victimes. C'est un faisan malfaisant qui n'a aucune excuse pour les souffrances qu'il inflige à ses victimes...
    Et pourtant la législation ne propose pratiquement rien pour sanctionner ces monstres. Le harcèlement en soi -sauf cas particuliers en nombre limité- n'est pas un délit et les juges sont, dans leur écrasante majorité, parfaitement incultes s'agissant de la perversion narcissique. Pire : ce sont les premiers à se faire abuser par le discours délétère des PN dont ils ne savent pas, par pure ignorance, détecter la nature vicieuse ; ils ne le cherchent d'ailleurs pas puisque la loi elle-même ignore superbement le fait. C'est ainsi que nombre de jugements sont rendus au service direct de manipulateurs dangereux et pour le plus grand malheur des victimes, du fait de l'incompétence des magistrats et du vide juridique sur la question.
    Un ministre de la Justice digne de ce nom -c'est-à-dire attaché à sa mission de faire en sorte que la justice soit faite, au sens littéral et pas seulement administratif- devrait s'attaquer à traiter ce problème majeur en toute première priorité... Un problème autrement plus important en termes de justice que ce à quoi s'est employée Mme Taubira -heureusement virée- : le mariage gay ou les chausse-trappes contre N. Sarkozy.

  • greenpogney

    Ces personnalités éprouvent du plaisir. Quel sorte de plaisir ? Ont elles des orgasmes sexuels en assaillant, torturant et tuant. Sont- elles insensibles aux cris et hurlements des victimes ? Je pense que oui.