« Ça sent le cochon chez Mohamed » : l’édito antiraciste qui fait du bien

« Ça sent le cochon chez Mohamed » : l’édito antiraciste qui fait du bien

A Albert, dans la Somme, un commerçant tunisien a découvert une tête de porcelet grillée devant chez lui. Le Courrier picard a repris l’histoire dans un édito-coup de gueule.

Par Juliette Pousson
· Publié le · Mis à jour le
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L’édito est court, énervé, efficace. Ici, pas d’élection présidentielle, pas d’Alstom, pas de Macron. Juste un fait divers lamentable : une histoire de tête de cochon déposée devant le salon de coiffure d’un certain Mohamed Manoubi. Un édito-coup de gueule, publié dans le Courrier picard, et qui fait du bien.

« Ils ont frappé en Picardie. En plein cœur de la région, à deux pas du Pas-de-Calais. Chez nous. [...] Ils ont voulu frapper Mohamed dans son identité d’être humain. Mais rien ne peut atteindre le commerçant d’Albert. Car Mohamed a tout notre soutien, tout notre respect et, oui, tout notre amour. C’est d’humanité qu’il est question. Mohamed est notre frère en humanité. Il est notre ami. Et tous autant que nous sommes, qui n’avions jamais mis les pieds à Albert ou dans ce salon de coiffure, nous avons furieusement envie de faire des kilomètres pour nous y rendre. [...] On est au moins sûr d’une chose  : c’est que Mohamed, à Albert, est un homme. On sait aussi que d’autres y sont des porcs. »

« De l’humanisme de base »

L’article a été largement partagé sur les réseaux sociaux. « Il arrive de temps en temps qu’un édito tourne beaucoup, mais celui-ci a particulièrement touché les gens », constate Jean-Marc Chevauché, l’auteur du papier. Il a lui-même reçu « une importante quantité de messages de remerciements ».

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« Au moment du choix de l’édito, ce sujet s’est imposé. J’ai estimé que cette histoire méritait d’être davantage connue par les gens. C’est de l’humanisme de base. Quelque chose qui paraît simple, qui relève d’un principe républicain fondamental. »

D’ailleurs, souligne-t-il, les messages sur les réseaux sociaux sont également « assez simples » :

Mohamed Manoubi a, lui aussi, reçu des appels de soutien de « toute la France et même de l’étranger ». Commerçant tunisien, marié à une Française, il s’est installé à Albert, dans la Somme, en 2010. Il a ouvert son salon de coiffure il y a un mois et demi. « Tout se passait très bien, niveau clientèle et voisinage », nous raconte-t-il.

Et puis, lundi 12 septembre, c’était l’Aïd el-Kébir. « C’est notre Noël à nous. » Alors, le week-end précédant la fête religieuse, il poste un message sur la page Facebook de son commerce et indique qu’il fermera l’établissement lundi 12, « en raison d’une fête religieuse ».

« On touche à ma culture »

« Vers 7h30 dimanche matin, je me lève et je m’aperçois qu’il y a un truc noir devant notre habitation. » Le salon de coiffure se situe dans la maison du commerçant et de sa famille. « Je me dis que ce doit être un sac poubelle, mais non. C’est une tête de cochon grillée. » Mohamed Manoubi porte plainte dans l’après-midi.

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« Faire ça la veille d’une fête religieuse... C’est forcément un acte raciste. On attaque mon propre foyer, on touche à ma culture, à ma personne. Ça me fout un peu les boules, pour le dire franchement. »

Il poursuit :

« Imaginez dans un an, si je pars pendant une ou deux semaines en vacances, qu’est-ce que je vais trouver devant chez moi ? »

Pour Jean-Marc Chevauché, cet événement local est celui de trop. « Ça arrive après une séquence de faits divers similaires, de sujets à propos de la religion... Mais beaucoup de gens se fichent de tout ça. Burkini, machin, ras-le-bol. »

Compte Facebook piraté

Certes, il y a eu les appels de soutiens, les messages Facebook compatissants, des tweets de remerciement. Seulement, Mohamed Manoubi est Tunisien et musulman, de quoi nourrir des trolls racistes pendant plusieurs jours. Dans son édito, Jean-Marc Chevauché prédisait :

Mohamed Manoubi a photographi la tte de cochon dpose devant chez lui
Mohamed Manoubi a photographié la tête de cochon déposée devant chez lui - DR
« Comme à chaque fois, ça va nous rapporter quelques sales commentaires et autres vomissures dont se remplissent des réseaux sociaux qui ne supportent pas un bout de sein mais font la courte échelle à tous les extrémismes. »

Bien sûr, ça n’a pas loupé. « Mardi matin, on se rend compte que la page Facebook du salon de coiffure a été piratée », explique le commerçant. « Des messages d’insultes y ont été postés. » Finalement, ce compte a été supprimé.

« Ce n’est pas de la peur que je ressens. Mais je prends du recul, de la distance. Je me renferme. Même les clients s’en rendent compte ! “En trois jours, t’as changé !”, ils me disent. »
Juliette Pousson
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