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Comment Facebook peut influencer votre vote en 2017

Facebook est devenu une source d'information incontournable... qui n'a aucune obligation de transparence. Avec l'élection présidentielle qui se profile, ce que montre le réseau à ses utilisateurs aura un impact considérable sur leur perception des candidats.

Alix Hardy , Mis à jour le
En 2012, le désormais conseiller en communication du Président indiquait sur Facebook qu'il était allé aux urnes.
En 2012, le désormais conseiller en communication du Président indiquait sur Facebook qu'il était allé aux urnes. © Reuters/Facebook

En 2012, le désormais conseiller en communication du Président indiquait sur Facebook qu'il était allé aux urnes. (Reuters/Facebook)

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Tout le monde connait Facebook. Plus d'un Français sur trois s'y connecte chaque jour en 2016, et le réseau est désormais une importante porte d'entrée vers l'information, selon l’institut Reuters d’étude du journalisme . Depuis dix ans qu'on y est inscrit, le réseau ne sert plus seulement à poster des photos mais aussi à se tenir au courant de l'actualité des personnes et sujets que l'on a invités à s'afficher devant notre fil d'infos. Sauf que notre fil d'actualités (ou "newsfeed") est loin d'être un simple robinet de contenus qui tombent au fur et à mesure qu'ils sont postés.

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Depuis dix ans, Facebook peaufine son algorithme , l'ensemble de règles qui détermine l'ordre et la manière dont les contenus s'affichent sous nos yeux. Cette formule magique, sans cesse modifiée, est son secret le mieux gardé. Dernière retouche en date : début août , Facebook est intervenu pour dévaloriser les contenus de "clickbait", ces publications au titre racoleur qui survendent leur sujet pour attirer du clic.

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Lire aussi : Facebook va-t-il changer la campagne présidentielle 2017?

Facebook aussi se pose la question de son rôle dans l'élection

Que se passerait-il, alors, si on utilisait les modifications de l'algorithme pour orienter les utilisateurs dans un sens ou dans l’autre? C'est ce que certains employés ont demandé à Mark Zuckerberg lors d'une séance de questions-réponses hebdomadaire, rapporte le site américain Gizmodo : "Quelle est la responsabilité de Facebook face à la candidature de Trump à la présidentielle?" En juin 2016, Sheryl Sandberg, la n°2 de Facebook, avait tenté une réponse: "Nous appartenons au domaine des technologies, pas des médias. Nous n'essayons pas pas d'embaucher des journalistes et nous n'essayons pas de faire de l'information."

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La question méritait pourtant d’être posée, car la réponse ne va pas de soi. Rien, selon la loi, n’oblige Facebook à rendre des comptes sur sa cuisine interne. "Facebook a créé son propre monde, analyse l'avocat spécialisé en droit informatique Bernard Lamon. Cela a une conséquence : à l’heure actuelle, Facebook n’a aucune obligation de transparence. Il n'existe pas d'endroit où il serait gravé que quiconque informe le peuple - de manière automatisée ou non - serait tenu à une obligation d’objectivité."

Même si Facebook était pris les doigts dans le pot de confiture, il serait difficile de l'inquiéter. "Si quelqu’un se plaint en arguant que la 'mayonnaise' a été un peu 'accélérée', ce serait à lui de démontrer une forme de déloyauté dans la sélection des infos mises en avant sur Facebook. Or on n'a pas accès aux bases de données, on ne peut pas procéder à une enquête."

Ce qui, vu la puissance de frappe de Facebook, "pose un problème de principe", pour l'avocat. "Un fil d'actualités Facebook biaisé peut potentiellement avoir un impact beaucoup plus large qu'un média biaisé, car les gens supposent qu'une plateforme comme Facebook a un traitement impartial et objectif", résumait un journaliste sur Quartz . Un sentiment confirmé par un baromètre de la tech, le Edelman Trust Barometer qui, en 2016, indiquait que les agrégateurs de news en ligne comme Facebook bénéficiaient d'une plus grande confiance que les médias.

Un bouton pour dire "J'ai voté" en France en 2017?

S’il décidait de favoriser discrètement l’un ou l’autre candidat à la présidentielle, Facebook aurait un outil rêvé à sa disposition : notre fil d'actualités. Le réseau pourrait par exemple y faire disparaître les contenus négatifs sur un(e) candidat(e), ou favoriser ceux traitant d’un(e) autre.

Autre levier d'influence : aux Etats-Unis, le réseau social fait apparaître depuis 2008 un bouton "J’ai voté!" les jours de scrutin. Les utilisateurs indiquent qu'ils ont été voter et cela crée une pression sociale supplémentaire pour les autres.

 

Le bouton 'J'ai voté!' aux Etats-Unis (Facebook)

Une autre version américaine (Facebook/Gizmodo)

La version anglaise en 2015.

L’option s’est étendue depuis en Israël et au Royaume-Uni en 2015, aux Philippines en 2016… La question se pose pour la France en 2017. Si Facebook France refuse de communiquer sur le sujet avant la fin du mois, à l'intérieur, on confirme cependant au JDD.fr que Facebook "réfléchit évidemment" à implémenter le bouton pour la présidentielle française, au même titre que d'autres produits d'abord testés en période électorale aux Etats-Unis. Des options qui pourraient "être adaptées à la culture et aux coutumes sociales" françaises.

Aux Etats-Unis, une étude a montré qu’en cachant ce bouton aux partisans d’un candidat, Facebook aurait le potentiel nécessaire pour faire basculer une élection en cas de score très serré. Sans que l'entreprise ait jamais indiqué penser à rendre un tel bouton sélectif, elle dispose par ce biais d'un nouveau levier potentiel sur l'élection, sans possibilité de contrôle extérieur.

La rubrique 'Trending', un casse-tête pour Facebook

La rubrique 'Trending' ("Populaire"), regroupant les articles qui montent en popularité, encore inaccessible en France.

Outre le fil d'actualités, le réseau a par nature la main sur tout ce qui s'affiche sur son site. Ainsi, Facebook a été accusé par un ancien employé d'être intervenu sur le contenu de la rubrique 'Trending' (encore inaccessible en France), censée afficher les posts en train de monter en popularité sur le site, pour défavoriser les contenus républicains. Si les accusations de favoritisme se sont vite dégonflées, la cellule fonctionnait bien sur base du jugement individuel des employés de la cellule . Mais le remplacement des éditeurs humains par un algorithme, annoncé par Facebook, n'a pas arrangé les choses : trois jours après sa mise en place, la rubrique plaçait en pole position un faux article prétendant que la présentatrice de Fox Megyn Kelly s'était faite virer pour son soutien secret à Hillary Clinton.

La barre de recherche en haut de la page web est aussi à surveiller. Les résultats affichés à la recherche du terme "Présidentielle 2017", par exemple, sont entièrement dépendants de la sélection qu’en fait la plateforme, qui pourrait choisir de faire remonter un contenu en particulier si elle le souhaitait. Comme le newsfeed, les résultats de recherche dépendent fortement de votre profil : plus de 200 facteurs qui quantifient ce que vous êtes et votre activité sur Facebook entrent en compte dans la sélection des résultats de votre recherche. Une recherche ne donnera pas le même résultat chez deux personnes différentes.

 

Les résultats de recherche actuels pour "Election présidentielle 2017". (Facebook)

Payer pour enfreindre les règles

Sans faire joujou eux-mêmes avec l’opinion publique, les réseaux sociaux se sont aperçu qu’il était possible d’offrir aux utilisateurs des moyens de passer outre l’algorithme et d’en tirer des bénéfices. Facebook a par exemple diminué la visibilité naturelle des posts dans le flux des utilisateurs, forçant les entreprises à payer pour enfreindre la règle de l'algorithme et assurer une meilleure visibilité de leur contenu.

La méthodologie est déjà sur pied : Twitter , Facebook et Instagram proposent déjà aux entreprises de sponsoriser des posts (payer pour augmenter la visibilité de publications sur le réseau et toucher des personnes qui n'y sont pas encore exposées). Certains politiques, comme Marine Le Pen, s'y livrent déjà : jusqu'à la fin août, elle sponsorisait des posts renvoyant vers son site via la régie publicitaire de Facebook, qui diffuse ces publicités sur les newsfeeds Facebook ainsi que les sites partenaires acceptant la publicité. La sélection des sites dépend de la navigation des utilisateurs, ce qui a conduit ces publicités à s'afficher entre autres sur des apps de rencontre comme Happn, Hornet ou Grindr, détaille-t-on au FN.

 

Une publicité de Marine Le Pen sur Instagram et sur Hornet, une application de rencontres gay. (Guillaume Daudin/DR)

Sur Facebook, il est possible d’affiner fortement la diffusion en ciblant des groupes de personnes en particulier - afin de ne pas "gaspiller" son post sponsorisé en le diffusant à des personnes qu'on ne cherche pas à atteindre. Une page adressée aux professionnels y est même dédiée dans la section "business" de Facebook.

Une des étapes du guide Facebook pour optimiser l'impact des publications sponsorisées.

Des messages privés sponsorisés en France?

Mais le réseau recèle de plus larges possibilités. La Lettre A a ainsi annoncé fin juillet que Facebook France comptait lancer sous peu des messages privés sponsorisés. "Laurent Solly, le patron de Facebook France [et ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, NDLR], fait le tour des communicants politiques et des QG de campagne pour 2017, rapportait cette lettre confidentielle spécialisée dans l'actu politique et médiatique en France. Il leur présente notamment sa nouveauté : des 'direct messages' qui seront lancés avant la fin de l'année. Ce produit permettra aux politiques - mais aussi aux entreprises - de toucher massivement les internautes en leur écrivant directement sur leur messagerie Facebook." 

Chez Facebook France, on dément catégoriquement cette information auprès du JDD.fr, affirmant que cela "n'a même jamais été dans les tuyaux". L'option est à l'essai aux Etats-Unis depuis avril dernier. Pour Fabrice Pelosi, un communicant spécialisé dans le numérique qui avait relayé l'info dans un tweet , l'annonce fait plutôt figure de ballon d'essai. Pour lui, "cette innovation tombe sous le sens : pourquoi s'en priver?" A quelques mois de la campagne, l'outil ouvre de vastes horizons aux hommes politiques, qui pourraient envoyer de classiques messages de campagne en privé aux utilisateurs, mais surtout "faire passer des éléments de langage ou fact-checker leur opposant dans un débat en direct", imagine Fabrice Pelosi.

L'opération pourrait avoir une forte résonance si ces éléments sont repris en masse, alors que certains jeunes militants, notamment chez Les Républicains , ont déjà l'habitude de pratiquer une riposte organisée sur les réseaux sociaux durant les passages télévisés de leur candidat.

Pas de pub six mois avant l'élection

Seule ombre au tableau : la loi. Actuellement, le code électoral stipule à l'article L52-1 qu’à partir de six mois avant le scrutin, "il est interdit de recourir, à des fins de propagande électorale, à tout procédé de publicité commerciale", notamment, sur Internet, les "achat de liens sponsorisés ou de mots-clefs, ou le référencement payant".

Le tweet sponsorisé de Valérie Pécresse (Capture d'écran Metronews)

Et la règle est appliquée : en octobre 2015, Valérie Pécresse s'est fait épingler durant la campagne des régionales pour un tweet sponsorisé. Reste à savoir si les messages sponsorisés en messagerie directe seraient considérés comme de la publicité commerciale au sens où l'entend le code électoral. "C’est de la pub, et ce serait donc encadré, mais vu le personnage qui dirige Facebook France, il saura faire", glisse le communicant Fabrice Pelosi.

Source: leJDD.fr

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