Des eurodéputés coulent une initiative sur la transparence des lobby

Le PPE, les socialistes et les libéraux se sont coordonnés pour saborder une initiative qui rendrait publiques les activités extérieures des eurodéputés et renforcerait le contrôle des lobbys.

À la surprise générale, la commission des Affaires constitutionnelles du Parlement européen a renvoyé à plus tard une initiative pour le renforcement du contrôle des représentants des groupes de pression à Bruxelles le 13 septembre.

Le projet de rapport de l’eurodéputé vert, Sven Giegold  proposait de serrer la bride aux représentants d’intérêt et d’interdire les activités extérieures des eurodéputés dans des groupes de pression.

Cependant, les fractions du Parti populaire européen (PPE), des Socialistes & Démocrates (S&D) et des Libéraux (ALDE) se sont accordés pour reporter la décision pour une durée indéterminée.

Il y a quelques jours seulement, il n’y avait pas de doute sur le fait qu’une décision serait prise, malgré la position défavorable du PPE. Pas plus tard que le 8 septembre, le S&D avait encore fait part de son approbation, selon l’auteur du rapport, avant qu’un e-mail de la coordinatrice du parti, Mercedes Presso, ne « revoie la position ».

Selon Sven Giegold, il y aurait eu un accord entre les chefs de file des partis, Manfred Weber (PPE), Gianni Pitella (S&D) et Guy Verhofstadt (ALDE) ayant abouti sur une suspension de la décision jusqu’à nouvel ordre.

Le rapport prévoyait notamment des normes de transparence plus strictes à l’échelle européenne et la limitation de l’influence des représentants d’intérêt sur la politique bruxelloise.

Le projet exigeait en particulier la mise en place d’une « empreinte législative » dans les paquets de loi de l’UE et un délai d’attente de trois ans pour les eurodéputés qui souhaitent se joindre à un groupe de pression à la fin de sa période d’activité au Parlement.

Cette « empreinte » recenserait l’ensemble des lobbys et leur position afin de suivre les parties impliquées ou non dans la rédaction des textes de loi. En outre, toutes les positions et les mandats dans les négociations pour un accord commercial, comme le TTIP, devraient être rendues publiques.

>> Lire : Comment empêcher Barroso de devenir un autre lobbyiste

Or, le projet risque d’être réduit à néant avec le report de la décision. Selon l’eurodéputé vert, le PPE est largement responsable de cet échec, dans la mesure où il ne souhaite pas de « réels progrès » dans le contrôle des lobbys. Cependant, le parti nuirait « à la réputation du Parlement » en agissant ainsi, selon Sven Giegold.

Effectivement, les propositions de modification, soumise quelques jours auparavant par le PPE, sont parfaitement claires : les revendications principales du rapport ont été vidées de leur substance, les passages déterminants raccourcis.

Par exemple, le passage, qui interdisait explicitement les activités secondaires des eurodéputés dans des groupes de pression dans la version de Sven Giegold, suggère simplement « une renégociation » de ces activités dans la proposition du PPE. De même, le passage demandant une « empreinte législative », et avec elle la mise en place d’un véritable outil législatif, a été supprimé pour être remplacé par un vague plaidoyer pour « plus de transparence ».

Extrait du rapport et proposition de modification du PPE :

1

shutterstock-335352368

2

32324119396-2f9610f581-z

Source : Sven Giegold

Le PPE nie toutefois fermement vouloir bloquer un projet central pour endiguer la « lobbycratie » à Bruxelles.

Le coordinateur du PPE, György Schöpflin, a assuré à EURACTIV que le parti ne rejette « aucune des demandes fondamentales du rapport », mais tente de trouver « la meilleure formulation ».

L’eurodéputé S&D, Jo Leinen a quant à lui justifié la désapprobation de sa fraction en expliquant que seule une « majorité solide » pourra rendre l’UE plus transparente. Étant donné qu’il y avait « une forte probabilité » que la proposition de Sven Giegold soit « largement refusée », la décision a été suspendue.

Reste à savoir si le rapport de l’eurodéputé vert sera à nouveau soumis à un vote ou s’il sera perdu dans les conflits d’intérêt des fractions du Parlement. De son côté, Sven Giegold s’est montré pessimiste.

>> Lire : «Les États membres évitent la transparence comme la peste», selon Giegold

Inscrivez-vous à notre newsletter

S'inscrire