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Dans une favela de Rio, une décharge transformée en jardin écolo-solidaire

Le parc bénéficie d'un potager dont les récoltes sont redistribuées aux habitants de la favela. Photo : Instituto e Parque Sitiê.
Le parc bénéficie d'un potager dont les récoltes sont redistribuées aux habitants de la favela. Photo : Instituto e Parque Sitiê.
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Située au sommet d’une colline au sud de Rio de Janeiro, la favela Vidigal a vue sur l’océan, mais a longtemps été un dépotoir. Au début des années 2000, le quartier était entouré d’une décharge à ciel ouvert, rendant l’environnement invivable. Deux habitants, aidés d’un jeune architecte brésilien et plusieurs bénévoles, ont réussi à transformer la zone en un parc écologique. Et en un véritable modèle de gestion environnementale et sociale.

Mauro Quintanilha, un musicien ayant passé toute son enfance à Vidigal et Paulo Cesar, un éboueur également installé dans la favela, ont commencé leur opération de nettoyage en 2005. Ils auront mis une dizaine d’années, sur un terrain de plus de 1 100 m2, pour que leur projet fou aboutisse. Aujourd’hui, le parc Sitiê a l'ambition de promouvoir la permaculture et la protection de l'environnement. En 2015, le parc a gagné le prix Seed Awards, l’un des plus prestigieux en matière d’urbanisme.

Des habitants de la favela dans le parc. Photo : Instituto e Parque Sitiê.

"J’ai commencé en nettoyant la zone tout seul : on me prenait pour un fou"

Mauro Quintanilha, 56 ans, il est à l’origine du projet.

Quand j’étais petit, la favela était entourée d’une magnifique forêt. Puis des habitants se sont installés illégalement sur le terrain. En 2003, la mairie a demandé la destruction de plusieurs de ces habitations informelles, sans ramasser les débris après ! La zone démolie est alors devenue un dépotoir. Pendant une vingtaine d’années, les habitants y jetaient leurs ordures. L’odeur était insupportable.

Je suis allé voir la municipalité à plusieurs reprises, mais personne ne voulait prendre en charge ce problème. J'ai alors décidé de nettoyer seul la zone. Au début, on me prenait pour un fou.

Mon ami Pedro Cesar, un éboueur, m’a aidé bénévolement à vider le parc de ses ordures, en les collectant et en les amenant avec son camion dans une vraie décharge. Petit à petit, d’autres habitants sont venus nous aider. Nous avons aussi organisé des séances de sensibilisation pour que les ordures ne soient plus jetées à cet endroit et mis en place des points de collecte des déchets dans la favela.

La reforestation, via la plantation d'arbres et de fleurs, nous a permis de redonner un charme à cet espace. Pour cela, nous avons bénéficié de l'aide du Jardin Botanique de Rio de Janeiro, qui a fourni gratuitement des semences. Nous avons également mis en place un petit potager dans le parc, dont les récoltes sont redistribuées aux habitants. Pour cette première partie du projet, nous n’avions aucun financement, seulement l’accord de la municipalité pour exploiter le terrain.

Des enfants dans le parc. Photo : Instituto e Parque Sitiê.

En 2012, le projet sort de l’ombre grâce au sommet de l’ONU RIO+20 où il a été présenté, attirant ainsi de nombreux investisseurs et architectes. Dans la foulée, le site est reconnu par la préfecture de Rio comme la première agro-forêt de la région. Un an plus tard, le projet séduit Pedro Henrique de Cristo, un jeune architecte brésilien qui venait de finir ses études en politiques publiques urbaines à l’université de Harvard. Celui-ci rencontre alors les deux habitants pour leur proposer de réaménager le site et lui donner davantage de visibilité.

Des animations sont régulièrement organisées dans le parc. Photo : Instituto e Parque Sitiê.

"La fréquentation touristique augmente, preuve que l’image du quartier a changé"

Pedro Henrique de Cristo, 33 ans, est originaire du nord-est du Brésil. Il s’est installé à Vidigal en 2013.

L'initiative des habitants de Vidigal m'a impressionné. Je souhaitais leur permettre de développer le projet. Après plusieurs discussions, nous avons travaillé ensemble.

Avec une équipe d'architectes et urbanistes et grâce au financement de fondations privées, nous avons renforcé le côté "écolo" du parc en installant des systèmes de récupération des eaux usées pour subvenir aux besoins en eau des plantations et aménagé d'autres potagers. [Au total, le projet a coûté près de 18 200 euros, financé par la société d'architecture ArqFuturo, l'Insitut PDR, œuvrant pour le développement social, et la Fondation Getúlio Vargas, NDLR].

Nous avons également décoré l'espace avec toutes sortes d'objets de récupération.

"Les habitants cultivent les potagers et s’y approvisionnent, ça a donc permis d’améliorer leur quotidien"

Mais l'objectif était surtout d'intégrer ce parc au reste de la ville pour désenclaver la favela : nous avons dessiné de nouveaux chemins de promenade permettant notamment de relier la favela aux autres quartiers. C'est désormais un espace public ouvert à tous, où ont été installés des bancs et des jeux. Cette réappropriation a notamment permis d'écarter les trafiquants de drogue, qui occupaient le parc.

Quand je suis arrivé, le parc faisait 1 100 m2. En deux ans, il est passé à 8 500 m2 ! La fréquentation touristique augmente, preuve que l’image du quartier a changé. Nous avons également ouvert l’Institut Sitiê pour gérer le parc et organiser des événements autour de la protection de l’environnement.

Les habitants de la favela restent les premiers bénéficiaires du projet : ils cultivent les potagers et s’y approvisionnent, ça a donc permis d’améliorer leur quotidien. De même pour les fleurs, qui sont cueillies et vendues par des femmes du quartier. Le modèle a séduit d’autres pays. Je travaille actuellement sur un projet similaire en Afrique du Sud.

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