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Politique

La communication de Sarkozy, arme de destruction massive de Juppé

Selon un sondage Harris-Interactive, au premier tour de la Primaire LR, Alain Juppé et Nicolas Sarkozy seraient à égalité, le premier l'emportant de peu au second tour. Un indicateur de plus que l'effet Sarkozy prend de l'ampleur, grâce à une communication bien plus efficace.

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Alain Juppé et Nicolas Sarkozy le 14 octobre 2015 à Bordeaux

Alain Juppé et Nicolas Sarkozy le 14 octobre 2015 à Bordeaux

(c) Afp

L’irrésistible ascension de Nicolas Sarkozy vers la victoire à la Primaire LR se poursuit. Un sondage Harris-interactive, un de plus, consacre l’incroyable remontée. Désormais, au premier tour de la Primaire, Nicolas Sarkozy et Alain Juppé se retrouveraient à égalité, 37% chacun. Et au second tour, Alain Juppé l’emporterait d’une courte tête, 52-48. Quand on songe à ce qu’était l’écart entre les deux candidats il y a quelques semaines encore, un tel résultat est vertigineux.

Certes, il convient de prendre ces mesures avec précaution. Quand on lit que ce résultat est le fruit d’une enquête "réalisée en ligne du 12 au 14 septembre 2016. Échantillon de 563 inscrits sur les listes électorales déclarant qu’ils iront certainement voter à la primaire de la droite et du centre, issus d’un échantillon de 6.266 personnes, représentatif des Français âgés de 18 ans et plus", on se dit que tout cela est soumis à une marge d’erreur de haute intensité. Et quand on lit encore que "Alain Juppé fait le plein auprès des sympathisants de gauche prêts à aller voter à la primaire de droite (61% d'intentions de vote), ainsi qu'auprès des électeurs de l'UDI et du Modem (74% d'intentions de vote), Nicolas Sarkozy engrange lui du côté des sympathisants Les Républicains (54% d'intentions de vote) et des électeurs du FN (42% d'intention de vote", on se dit que plus que jamais, une prudence de bon aloi est de rigueur.

Nonobstant ces réserves, le fait est: quelles que soient les marges d’erreur, un effet Sarkozy est perceptible. Il remonte, remonte, remonte et remonte, dévorant l’avance d’Alain Juppé lors de chaque mesure de l’état de l’opinion.

Alain Juppé se trompe d’élection, mais pas Nicolas Sarkozy. Le premier se croit déjà au second tour de l’élection présidentielle, en position de rassembleur suprême des droites et des gauches confrontées à la menace Marine Le Pen. Le second est dans son premier tour de la Primaire LR. Il ne parle qu’aux électeurs de ce camp-là, se moque des sondages de popularité consacrant son impopularité à gauche. Les électeurs de droite susceptibles de voter à la Primaire LR veulent du populisme-chrétien et de l’identité étriquée, il les gave. Chaque sortie médiatique, toujours transgressive, est un électrochoc, un appel au sursaut. Nicolas Sarkozy ne se trompe ni d’élection, ni d’électeurs, d’où sa remontée, et l’instauration d’un momentum en sa faveur.

La leçon de com' de Sarkozy

Les communications des deux candidats sont révélatrices des raisons pour lesquelles Sarkozy remonte et Juppé piétine. En verticalité et horizontalité, l’ancien président donne une leçon à l’ancien ministre de Chirac. Avant la rentrée politique, à la fin du mois d’août, irrités par certains éditoriaux mentionnant le momentum Sarkozy et l’immobilisme Juppé, des soutiens de poids du maire de Bordeaux objectaient qu’Alain Juppé était absent des médias, d’où une fausse perception de la réalité politique. "Quand il sera aussi présent que Nicolas Sarkozy dans les médias, vous verrez", disaient-ils en substance, "La réalité vous apparaîtra".

Sauf que la réalité qui apparaît depuis n’est pas celle promise par les supporters d’Alain Juppé. Quand il parle, il ne se passe rien. On n’entend rien. On ne retient rien. Au contraire de Nicolas Sarkozy. En verticalité comme en horizontalité de communication, Nicolas Sarkozy est imbattable, et cette campagne pour la Primaire LR le confirme. Verticalité, horizontalité, Sarkozy se promène là où Juppé se gare.

Exemple de verticalité réussie: ce mercredi, Nicolas Sarkozy s’est affiché climato-sceptique. Coup double. D’une part, on ne parle que de cela parce qu’il a créé l’événement autour de lui, as usual, déclenchant la colère de Daniel Cohn-Bendit sur Europe 1. Encore une transgression qui fait causer. D’autre part, il raconte aux électeurs de la droite d’aujourd’hui l’histoire qu’ils ont envie d’entendre : "On s’en fiche de l’écologie politiquement correct défendue par les bobos, on fait ce qu’on veut, comme on veut, c’est ça notre identité". Pendant ce temps-là, exemple de verticalité ratée, Alain Juppé commet toujours des erreurs de débutant: une semaine dans le Figaro Magazine, la suivante dans Valeurs actuelles. Et le même message, dilué sur deux interventions. "Je suis raisonnable parce que je suis raisonnable". "Je ne ferai qu'un mandat parce que je ne ferai qu'un mandat". Le même spectacle, un peu ennuyeux, adressé à des électeurs de second tour d’élection présidentielle dans des journaux de droite qu’ils ne lisent pas tous. Surtout les électeurs de gauche.

Alain Juppé est immobile, là où Sarkozy est sans cesse en mouvement. En décalage spatio-temporel complet.

Le candidat, ce nouveau héros de roman

La communication verticale d’Alain Juppé est la répétition permanente d’un même et unique message, qui tourne en boucle: "l’identité heureuse doit être heureuse parce qu’il faut qu’elle soit heureuse pour être heureuse". Juppé est prisonnier d’une communication verticale tautologique. Rien ne se passe parce qu’il tient un discours fermé à perpétuité. Il n’a pas compris (a-t-on seulement osé lui expliquer?) qu’un candidat à l’élection présidentielle doit être un héros de roman, qui raconte à ses électeurs l’épopée qu’ils ont envie d’entendre, et que pour y parvenir, il faut sans cesse innover, inventer et surprendre.

Idem pour l’horizontalité. Ceux qui se moquent des séances de dédicace de ses livres par Nicolas Sarkozy dans les Auchan et Leclerc de France et de Navarre ont tort. C’est dans ces endroits que l’ancien président touche le peuple de droite en colère. Une dédicace, un petit mot pour le gamin, « il est mignon vot’ petit ,dites donc ! », un selfie, le tout répété des dizaines et des dizaines de milliers de fois depuis le mois de janvier. C’est ainsi que s’est créé, aussi, le momentum. Michel Noir en campagne pour la mairie de Lyon avait théorisé l’horizontalité en politique en un axiome indépassable : "Une poignée de mains, c’est 20 voix". Sarkozy fait de même, depuis des mois, en se produisant dans les supermarchés. "Un selfie, c’est vingt voix". Imaginez le résultat potentiel après des dizaines de milliers de selfies.

Alain Juppé lui, s’adresse à des auditoires taillés sur mesure. De la Fondation Concorde à l’université de Bruxelles, un CSP+ parle aux CSP+. Et même face à ces publics acquis, le candidat peut déraper. Anecdote: il y a quelques semaines, dans une réunion privée à laquelle participaient une cinquantaine de dirigeants d’entreprise de haut niveau, Alain Juppé a fait du Juppé en mode RPR des années 90. A un interlocuteur qui entendait le faire préciser un point qui lui paraissait obscur dans un développement sur les charges pesant sur les entreprises, Alain Juppé a répliqué sèchement : "Je pensais pourtant avoir été clair". Le questionneur, selon un témoin de la scène, en a été glacé. Et le reste de l’assistance aussi qui s’est interrogée, une fois le candidat parti, sur sa capacité à maîtriser sa nature profonde le temps d’une rude campagne. L’horizontalité, c’est aussi un métier.

La quiétude qu’Alain Juppé entend inspirer aux électeurs de la Primaire LR se traduit en immobilisme, là où Sarkozy a intégré l’envie de mouvement et de réaction de cet électorat particulier. A la fin, on en revient toujours aux fondamentaux posés par le trio Pilhan-Colé-Auber: pour se faire entendre, il faut se distinguer du bruit médiatique ambiant. Et une fois que l’on se fait entendre, il faut savoir à qui l’on parle et pourquoi. Ne pas confondre popularité et intention de vote. Juppé parle à un électorat de second tour présidentiel quand Sarkozy parle à un électorat de Primaire. La règle est pourtant simple: en un temps et des circonstances données, il faut savoir choisir les électeurs qui auront envie de vous choisir.

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