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Bygmalion, terrorisme, immigration : l’intervention de Nicolas Sarkozy décryptée

Le candidat à la primaire de la droite était l’invité de la première de « L’Emission politique » de France 2 jeudi 15 septembre. Retour sur ses principales déclarations.

Par , et

Publié le 15 septembre 2016 à 23h18, modifié le 11 octobre 2016 à 16h27

Temps de Lecture 5 min.

Le candidat à la primaire de la droite était invité de « L’émission politique » de France 2 jeudi 15 septembre. Retour sur ses principales déclarations.

Nicolas Sarkozy était l’invité de la première de « L’Emission politique » sur France 2 jeudi 15 septembre. L’ancien chef de l’Etat, candidat à la primaire de la droite, y a défendu ses propositions et répondu aux accusations dont il fait l’objet dans l’affaire Bygmalion. Le vrai du faux de certaines déclarations clés de la soirée.

Plusieurs mensonges sur l’affaire Bygmalion

CE QU’IL A DIT

« J’ai été mis en examen, ce sera facile de vérifier, pour le seul délit formel de dépassement du plafond de la campagne. »

POURQUOI C’EST FAUX

Nicolas Sarkozy a raison sur un point : il est facile de vérifier. Mais pas dans le sens où il l’espérait. Il a été mis en examen pour « financement illégal de campagne électorale » (article L. 113-1 du code électoral). Ce motif de mise en examen recoupait cinq faits différents, dont celui d’avoir « recueilli et accepté des fonds en violation du code électoral » et non pas seulement d’avoir « dépassé le plafond des dépenses électorales ». C’est pour ce même motif que le parquet de Paris a requis son renvoi devant un tribunal correctionnel.

L’affirmation de Nicolas Sarkozy selon laquelle il aurait été « lavé de toute accusation mettant en cause [sa] probité dans l’affaire Bygmalion » a donc de quoi surprendre.

L’ex-chef de l’Etat a également assuré que le Conseil constitutionnel s’était déjà prononcé sur le dépassement du plafond. Un argument déjà développé par son avocat récemment, mais qui occulte plusieurs choses. Tout d’abord, le dépassement constaté en 2013 n’avait aucune mesure avec ce que l’enquête sur l’affaire Bygmalion a ensuite révélé :

Affaire Bygmalion : dépassement du plafond de campagne par Nicolas Sarkozy, enquête vs Conseil constitutionnel.

Par ailleurs, de nouveaux faits sont reprochés à l’ex-président par rapport à 2013, comme par exemple d’avoir « fait état, dans le compte de campagne ou dans ses annexes, d’éléments comptables sciemment minorés ». Autrement dit, le Conseil constitutionnel n’avait pas connaissance du système de fausses factures que l’enquête a ensuite montré.

Une fausse proposition sur les fichés « S »

CE QU’IL A DIT

« Je demande que toute personne qui est sur un fichier “S” fasse l’objet d’un contrôle sur dossier et que les quelques centaines de personnes qui présentent des critères de dangerosité pour leurs fréquentations, la consultation régulière de sites djihadistes, leur radicalité… fassent l’objet d’un examen approfondi et soient mises, en vertu du principe de précaution, en rétention administrative. »

POURQUOI C’EST INAPPLICABLE

Interner préventivement tout ou partie des personnes « fichées “S” » ? L’idée a déjà été soumise à de nombreuses reprises par des élus de droite depuis plusieurs mois. Sauf que cette piste a été jugée inapplicable par le Conseil d’Etat en décembre 2015. Une fiche « S » est un simple instrument de suivi par les services de renseignement, pas une preuve de culpabilité.

Conclusion du Conseil d’Etat : selon la Constitution et la Convention européenne des droits de l’homme, « il n’est pas possible d’autoriser par la loi, en dehors de toute procédure pénale, la rétention, dans des centres prévus à cet effet, des personnes radicalisées ». Et le Conseil d’Etat avait également rejeté le parallèle, régulièrement opéré par M. Sarkozy, avec le régime de l’hospitalisation d’office.

La consultation de sites djihadistes, évoquée par Nicolas Sarkozy, peut quant à elle faire l’objet de poursuites pénales – c’est un délit passible « de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende ». Mais c’est une procédure complètement différente de la rétention administrative par principe de précaution souhaitée par le candidat à la primaire de la droite.

Un outil de lutte contre le terrorisme… qui existe déjà

CE QU’IL A DIT

« Nous disposons d’un parquet national spécialisé dans les affaires financières, je ne vois pas pourquoi on n’aurait pas un parquet spécialisé dans les affaires terroristes. Est-ce moins grave ? Je ne le pense pas. »

CELA EXISTE DÉJÀ

En réalité, il existe déjà un pôle antiterroriste au sein du tribunal de grande instance de Paris, qui a une compétence nationale. Il comporte une section spécialisée du parquet, la section C1, un pôle de juges d’instructions spécialisés, dans la galerie Saint-Eloi du palais de justice, et même, depuis janvier, une chambre correctionnelle entièrement consacrée, la 16e, du fait de l’afflux des dossiers (elle était jusqu’ici spécialisée sur le terrorisme, mais pas exclusivement consacrée à ces dossiers).

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« Je ne sais pas si cela relève de l’ignorance ou de la mauvaise foi !, rétorquait récemment le procureur de Paris François Molins dans une interview au Monde. Depuis trente ans, la justice antiterroriste fonctionne de manière centralisée et spécialisée. » Les magistrats spécialisés ne sont pas demandeurs d’une séparation d’avec le tribunal de Paris. Leur argument : la force de cette institution leur permet de mobiliser immédiatement des renforts lors des attentats d’ampleur (janvier 2015, novembre 2015). Un divorce entraînerait, au contraire, des lourdeurs administratives.

Un argument exagéré sur les retraites

CE QU’IL A DIT

« Nous devons travailler plus longtemps car nous vivons plus longtemps. (…) Un lycéen sur deux sera centenaire. »

POURQUOI CE N’EST PAS TOUT À FAIT EXACT

Nicolas Sarkozy justifie sa volonté de reculer l’âge légal de départ à la retraite par l’augmentation de l’espérance de vie. Or, d’une part, ce n’est pas toujours le cas : en 2015, pour la première fois depuis 1969, l’espérance de vie en France a diminué (79 ans pour les hommes, 85,1 ans pour les femmes). De plus, l’espérance de vie en bonne santé, qui considère l’âge qu’une personne peut s’attendre à vivre sans « limitations d’activités ou d’incapacités », est largement moindre : il atteint 63,7 ans en France, derrière le Royaume-Uni (64,6 ans), mais devant l’Italie (61,35 ans) et l’Allemagne (57,4 ans).

Par ailleurs, aucune étude ne dit qu’un lycéen actuel sur deux sera centenaire. Comme l’ont montré nos confrères de Désintox, cet argument – récurrent chez Nicolas Sarkozy – provient d’une confusion avec un chercheur de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), la probabilité étant plutôt qu’« un lycéen sur deux dépassera les 90 ans ».

Un chiffre correct sur l’aide médicale d’Etat

CE QU’IL A DIT

« Combien a coûté l’AME l’année dernière ? 800 millions. »

POURQUOI C’EST VRAI

Nicolas Sarkozy a dénoncé le coût de l’aide médicale d’Etat (AME), avec un ordre de grandeur correct : les dépenses liées à l’AME étaient de 764 millions d’euros en 2015, selon le rapport d’activité budgétaire, au-delà des prévisions (676 millions). L’ex-chef de l’Etat, qui a déjà exagéré le montant de l’AME par le passé, est donc cette fois dans le vrai.

Il faut néanmoins préciser une chose. Les bénéficiaires de l’AME sont les étrangers en situation irrégulière qui résident en France de manière stable et gagnent moins d’un certain montant. Mais certains d’entre eux cotisent en travaillant à temps partiel ou par période.

Un mauvais constat sur l’immigration

CE QU’IL A DIT

« La France avec l’Europe » sont les territoires les plus « généreux » en matière d’immigration au monde, selon Nicolas Sarkozy.

POURQUOI C’EST PLUTÔT FAUX

Sur le plan du nombre de personnes accueillies, c’est faux. Le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) constate que neuf réfugiés sur dix se retrouvent dans des pays considérés comme économiquement moins développés – et non en Europe. Parmi ces principales terres d’accueil, on trouve les pays comptant le plus de nationaux réfugiés (Syrie, Colombie, Irak) mais également la République démocratique du Congo (3 millions), le Pakistan (2,8 millions) et le Soudan (2,4 millions).

Les régions du Proche-Orient et du Moyen-Orient concentrent à elles seules un tiers des réfugiés dans le monde (17,2 millions), avec notamment la Turquie (1,6 million, soit 223 pour 10 000 habitants) et le Liban (1,2 million, soit… 2 587 pour 10 000 habitants).

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