Nicolas Sarkozy et “L’Emission politique” victimes des “amalgames”

Par Samuel Gontier

Publié le 16 septembre 2016 à 16h00

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 03h01

«Nouveau rendez-vous, nouvelle formule, c’est la grande rentrée politique de France 2 », annonce Julian Bugier au 20 heures. « Pas de petites phrases, pas de politique politicienne, tout sur les propositions, la cohérence de l’invité, c’est notre ligne, clame David Pujadas. Voici L’Emission politique avec Nicolas Sarkozy. » Elle commence par des « questions d’actualité ». « Vous dites : “Tout n’a pas été fait sur le front de la lutte antiterroriste” », attaque Léa Salamé. Terrorisme, immigration, islam : les thèmes préférés du candidat à la primaire de la droite occupent les trois quarts de l’émission.

Cependant, les intervieweurs font preuve d’une appréciable pugnacité. « Vous êtes sourcilleux avec les terroristes, soyez-le avec moi », implore Nicolas Sarkozy alors que Léa Salamé l’interroge sur l’affaire Bygmalion. Las, la journaliste ne maîtrise pas bien le sujet et l’invité peut affirmer qu’il est seulement mis en examen pour dépassement du plafond des dépenses de campagne. « Contrairement à ce qu’il a déclaré, Nicolas Sarkozy a bien été mis en examen pour financement illicite de campagne électorale », corrige sur Twitter Dominique Verdeilhan, spécialiste justice de France 2. Mais son message n’est pas relayé dans l’émission. Et les intervieweurs ne relèvent pas d’autres affabulations (« nous sommes en Europe les plus généreux pour l’accueil de réfugiés », « un lycéen sur deux sera centenaire », « ramener la dépense publique à 50 % du PIB, cela représente un effort de 100 milliards d’euros ») ou le raccourcissement tendancieux du nom de la ministre de l’Education (« Najat Belkacem »).

Quand il est en difficulté, l’invité adresse à tous ses contradicteurs la même objection : « Monsieur Pujadas, soyez gentil, ne faites pas d’amalgame. » « Vous faites un amalgame, monsieur. » « Vos convictions, je crois que je les connais », déclare-t-il à Léa Salamé, déjà visée quand il avait asséné à la journaliste que lui décrit « la réalité que vivent les Français et non pas la réalité bobo dans un certain nombre de milieux ».

A Karim Rissouli, il reproche ses « trente-trois rendez-vous avec monsieur Hollande » dont il a tiré un livre. A Mohamed Bajrafil, l'un des « anonymes » invités à le questionner, il fait grief d’avoir « un certain respect pour Tariq Ramadan, qui parle très bien, qui est très élégant, qui est un intellectuel qui me donnait la leçon sur l’amalgame ». Encore cet « amalgame » ! Il est dentiste, Nicolas Sarkozy ? Parlant du « terrorisme islamisme (sic) », il insiste : « Je ne veux pas en rien faire d’amalgame avec les musulmans. » Pourquoi ? Les musulmans ne méritent-ils pas qu’on leur soigne les dents ? Répondant à un autre « anonyme », militant au Front national, qui l’accuse de « duplicité » : « Pas besoin de parler de duplicité d’un côté et d’amalgame de l’autre. » Non, pas besoin.

Arrive François Lenglet et sa séquence consacrée aux questions économiques, baptisée « Demandez le programme ». Comme à son habitude, l’expert exprime sa hantise du déficit public, seule question qui l’intéresse quand il détaille les mesures fiscales du candidat (suppression de l’impôt sur la fortune, baisse de 10% de l’impôt sur le revenu), dont la particularité est pourtant de favoriser les plus aisés. Il lui reproche encore d’avoir renoncé à inscrire dans la Constitution l’obligation de présenter des budgets à l’équilibre… Puis se ravise au sujet de la dégressivité des allocations chômage : « On a l’impression que vous voulez punir les chômeurs de longue durée. — Vous vouliez réduire le déficit et, quand je propose une solution, ça ne vous va pas ! », a beau jeu de rétorquer Nicolas Sarkozy.

Au tour de David Pujadas de présenter sa séquence dédiée à l’international, « Le monde en face » — la seule femme journaliste sur le plateau est aussi la seule dont la rubrique, « Le regard de Léa », utilise le prénom. « On est un peu pressé par le temps, dit David Pujadas, ce sera trois questions. » La première concerne le changement climatique, à laquelle l’invité répond avec exactement les mêmes arguments que Philippe Verdier, ancien chef du service météo auteur d’un livre qui lui valut d’être licencié pour climato-scepticisme.

David Pujdas est si « pressé par le temps » qu’il propose ensuite « trois questions, vous choisissez celle que vous préférez ». Trop aimable. Pour finir, Karim Rissouli se félicite de l’écho de l’émission sur les réseaux sociaux. Il faut dire que les partisans de Nicolas Sarkozy étaient très mobilisés, si l’on en juge par les tweets qui polluent l’écran : « Le vivre-ensemble, ce n’est pas déplacer et créer des jungles de Calais partout en France », écrit un militant avant même que l’invité reprenne cet élément de langage répété depuis trois jours.

« Une autre indication ?, demande David Pujadas à Karim Rissouli. — Oui, celle-ci est plus scientifique. » Pas vraiment. Il s’agit d’un sondage réalisé auprès de 1017 personnes, un échantillon beaucoup trop restreint pour pouvoir tirer des conclusions sur les appréciations de ceux qui voteront à la primaire de la droite. Ce que fait pourtant Harris Interactive… L’Emission politique tirerait avantage à vérifier les propos de ses invités plutôt que l’état de l’opinion. Ça m’épargnerait quelques amalgames.

Ma vie au poste, le blog de Samuel Gontier
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